La séquence politique et sociale, ouverte avec la déclaration de politique générale, le vote de confiance suivi du changement de Premier Ministre, l’appel à "bloquer tout" du 10 septembre, traduit une inquiétude plus profonde que des désaccords budgétaires.
Depuis vingt ans, les citoyennes et citoyens expriment une défiance croissante à l’égard des institutions politiques. Cette défiance est le fruit d’une succession de déceptions démocratiques qui ont fragilisé le lien entre le peuple souverain et ses représentants.
En 2005, le peuple français surprend les élites en rejetant le traité constitutionnel européen. Il s’agit de la première campagne de l’ère internet, menée hors des grands médias qui donnaient le « oui » pour acquis. Mais le signal est aussitôt ignoré : en 2007, le traité de Lisbonne reprend l’essentiel du texte rejeté. Déni référendaire.
En 2012, François Hollande est élu en promettant de combattre « son ennemie la finance ». Mais la loi Travail, imposée par 49.3, tourne cette promesse en trahison. Déni électoral.
Sous Emmanuel Macron, la verticalité du pouvoir s’est aggravée. Corps intermédiaires marginalisés, réforme des retraites imposée contre l’avis majoritaire, violences policières face aux Gilets jaunes. Déni populaire.
Quant à la dette, réelle, elle est agitée comme argument d’autorité pour justifier des coupes dans les services publics et la protection sociale. Déni social.
À chaque étape, le même constat : quand la démocratie se dérobe, la colère grandit. Quand la parole n’est pas entendue, le contrat républicain s’effrite. Et une colère sans issue démocratique devient une colère violente.
Cette dérive est aggravée par des pratiques qui minent le quotidien de la vie publique. Des ministres mis en examen maintenus en fonction. Des frontières floues entre exécutif et législatif. La peur utilisée comme instrument de gouvernement : peur de l’insécurité, peur du chaos social, peur de la dette. Peurs auxquelles s’ajoute la plus intime, celle du déclassement, des droits qui reculent, de l’avenir compromis des enfants. À cela s’ajoute le piège numérique. Internet promettait une société de la connaissance. Les algorithmes des grandes plateformes fabriquent désormais du bruit plus que du débat, du buzz plus que de l’échange.
Pourtant, dans les marges, des formes d’auto-organisation horizontale émergent, comme dans la préparation du 10 septembre. Preuve que l’aspiration démocratique demeure, même quand les institutions l’étouffent.
Enfin, c’est notre système institutionnel lui-même qui verrouille la démocratie. Une Ve République hyper-présidentialisée. Une prime majoritaire qui, même réduite à Lyon, Paris et Marseille, transforme une victoire électorale en pouvoir quasi absolu pour six ans. Ce blanc-seing donné aux exécutifs laisse les citoyennes et citoyens sans prise entre deux scrutins..
Pourtant, un autre chemin est possible. À Lyon, nous voulons en faire la démonstration. En créant un Conseil économique, social et écologique municipal, cadre intégré et permanent de dialogue avec la société civile organisée. En développant une culture de l’amendement, des propositions issues des conseils de quartier et d’arrondissement pouvant nourrir utilement le travail du conseil municipal. En garantissant un écosystème médiatique indépendant.
La démocratie locale n’a rien à gagner à des dispositifs gadget : elle a besoin de lieux où la parole citoyenne est réellement considérée.
Parce que les citoyennes et citoyens ne sont pas des spectateurs mais les porteurs de la souveraineté collective, il est urgent de leur redonner voix et pouvoir. Sans cela, la colère continuera de s’exprimer dans la rue, mais sans débouché.
Lyon peut devenir la preuve qu’un autre avenir est possible, qui ne s'enferme pas dans l'impasse de la violence mais qui ouvre une nouvelle voie démocratique.
Pour Lyon en Commun, Villes et Métropole :
- Nathalie Perrin-Gilbert
- Nicolas Planchon
- Jérôme Godard