Politique et diplomatie françaises en Syrie
Bienheureux celui qui se croit capable de maîtriser le positionnement de la politique et de la diplomatie françaises en Syrie. Un pays en pleine guerre civile dont les belligérants sont instrumentalisés par des forces extérieures qui se livrent bataille dans un contexte régional des plus explosifs, dans un monde où les va-t-en guerre l'emportent malheureusement sur les partisans d'un monde de paix et de sécurité collectives. Plus de deux années d'une guerre destructrice, tolérée par l'ONU et par les puissances occidentales et arabes et qui aura coûté cher à la Syrie, Etat, collectivité nationale, société civile, en ressources humaines, en patrimoine commun civilisationnel et culturel, en capital infrastructurel et matériel, en capacité de production ou de défense.
Pire qu'un système monarchique, la famille Assad, à l'exemple des nombreux régimes dictatoriaux qui dirigent aujourd'hui encore dans l'indifférence, voire dans la complaisance, des pays en Afrique et dans le monde arabe, aura régné des décennies avec la complaisance sinon la complicité de l'ONU et des puissances qui y dominent et qui l'ont reçue avec tous les honneurs. Tout d'un coup, une composante de la société syrienne se révolte, on subodore une réplique du printemps arabe qui a ébranler quelques dictatures dans la Région et pour ne pas demeurer en reste comme ce fut le cas en Tunisie ou en Égypte, on crie haro sur le dictateur, on organise la rébellion, on la conseille, on l'arme, puis on attend le moment opportun pour tenter de procéder en toute impunité, avec ou sans légitimité de la communauté internationale, à la destruction du pays et sa population, escomptant qu'après l'agression, sa remise en ordre, sa reconstruction et sa soumission aux intérêts occidentaux se feront au bénéfice des multinationales occidentales spécialisées dans les phases de reconstruction après conflit, y compris en réarmement sous contrôle des forces défaites et avec le financement des monarchies pétrolières du Golfe.
Espérant renouveler les exploits en génie militaire, réalisés en Libye et au Mali, la France a pris le leadership dans la constitution de la crédibilité des forces rebelles syriennes. Sa diplomatie conquérante, active et opportuniste a su avec intelligence accompagner le pourrissement de la situation de guerre civile en Syrie, jusqu'à déclarer solennellement qu'il était temps, après l'épisode de bombardement chimique des populations et sans même attendre les résultats de l'examen en cours des experts onusiens pour en déterminer la nature et les responsabilités, d'aller punir unilatéralement, devoir d'ingérence oblige, le gouvernement syrien. Navires et avions de guerre sont fin prêts, ne restent que le feu vert des alliés Étasuniens et Anglais pour détruire, grâce aux forces cataclysmiques du Triumvirat, la Syrie. Tout était question de minutes, au pire d'heures, lorsque l'un du triumvirat, la Grande Bretagne se voit interdite par son Parlement d'entrée en guerre et le Président étasunien croît plus sage de requérir l'accord de son Parlement avant de lancer les hostilités, histoire peut-être de rappeler à notre bon souvenir qu'il a été affublé du lourd fardeau du prix Nobel de la paix qu'il ne peut troquer contre une guerre qui plus est non autorisée par le Conseil de sécurité !
Oh ! rage oh ! désespoir, Oh déception des troupes françaises se trouvant stoppées dans leur élan guerrier. Pire que cela, après plus de deux années d'effort de construction d'une légitimité d'intervention punitive pour anéantir sans frais la Syrie en attendant de demander des comptes aux Etats qui l'ont soutenue, dans une offensive guerrière continue et soutenue par les puissances occidentales, Voilà que la Russie, principal allié de la Syrie, rafle avec élégance la mise, se met d'accord avec les Etats unis, dans un face à face des seuls deux grands de ce monde, à Genève, sans présence, ne serait-ce que symbolique, de la partie française qui croyait être maîtresse du jeu. qui a tant investi dans ce stratagème.
Il est question que la communauté internationale repère les lieux de stockage des armes chimiques syriennes et procède à leur destruction dans le calme et dans la sérénité, sans besoin de menaces de bombardements en cas de retards ou d'attermoiments dus à la partie syrienne. Il n'est plus question de punir et de chasser le dictateur par la force. On peut même regretter que le dispositif d'appaisement des esprits et des armes, ne puisse s'appliquer aux forces rebelles qui disposent elles aussi d'armes de toutes natures et qui dont les valeureux combattants ne sont dans leur généralité ni des saints ni des prophètes.
Le plus malheureux dans tout cela, c'est que l'activisme et l'opportunisme de la diplomatie française sortent malmenés par ce triste épisode, mais gageons qu'il y aura d'autres opportunités pour qu'ils puissent briller à nouveau dans l'état de guerre permanente qu'ils promeuvent, avec la complicité de l'ONU et de son Conseil de sécurité. Et plaise au Pape qui a montré en cette circonstance une attitude remarquable de paix, que les services secrets des alliés et amis supposés des uns et des autres ne fassent éclater une bombe nucléaire sur la Syrie pour justifier enfin une guerre punitive digne de ce nom, une intervention spectaculaire et exemplaire du XXIè siècle, capable de raser la Syrie de la carte du monde, libérant de l'espace pour le voisinage. On entrera peut-être enfin dans une troisième guerre mondiale qui justifira la transformation tant attendu du Système multilatérale de direction du monde. Et un grand merci aux Syriens de tous bords pour leurs sacrifices.