Ces questions d'apparence triviale sont pourtant récurrentes dans les manières de penser des individus. Elles constituent parfois de véritables freins dans l'adhésion aux valeurs du parti politique Europe-Ecologie-les-Verts. Cependant, ces interrogations que posent le "profane" sont symptomatiques d'un parti en quête de place et de légitimité : son corpus idéologique et le projet de société qui en découle ne sont pas profondément définis ni fixés en interne, sa position politique n'est pas clairement expliquée (et donc peu comprise par les citoyens), et ses mesures portées et pratiquement appliquées sont peu communiquées et pas reconnues dans la sphère publique.
Ce sont donc à la fois des problèmes de définition en interne, de lisibilité, et de transmission publique qui touchent le parti et entravent son développement.
Cette réflexion s'engage à dégager les raisons qui ancrent l'écologie à gauche de l'échiquier politique : il s'agit d'une part de rendre compte des idées proposées par les écologistes, et d'autre part, de définir le projet qui subsume et cristallise leurs pensées. Autrement dit, à travers une clarification du programme des écologistes et du projet de société qui en découle, ce travail cherche à expliquer ce que recouvre la notion d'écologie politique et en quoi celle-ci est inextricablement liée à des valeurs sociales et des visions sociétales ancrées profondément à gauche.
Le projet d'interroger le concept de l'écologie politique et de ses enjeux repose sur une contradiction personnelle ; mais nécessaire à la poursuite de la réflexion. D'un côté, la déception et la frustration dont les origines sont associées au détournement de ce qu'est l'essence de l'écologie politique. Détournement de sa définition, à la fois par les dominants politico-économiques, et par les individus qui croient porter le projet de l'écologie, mais qui en fait, sont noyés dans l'illusion et bercés dans le sens qui lui est donné par l'élite. De l'autre côté, le défi politique et l'engagement personnel m'engage à (re)conceptualiser, (re)définir, (re)clarifier cette idéologie pratiquement possible.
C'est donc dans le projet de spécifier le corpus idéologique de l'écologie politique, et surtout de redéployer les conditions de son application politique que ce document tente de s'inscrire.
Une écologie politique vidée et rendue neutre :
L'information sur ce qu'est l'écologie est aujourd'hui biaisée. En effet, "être écolo" serait consommer des produits issus de l'agriculture biologique, faire attention à sa consommation d'eau et d'électricité, investir dans les énergies renouvelables, bien recycler, éviter de prendre sa voiture... etc.
Cette définition nous rend donc responsables et nous place comme acteurs centraux dans les problématiques environnementales. Ceci est le cœur du problème. Cette définition permet de diffuser très largement dans la sphère publique un message qui dénude l'écologie de son contenu politique. Dire que ce sont les citoyens les premiers responsables occulte les véritables acteurs de la destruction environnementale. Considérer que ce sont les simples changements dans les comportements quotidiens de chacun voile le caractère profondément politique et social de l'écologie. Si les termes suivants n'étaient pas sujets au galvaudage et au mépris, l'écologie politique serait intellectuellement "subversive" et pratiquement "révolutionnaire".
Le message aujourd'hui de l'écologie est défini et porté par une élite sociale, économique et politique. Celle-ci relègue l'écologie à sa simple dimension environnementale, c'est à dire au devoir et à la responsabilité qu'il incombe à chacun de respecter la nature et de protéger la planète pour les générations futures. Par cette réduction, cette élite évite la connaissance de la véritable essence de l'écologie, sa portée politique, et la fait apparaître dans un sens neutre, dépolitisé. Autrement dit, la catégorie des dominants définit l'écologie en la déconnectant de son caractère premier, la politique. Elle voile ainsi ce qui pourrait remettre en cause les fondements de sa position dominante et de sa reproduction. En effet, l'engagement pour l'écologie ancre inévitablement la pensée et le comportement des individus dans un projet de lutte sociale, celle-ci recouvrant une pluralité de dimensions, inextricablement liées : économique, sociale, politique. L'écologie politique est ainsi une lutte sociale.
L'écologie politique a pour projet de transformer le système dans son ensemble. D'abord le système économique (chapitre 1) passant ainsi d'une société capitaliste et oligarchique à une société où les moyens de production sont détenus par les citoyens. De plus, l'écologie politique s'inscrit dans la perspective de réorganiser les structures qui fixent la démocratie dans le sens d'une inscription croissante des citoyens à la vie de la Cité. Renversement économique et transition démocratique sont deux dimensions indissociables qui fondent le projet de l'écologie politique.
Il s'agit ici d'une part d'extirper de la sphère politique une élite qui tend à la monopoliser et à se reproduire en son sein. D'autre part, de (ré)introduire le corps social dans l'ensemble des étapes de la décision politique en adossant sa légitimité sur une nouvelle constitution qu'il aura rédigée (chapitre 2). La partie suivante (chapitre 3) vise à subsumer les chapitres précédents. Elle montre en effet que l'écologie politique est un processus qui conduit à l'égalisation des conditions matérielles et à l'uniformisation des chances d'accès à ces conditions matérielles de l'ensemble du corps social.