Agrandissement : Illustration 1
Marcel Pagnol disait “C'est facile d'avoir vingt ans ! Voyez ! Je vais les avoir et je n'ai rien fait pour ça! ”. Mais si C-P Productions peut se permettre de fêter aujourd'hui ses 20 ans, cela n'est pas dû au hasard. Cette petite société de production indépendante s’est vue grandir et a su assumer ses choix. Nous avons donc contacté Annie Gonzalez, qui en est la co-fondatrice et directrice, pour retracer, avec elle, cette histoire singulière.
LA NAISSANCE ou comment s’est créé C-P Productions ?
C’est une histoire très particulière et très simple qui commence par ma rencontre avec le réalisateur Pierre Carles, qui avait déjà bien avancé sur son film Pas vu pas pris. Au départ cela devait être un reportage/interview sur les médias et la politique commandé par CANAL+, mais cette commande n’a pas été validée par la chaîne. Pierre Carles a décidé de continuer en expliquant ses déboires, et en particulier la censure de son reportage et c’est ainsi que c’est devenu long-métrage. Lorsque je l’ai rencontré, l’idée était vraiment de finaliser ce film pour qu’il ait une vraie vie de long-métrage documentaire, en le diffusant en salle après avoir trouvé un distributeur. A cet effet, nous avons créé ensemble C-P Productions avec quelques associés, techniciens, monteurs qui avaient travaillé sur le film. Pas vu pas pris à d’ailleurs eu une très belle carrière en salle. Ce film a été à l’origine d’une très belle collaboration et d’une très belle aventure qui dure maintenant depuis 20 ans, et qui nous a permis de produire d’autres films.
L'ADOLESCENCE ou l'affirmation d'une identité
Quelle est la ligne éditoriale de C-P Productions en quoi est-elle novatrice?
L’histoire a commencé par cette « censure », que nous avons réussi à dépasser par différents moyens, et ensuite l’idée a été de continuer sur des problématiques qui nous importaient, sur des projets originaux. Parfois je trouve que c’est un petit peu moins vrai sur certaines formes, mais ce sont des films qui n’ont pas du tout été acceptés à la télévision qui est pourtant un gros financeur du cinéma français. Mais nous recherchons principalement des films qui ont des concepts inédits, ou qui sont peu acceptés dans l’idéologie dominante. Lorsque nous avons sorti Pas vu pas pris il y a 20 ans c’était novateur, et depuis il y a eu d’autres films documentaires qui ont poursuivi la critique des médias. Il est vrai qu’à l’époque c’était vraiment inédit en France et on a gardé cette volonté d’être indépendant.
Il y a-t-il une véritable volonté de faire le constat d’une société ?
Oui bien sûr, après c’est une volonté éthique, d’analyse, on cherche à travailler sur le réel, notamment en termes de production mais aussi en termes de contenu. Nous avons effectivement une volonté de porter un regard différent et critique, des fois avec mêmes des propositions et des compositions utopiques comme Volem rien foutre al païs. Nous avons une volonté affirmée de porter un regard sur une société et d’apporter des outils de compréhension d’analyse, de réflexion et pourquoi pas d’action. Pour autant, ce ne sont pas des films militants : nous ne suivons pas un « programme » et chaque film a un sujet très particulier. La ligne éditoriale a quand même pour objectif de travailler sur des thématiques peu vues, peu connues et avec un point de vue aussi différent. Et certains réalisateurs comme Pierre Carles inventent des formes sur le travail du réel comme par exemple avec Enfin pris, qui transforme en partie la réalité des choses.
EN ROUTE VERS L'ÂGE ADULTE
Comment envisagez-vous l’avenir de C-P Productions ?
Nous allons continuer ce travail de réflexion, drôle et impertinent. Justement nous allons organiser un anniversaire pour nos 20 ans qui va se coupler avec notre assemblée générale et nous allons ouvrir un événement festif qui aura lieu en octobre 2018 avec toutes les personnes qui nous ont aidées, et suivies, ainsi que toutes personnes ayant envie de s’investir dans des ateliers pour réfléchir sur la production et les nouveaux médias.
Mais d’ici octobre nous avons plusieurs projets de longs métrages en cours qui sont innovants, notamment un film de Nina Faure qui est une coréalisatrice d’Opération Correa-On revient de loin. Le sujet portera sur le plaisir féminin, et sur la place des femmes au sein de notre société avec une analyse et des propositions pour faire peut-être évoluer les choses. Il y a aussi d’autres films de Pierre Carles, donc voilà plein de films à suivre qui sont « en chantier ».
Que peut-on souhaiter à C-P Productions pour son anniversaire ?
En me disant qu’on fait un travail engagé, je pense que beaucoup de personnes se dédouanent d’une analyse de cinéma, il y a eu quand même quelques travaux sur les films de Pierre Carles notamment, mais je pense qu’il fait un travail de création complètement inédit et qui interroge vraiment le documentaire. On se focalise toujours sur le contenu du film et leur réflexion par le public mais très peu sur la forme même du film. Nous ne souhaitons pas forcément une analyse très institutionnelle mais dans les articles souvent il manque cet aspect là. Alors que dans tous les films de Pierre Carles il y a toujours une inventivité que personnellement je trouve très drôle et qui en font des films très originaux, transgressifs.
Héloïse Tisseron Roussel
Projections à partir de 16h le vendredi 11 mai 2018
Salle du temple de Lasalle
En présence des réalisateurs Pierre Carles et Christophe Coello, de la productrice Annie Gonzalez, des monteur/euse Cloé Benet et Ludovic Raynaud...
16h - Enfin Pris ? de Pierre Carles
18h - Volem rien foutre al païs de Pierre Carles, Christophe Coello, Stéphane Goxe
21h - Cas d'école de Christophe Coello