non mais les mecs je veux dire les carabins en face c'est trop souvent des drôles, voire des rigolos
je veux dire t'as un problème de santé tu vas les voir - t'es sympa - etpar exemple si t'as mal tu t'en sors avec un bon sourire en cataplasme épais, et au mieux du Doliprane® (ou de l'Efferalgan®, pour les originaux qui réfléchissent un peu) et tu te démerdes - autant se soigner avec de l'avoine
moi qui avais fait médecine avec toute la naïveté&puissance de la jeunesse pour comprendre ce qui se passe quand on tombe malade et surtout dans l'espoir de pouvoir l'expliquer aux autres malades que je verrais plus tard, qu'ils restent maîtres de leurs vies, et si possible guérissent (bon avec aussi de la pharmacologie, de la chirurgie et l'aide de mes confrères&sœurs spécialistes et/ou hospitaliers que j'envisageais aussi motivés), je reste sur le cucul de noter entre parenthèses comment ils s'y prennent - ils minimisent, comme je m'en étonnais devant cette chef de sévice m'envoyant tranquillement sur les roses avec mon insuffisance surrénale aiguë (entre parenthèses l'urgence des urgences excusez du peu, la seule que bossant à l'hosto je redoutais de devoir avoir à gérer un jour, et il faut que ça me tombe dessus ! 🤐)
chers cocos vous êtes pas censés vous payer des ennuis de santé à répétition ou/et graves, mais imaginez, le doigt du destin SPLATCH 😠 PAF BOEIIIING s'abat sur vous, vous pouvez plus rien faire, parmi le catalogue de cochonneries répertoriées y en a une qui vous a choisis, en conséquence vous allez demander à l'homme de l'art ou à la femme de vous en sortir fissa et je suppose aussi de plus souffrir comme un klebs
en ce moment je relis Hannah Arendt, j'adore cette nana comme elle cause, qui dit par exemple que le politique qui doit gouverner ne doit pas le faire en bon père de famille, cesser de gérer la nation comme on gère la tambouille familiale - or regardez, les politiques s'occupent tous d'économie qui relève du domaine privé, bien au-dessous de la sphère publique où les citoyens sont régis par des lois qui ne doivent pas être celles du marché
bref il faut prendre un peu de hauteur, or je pense pas que ça consiste à se boucher les yeux comme ils font
donc tu vas voir ton toubib avec tes emmerdes, et le mec te sourit d'un bon sourire bonasse, te demande comment va ta bourgeoise, et les enfants, et qu'est-ce que tu fais comme métier - un peu comme moi le crétin de SOS finalement appelé à l'aide, brave fille que je suis, parce que je pouvais plus bouffer depuis 3 semaines, et qui contemple mes étagères en souriant pour m'informer que, je cite de mémoire, si j'y ai mis autant de bibelots c'est parce que ça me plaît comme ça, merci chef, à l'époque j'étais gentille, je lui ai dicté une ordonnance pour des examens de laboratoire [vu qu'il ne savait pas quoi chercher, même après que je lui aie énoncé gentillement et répété plusieurs fois le diagnostic, ce qui par contre vous vous rappelez cocos, lui permit de me qualifier sans rire d' " hypomane "] [mais c'est des vrais comiques, je vous dis 😬] sinon il serait reparti juste en me donnant comme info supplémentaire que je serai remboursée par ma mutuelle plus tard (mais c'est vrai, entre nous je dispose de plein de bibelots, le mec était observateur)
je crois vous avoir déjà parlé du fait que, en tant que toubib quand tu apportes de mauvaises nouvelles, certaines personnes te tirent dessus à vue un peu comme si t'étais que le messager (à vrai dire surtout quand elles te connaissent pas bien, et probable parce qu'elles croient que tu vas te barrer, comme SOS) mais quand même, là par exemple j'attendais un peu d'action
souvent je me dis qu'ils sont restés comme quand ils étaient restés des étudiants, assis dans l'amphi comme de placides ruminants disposés en rangs d'oignons, avalant passivement tout ce que le ou la prof en bas nous montre comme cas cliniques, càd souvent des monstruosités arrivées à leur dernier stade - je sais pas peut-être veut-on nous démontrer par la pratique de la position assise avec risque d'escarres que le chemin est long jusqu'à pouvoir accéder au stade supérieur avec de la thérapeutique, et que seul les survivants à des années de bourrage de crâne auront peut-être l'opportunité de s'initier à l'art suprême de faire enfin quelque chose
même quand tu mets enfin ton pied à l'hosto pour y bosser pour des clopinettes, tu ne fais comme externe pendant des années que du descriptif, interrogatoire et examen du malade - la conduite à tenir comme on dit paraissant réservée à une élite supérieure inaccessible qui a le droit de te demander à tout moment de recracher tel que encore une fois ce que tu as appris sur les bancs de la fac, à savoir le cas clinique parfait où le malade apparaît complètement détruit par la maladie que pourtant je pensais moi apprendre à combattre - je me dis que la force de l'habitude a dû finalement produire ses effets sur mes cons-disciples, puisqu'ils ont si souvent l'air d'attendre/espérer comme Zangra (oui, ou comme dans le désert des Tartares) que la maladie soit arrivée à sa dernière extrémité (et le malade resté toujours d'un calme olympien, sage comme une image, ou plutôt donc un tableau clinique - ça vient donc du lit, où tu dois être allongé impuissant), ils doivent finir par croire que dans la vie c'est pareil, les maladies sont aussi belles et démonstratives que les planches qu'on nous a montrées pendant des lustres sur le grand tableau en bas
c'est vrai, après, il faut bien passer le temps, alors autant apparaître civil et policé, en vous demandant des nouvelles de votre petite famille par exemple quand vous vous ramenez avec un truc un peu brouillon, pas aussi net et complet que ce que les profs pendant des années-lumières nous ont fait amené sur un plateau à avaler des yeux sans mot dire
mais hier je repensais à cette dame ayant fait un malaise côté public avec moi dedans en pleine pièce de théâtre où j'étais allée pour me sortir&me cultiver, loupé
j'espère que la pauvre est revenue du voyage, depuis
je vous raconte : dans une salle obscure je regarde la pièce et tout à coup plötzlich je vois le mouvement de foule, j'entends les cris, il se passe quelque chose pour de vrai je le sens, je me dis évidemment que zut ça va être mon tour (mais de bosser, pas de gesticuler sur place ou de crier) et j'espère vu aussi l'énormité du rassemblement qui fait comme une grosse boule de mouches noires qui grondent et s'agitent dans tous les sens que ce sera pas grave tout en redoutant je sais pas un AVC, un infarctus, une grosse saloperie difficilement gérable sans outil professionnel sous la main, merde
bon on passera sur l'agglutination de rombières roulant de gros yeux d'histrionnes, éructant des possibles crises d'épilepsie et autres diagnostics de poissonnières et se mettant soigneusement en scène devant l'horreur de la situation, tout en reluquant avec avidité la nana invisible à mes yeux à moi, même quand j'ai tenté de m'approcher, tant elles faisaient bloc pour se repaître de sa détresse incapable de se tirer elle-même de là - non, quand j'ai enfin réussi fendant littéralement la foule collante, cognante et voyeuse à établir le contact visuel avec la souffrante qui était heureusement peu consciente de ce viol collectif, encore beaucoup dans les pommes, il y avait là aussi tout contre elle un petit homme âgé se réclamant toutes les dix secondes d'une petite voix pointue d'être Docteur et dont le timbre aigu et le corps chenu mais respectable aux yeux de tous ces bourges faisait malgré tout un peu barrière et décourageaient quand même un peu tous les autres curieux se pressant avidement autour de se livrer à d'autres voies de fait, plus directes, sur la nana impuissante livrée à leur pâture en vertu de son malaise, dont elle commençait à récupérer doucement malgré cet afflux d'ombres malsaines sur elle
je me suis bêtement dit que le mec revendiquant si fortement et surtout avec autant d'insistance d'être toubib allait faire quelque chose d'intelligent, et suis allée me rasseoir ne voulant pas être complice de la foule violente et imbécile
or vous me croirez pas cocos, assise depuis je sais pas trente secondes, la vraie pièce de théâtre se poursuivant tant bien que mal dans l'indifférence quasi-générale, l'agitation-spectacle autour de la dame a continué de plus belle, avec des vociférations couvrant celle des acteurs, recrutant même de plus en plus de monde voulant voir et toucher l'impuissante ne pouvant pas s'en défendre, et lui bouffant même le peu d'oxygène qui devait rester au centre de cette sombre tornade emportant tout
je me suis donc relevée cette fois vraiment en colère et ai refendu le groupe d'individus déchaînés je dois dire sans les ménager, les bousculant dans leur contemplation baveuse : au centre y avait encore le vieux toubib qui persistait à réclamer d'en être mais d'une voix chevrotante, et quasi-assis sur les rotules de sa patiente, au risque presque de les lui briser, tout à la fois la dévorant des yeux extatique et la jaugeant d'un air béat, comme une belle prise de guerre, peu lui chaulait désormais de se réclamer homme de l'art, il était de tout son corps à demi affaissé sur la pauvre nana en état de faiblesse, ça devait peser, et en tout cas renforcer l'effet oppressant des autres avides, et en train de se livrer à une contemplation enamourée et tyrannique de ses symptômes visibles - mais j'ai aussi vu, debout de l'autre côté en face de moi, essayant de repousser les multiples bras tendus pour tâter, un mec cette fois un peu affolé et très excédé comme moi, cherchant partout de l'aide sans la trouver, alors je lui ai crié quelque chose de vraiment pas très élégant comme : " bon ça suffit, on la sort ! " sous-entendu dehors et de là, et j'ai empoigné sauvagement la chaise sur laquelle la malade tentait de retrouver ses sens, initiative suivie immédiatement d'une réaction et du même mouvement de l'autre côté, car c'était son frère, qui était venu avec elle assister au spectacle auparavant sur la scène
on a donc vivement tous les deux soulevé la chaise faisant glisser le vieux toubib de là, et on a emmené aussi vite que possible la nana encore à demi dans le pâté au dehors, enfin dans le vestibule de l'entrée où entrait au moins de l'air par la porte entrouverte
voyant sous l'éclairage là aussi plus vif la dame reprendre un peu de couleur et aussi bien plus vite ses esprits que dans le maelström obscur et étouffant du dedans, je lui ai vite demandé si elle prenait des médicaments contre l'épilepsie, on ne sait jamais (la variation des dosages pouvant effectivement produire des crises inopinées) - elle a juste eu le temps de me dire que non et qu'elle faisait souvent ce genre de malaise, devant même aller voir son toubib pour ça - j'ai pas eu le temps de plus, figurez-vous mes cocos, j'ai pas voulu y croire de suite, mais j'ai vu le troupeau de gluants se ramener à toutes pompes comme des éléphants chargeant, avec en tête le toubib patelin probable de la campagne comme il s'en est vanté par la suite, se précipitant à leur tête (si l'on peut dire) avec un air de revendiquer cette fois par son sourire de triomphe de nous revoir là, mais très outré de cet enlèvement gonflé sous son nez, presque la paternité de la dame, au moins de son problème - tu arraches au médecin le plaisir de constater la maladie !!!
après je me suis retrouvée stupidement à lui tenir un peu la main, à cette victime d'un malaise, puis à la lâcher me disant qu'elle m'avait pas demandé de la prendre (ah si ! mais bon sang mais c'est bien sûr, c'était pour essayer d'avoir son pouls et une idée de si c'était un truc cardiaque quand même), tenant bravement tête par mon silence têtu aux attaques de mille bourgeoises désœuvrées, pas comme moi - les cris féminins se détachent mieux de la masse - se massant avec des coups de coude impitoyables à nouveau en un groupe compact à cinquante centimètres de ses genoux, pour essayer de savourer à nouveau en direct son agonie, et nous submergeant de leurs diagnostics criaillés de bouchères-charcutières-fleuristes assidues des séries télévisées avec des toubibs dedans, et autres émissions plus ou moins ésotériques leur déroulant sous leurs yeux ébahis l'éventail de la pathologie humaine par la petite lucarne
bon les gens sont comme des bêtes on le sait, le malheur d'autrui les excite voire les fait bander et/ou mouiller, c'est connu, ce sont de grands enfants qui pensent que ça n'arrive qu'aux autres et qu'il faut profiter de l'instant etc. etc.
non mais ce qui m'a choquée moi, c'est de voir à nouveau se rasseoir sur les genoux précédemment cités de la dame se remettant donc péniblement, ce vieux pas beau toubib affublé d'un sourire lunaire (c'était en soirée, oui) quasi-illuminé jusqu'aux oreilles, comme si la nana avait eu l'heur de faire ce malaise uniquement pour le con-forter dans sa qualité d'être au-dessus, un Docteur qui sait et qui possède son malade, ou sa, en l’occurrence
et je vous dis pas cocos, il a fallu encore qu'après, les bourgeoises ennuyées s'en étant retournées dans l'ombre et le vrai théâtre à l'intérieur mater la vraie pièce complètement dégoûtées qu'il se soit rien passé de plus et que la nana aie pas passé dans d'atroces et visibles convulsions&souffrances sous leurs regards inquisitoro-attentifs, pile quand je discutais avec son frangin, le seul qui avait aidé, pour avoir confirmation de la bénignité & fréquence de ce genre d'incident et de son désir d'en faire état mais entre quatre yeux à son toubib à elle et de confiance, il a fallu vous dis-je que le vieux toubib usant encore de son large sourire d'idiot débarqué de sa cambrousse pour se cultiver revienne vers moi (qui étais donc en train de parler avec le frère, mais visiblement il comptait pas, puisque officiellement du côté de la malade) pour me donner sans que je lui demande rien non plus du : " c'était bien, hein, Chère Confrère, c'était bien un beau malaise vagal, hein ? " (approximatif mais proche) - je ne lui ai répondu moi que en le regardant de haut en bas, il était petit je l'ai dit, et en ne disant rien, moi : le silence est d'or et j'étais pas sa chair, et aussi parce que vagal c'est encore le truc facile et y avait un malaise
peut-être que dans nos études oui on insiste beaucoup de trop et trop longtemps voire tout au long de nos études sur les tableaux cliniques, et qu'ils soient complets, donc comme si les gens n'étaient que des supports pour nous satisfaire😛, ce qui fait de beaucoup d'entre nous il est fort possible un presque aussi bon public que toutes ces petits bourges venus se distraire au théâtre (pour ma part j'ai eu la nette sensation d'un viol co et sur quelqu'un d'endormi, mais passons) (que j'ai essayé d'empêcher, mais croulant sous le nombre comme la nana sous le poids du toubib essayant perpétuellement de grimper d'autorité le long de ses gambettes pour la reluquer, hilare, sous son nez) (je vous dis pas le visage terreux à force de son frangin à elle à la fin de l'épisode, qui a été malgré ça trop mimi de me dire que " j'avais été la seule à l'aider ", vraiment je n'ai pas pu y faire grand chose ...)
sur ce mes cocos adorés il faut vraiment que je vous laisse j'ai toujours des trucs à faire, mais des gros bisous pour vous quand même 😉