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L'AUTEUSE ou l'ôteuse ? je plais-ante ...

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Billet de blog 8 mars 2016

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ouais les visions, et l'empathie ... on reste confondu, enfin moi je le suis, quand on voit tant de monde souffrir dans l'indifférence générale - je ne parle ni de moi, qui présentement ai la chance de ne pas en baver, ou de vous mes chers cocos à qui je le souhaite, ni même des migrants cherchant refuge dont les droits élémentaires sont bafoués et qui sont traités comme du bétail pour que la guerre puisse se perpétuer, non je parle pour commencer des malades, désignés comme tels surtout par ceux qui se nomment aussi eux-mêmes des soignants : on peut se demander si cela ne permet pas automatiquement de les charger d'une fonction expiatoire ... enfin, je vois que je vous parle intello et j'aime pas ça

d'aussi loin que je me souvienne, le malade en effet occupe une place bien définie, pas forte et où il est plutôt affaibli, de laquelle il a pas intérêt à l'ouvrir comme s'il était une personne digne de ce nom et capable entre autres de raison(s) - ce que je veux dire c'est que dès que tu as le statut de malade, que tu te trimballes à l'hosto, dans un cabinet médical ou de radio, ou dans un laboratoire d'analyses, vous voyez un peu le genre d'endroits, c'est comme si tu devenais une sorte de mannequin muni d'une bande passante avec un vocabulaire de 500 mots maximum (pour répondre, sur ordre, à des interrogatoires la plupart du temps policiers, et que des phrases simples pré-enregistrées que lesdits soignants sélectionneraient eux-mêmes conformes à leurs désirs) avec lequel les professionnels en face auraient le droit de s'amuser : il y a un renversement total des valeurs/des normes comme on dit souvent en ce moment, c'est le malade qui rend service aux soignants, et non l'inverse, mais ça fait longtemps que ça dure, c'est pas d'hier en effet 

la première fois que j'ai mis le pied à l'hosto par exemple mais pour y bosser, c'était pendant les vacances d'été avant de commencer médecine, j'avais pas un rond et j'étais logée gratos par des potes de potes de terminale (justement c'était des " immigrés ", des étrangers - à notre société, mes meilleurs amis m'ayant décidément fermé complètement leur porte, à partir du moment où ayant compris que j'avais pris une décision sérieuse et de faire quelque chose pour moi-même, au contraire de ces libanais et autres iraniens que je connaissais pas d'avant, et qui m'ont jamais rien demandé en échange, même pourvus de quéquettes un peu au chômage comme eux, j'avais vu - mais eux étaient déjà étudiants) en attendant l'attribution d'une piaule toute à moi en cité-U parmi les bourgeois; je me rappelle je bouffais que du pain, et il en faut beaucoup même si c'est le sel de la terre pour s'en nourrir, et je me faisais les 10 km pour aller en gériatrie tous les jours par tous les temps - mais là, il faisait beau - sur ma bonne vieille bicyclette délabrée (qui au final, une copine aussi, a tenu le temps long comme le bras de toutes mes études) et bien que n'étant pas saoudienne

j'y ai bossé genre les 4 mois des vacances pas encore universitaires comme remplaçante d'ASH, autant dire que pouic, mais je faisais quand même les toilettes et pas mal des actes médicaux, puisque j'ai même réussi à débrancher un mort - mais même sans ça je m'étais dit au départ, sans compter le fait de pouvoir mettre enfin à la fin des vacances puisque pas payée avant quelque chose à boulotter sur mon pain*, que ça allait pouvoir être une expérience intéressante et riche d'enseignements pour la suite - et j'allais pas attendre bêtement 4 mois dans la rue que les études veuillent bien commencer

* juste pour tout vous dire mes cocos adorés, quand vous pouvez plus bouffer grand chose que ce soit pour raisons de santé qui s'éternisent surtout parce que ces fameux réputés soignants en face vous soignent pas, ou parce que vous avez que 100 balles en poche pour toute la saison d'été petite fourmi que vous êtes, d'avaler quotidiennement que du pain déjà y a quelques problèmes de logistique, difficile de trimballer tes miches à vélo parce qu'il en faut beaucoup du pain, même de couleur noire, ça doit se rétrécir dans l'estomac 😕 - ensuite ça peut entraîner des situations gênantes : par exemple, vers la fin des 4 mois au taf j'ai été invitée vous le croirez pas ! à partager la table, enfin le dîner par et d'une autre ASH elle diplômée et de plus bien logée quoique d'origine asiatique cette fois, putain qu'est-ce que je me suis réjouie, enfin j'allais pouvoir mordre dans de vraies denrées (et gratos !), mâcher des légumes avec ce qui me restait de dents (je plaisante), me taquiner peut-être les gencives avant avec des agaceries, et peut-être même après mastiquer de la viande même si que sous forme de nems plus ou moins en sauces, m'enfiler des mets variés et savoureux, quoi, toutes choses oubliées depuis longtemps (non, je n'avais évidemment pas de Teuperouare)

je me précipite donc chez la nana à vélo et de toutes mes dents en avant, j'arrive, on papote d'un peu tout, tout ça, c'était une nana sympa 🙂, on discute pas trop du boulot voire pas du tout, c'était une belle soirée avec l'odeur des fleurs qui montait du balcon et elle était très souriante, je sais pas si elle a senti mes envies exubérantes de me faire tout ce qu'elle avait chez elle sous la main comme comestibles et surtout ce qu'elle avait cuisiné dont la douce odeur chatouillait mes muqueuses en rut, mais elle m'a vite faite passer à table (pas comme à l'hosto, donc, c'était très amical voire presque commisératif, au moins rapidement commensal) (ça devait finalement se voir que j'avais la dent) bref je commence à me sustenter mais très délicatement quand même malgré mes carences avérées en substances consistantes car étonnée au fur et à mesure par la variété des saveurs retrouvée, fermant complètement mes sens d'emblée à toute tentative de conversation philosophique de haute volée, que d'ailleurs il n'y eut point ... mais au bout de 10 je dis bien cinq minutes de délices enveloppée de bonnes odeurs et même charmée par la diversité des couleurs, horreur & malheur, voilà-t'y-pas que ma saloperie d'intestin encore lui se remet à fonctionner tout de go - bon le bruit tu peux l'éviter à la rigueur (mais cela demande de la discipline aux muscles périanaux, que j'allais étudier seulement dans l'année qui suivrait) ou le masquer (si par exemple tu as de grosses godasses, ou des claquettes en été, avec lesquelles taper furieusement sur le plancher sans interruption) mais la puanteur elle, non, impossible 

je vous dis pas ce qu'on a visité son balcon ce soir-là, heureusement il faisait si doux, et la nana a vraiment été très gentille - elle était très gentille, on a parlé de rien, même pas de ça, et moi après, figurez-vous que j'avais même peur de bouffer, ça nous a bien gâché l'ambiance, mais même de nouveau à la diète, ce connard d'appareil digestif refonctionnait à pleins tubes, on n'a plus parlé de rien du tout et j'ai fini par rentrer chez les autres affreux me coucher avec mon vélo 

bon voilà c'est tout, ne mangez pas que du pain cocos, c'est gênant en société 😇

bon j'ai perdu bien 15 kilos cet été-là mais c'était pas à cause du pain, et j'ai gagné en muscles mais c'était à cause du boulot donc pendant lequel j'ai peu eu à boulotter et beaucoup à comprendre/apprendre & courir vite, ça te prend un peu la tête

mais le premier jour où je me suis propulsée pour aller bosser dans le service où œuvrait cette nana pas comme les autres, j'ai déjà dit vraiment gentille,  service donc en gériatrie loin du centre-ville, tôt le matin, je suis tombée cette fois-là sur des mégères bien locales, méchantes et agressives, avec un accent du terroir à couper au couteau, censées me montrer l'étendue de toutes mes compétences de nouvelle " soignante " fraîchement débarquée voire m'apprendre quelque chose

les nanas devaient m'enseigner par l'exemple comment on fait sa toilette à une personne âgée, pour parler français 

je parlais au début de mannequins à qui on aurait implanté la possibilité de formuler des réponses attendues, quoique simples, mais là, la fonction n'était même pas prévue : les deux bonnes femmes ont fait irruption vers 5h30-6 heures du mat dans une chambre de 4 pépères, enfonçant littéralement la porte et arrachant presque l'interrupteur en l'actionnant pour que la lumière du plafonnier tombe encore plus brutalement sur les paupières doucement baissées sur les doux rêves des quatre messieurs encore mollement endormis - si des grabataires peuvent sauter dans leurs lits ils l'ont fait, même reconnaissant parfaitement déjà à la voix les deux grognasses vociférantes

après les suites sont simples, les nanas ou plutôt les deux monstresses en se hurlant mutuellement leurs deux journées respectives de shopping la veille dans les grands magasins du centre (elles avaient des bagnoles, elles, et en faisaient des caisses) arrachent les draps sur les nudités branchées sur des poches à pipi, se lancent joyeusement des bassines d'eau glacées par dessus les lits, frottent d'autorité et façon papier de verre les lavettes rugueuses soigneusement savonnées à donf sur les joues râpeuses, les narines écarquillées et les yeux décillés des quatre gisants, et sans jamais les regarder courageusement en face mais en se détaillant voluptueusement à force piaillements de regret les motifs enluminés de telle ou telle robe à fleurs aperçue dans telle vitrine et qu'elles ont pas pu se payer (après tout, on est la journée de la femme, non ?), les bouchonnent sauvagement avec les serviettes moisies qu'elles se repassent, balancent la flotte nauséabonde sur les torses à poil, refrottent un peu de tous leurs poids pour enfoncer encore un peu plus les sternums, puis tirent sur les bites tremblantes pour les tordre énergiquement un peu dans tous les sens et les asperger de désinfectant aussi pour te montrer, et essuient finalement le tout en enfonçant avec brusquerie toutes les parties sans trop y regarder non plus, pour se retourner enfin vers toi te jaugeant de bas en haut et méchamment & en braillant : " vois-là ! c'est comme ça qu'il faut faire, si t'y arrives ! " et elles se barrent en claquant la porte mais en hennissant de rire dans le couloir & en continuant de causer de leurs fortes voix énergiques de leur emplettes toutes récentes, te laissant seule au milieu du champ déserté de bataille quasi-navale, les torchons déchirés se mêlant aux lavettes en perdition au milieu de flaques d'eau sale non absorbées par les alèses caoutchouteuses sur lesquelles les quatre pauvres vieux sans perdre une seconde se sont rendormis pour ne pas perdre une miette de repos parce qu'après et dans très peu de temps ce seront les AS qui vont emboutir la porte comme des tornades blanches pour venir leur arracher par exemple leurs Pénilex®, maintenus idéalement à l'aide d'une bande de cire férocement solidaire du reste de poils qui s'accrochent sur la bête, et pour transvaser à aussi grands bruits les pots à pipi, pour faire le décompte des sorties que les IDE, qui viendront aussi leur crier dessus mais beaucoup plus tard pour cause vous savez de pause café-gâteaux prolongée, noteront soigneusement sur leur fiches quadrillées, s'occupant comme toujours soigneusement de leurs protocoles chéris

enfin bref, ça m'a fait une introduction à comment on traite les malades, surtout âgés - après c'est marrant, pour cause de bourrage de crâne intensif depuis des générations, et cette fois-ci une éternité qui dure comme un jour sans pain, tu restes collée sur ton banc de fac ou chez toi devant tes notes de cours à ruminer et remâcher non pas la substantifique moelle, mais ce que les profs veulent que tu recraches aux exams de fin d'année, et tu pourrais presque passer pour un pur esprit, soit quelqu'un qui ne touchera pas les miches de quelqu'un avant longtemps pour le soigner

ça fait quand même un sacré contraste quand on y pense, dans mon cas : imaginez le fossé qu'il y a entre apprendre par exemple le muscle ilio-hypogastrique (ses insertions, ses rapports, etc.) - parmi un millier ou je sais plus d'autres à apprendre par cœur, et pendant une bonne décennie à avaler de la science avec des termes toujours aussi alambiqués en quelque matière que ce soit - et apprendre en deux minutes à placer ma main et un pain dans ta gueule comme ces vieilles biques le faisaient quotidiennement, perdent-elles quelque chose pour attendre ?

(comme vous le voyez je ne parle absolument pas de ce qu'on ne nous apprend pas) 

sur ce mes cocos adorés que je chéris je dois absolument vous laisser, j'ai vraiment des trucs à faire qui ne souffrent aucun retard, je reviendrai vous le savez (déjà pour me corriger encore aujourd'hui) je vous embrasse 😳

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