

Par où commencer? Il y a tant à dire.
Tout me révolte dans le nucléaire.
En particulier le cynisme et l’autoritarisme de ses promoteurs. J’habite à 35 km à vol d’oiseau de la centrale du Blayais qui a «frôlé» la catastrophe le 27 décembre 1999: grosse tempête, l’eau de la Gironde submerge la digue, la centrale est inondée. Il s’en est fallu de très peu que l’on se retrouve avec une catastrophe type Fukushima.Mais cet épisode a démontré qu’on ne peut faire confiance ni aux «éléments naturels» - au contraire, avec le changement climatique les risques de tempêtes de plus en plus violentes augmentent - ni à EDF qui savait que la digue était trop basse mais attendait 2002 pour la rehausser (pourquoi???), ni à la technologie nucléaire qui n’en finit pas d’ailleurs de démontrer ses faiblesses dans un domaine où la moindre petite erreur peut avoir des conséquences dramatiques.On dit que Juppé se tenait prêt à évacuer Bordeaux, mais il est certain que si un accident atomique se produisait au Blayais, ce serait la panique totale et une grande partie des habitantsde la rive gauche de la Garonne et de la Gironde, enclavés entre le fleuve l’océan et la métropole, seraient irrémédiablement bloqués. Les quelques routes contournant Bordeaux par l’ouest, seraient vite bouchées. Je peux vous le dire, j’habite le sud Médoc, c’est déjà extrêmement difficile de contourner Bordeaux un vendredi soir ordinaire, alors dans l’affolement d’un accident nucléaire....Quant aux habitants des communes voisines, il semble qu’on les informe davantage sur les «emplois» et sur les subventions liées à la présence de la centrale, que sur les risques. J’ai pu assister à un exercice d’évacuation des écoles de Braud-et-Saint-Louis. Il s’agissait d’amener les enfants en bus dans une salle des fêtes située à .....10 km de leur école! J’explique au maire présent que je suis bouleversée de constater que les risques sont connus et admis, puisqu’on s’y prépare, mais qu’on les fait malgré tout courir à des enfants.
éponse du maire: «C’est parce que vous ne vous préoccupez pas des générations futures (sic). De toute façon l’humanité ne durera pas éternellement, et quand elle disparaîtra, il y aura forcément des enfants qui disparaitront aussi.» C’était peut-être une plaisanterie, mais je ne crois pas. Quant aux chauffeurs des bus scolaires mobilisés pour cet exercice, ils nous ont avoué que le jour où ça irait mal, ils n’iraient pas chercher les enfants, ils essaieraient de sauver leur propre peau. Bref, contrairement à ce qui se passait naguère, l’accident atomique, tout le monde y croit. Celan’empêche pas la CCI et tous les élus du secteur, de la députée RN aux socialistes, suivis du président du Conseil Régional, de réclamer deux EPR sur le site. Pour avoir des emplois et surtout des sous. Qu’on pourrait investir dans des éoliennes, plutôt. Et voilà les deux beaux arguments en faveur de ces nouveaux réacteurs dans le Blayais:1 - une zone peu peuplée, pas de grosse opposition à craindre: ah mais c’est vrai ça, si c’est sibien le nucléaire, pourquoi ne pas mettre une centrale Place des Quinconces. Ben parce que les gens n’en veulent pas bien sûr. Ce serait l’insurrection. Il faudrait nous renvoyer Talbot (général français vainqueur des Bordelais alliés aux Anglais à la fin de la Guerre de Cent ans). Du coup on se demande si c’est si vrai que ça que les Français sont pour le nucléaire. (Remarquez, c’est pour la même raison qu’il a été décidé d’enfouir les déchets radioactifs à Bure, mais ils résistent là-bas.)
2 – A Braud et Saint-Louis, il y a de l’eau. C’est bien ça, se disent nos élus perspicaces, c’est àcôté de l’estuaire, qui est plein d’eau, même que des fois elle passe par-dessus la digue. Et les centrales ont besoin d’énormément d’eau. Sauf que l’eau de la Gironde est salée, le terme exact c’est saumâtre, c’est moins salé que salé, mais c’est salé quand même et ce n’est pas bon pour la machinerie atomique. Pour le fonctionnement on fait donc venir, 725000 m3 par an d’un affluent de la Dordogne, l’Isle. De la bonne eau douce qui va manquer pour l’agriculture et d’autres usages. Toute cette eau sera rejetée, gavée de produits chimiques et radioactifs, dans la Gironde dont ces mêmes élus se targuent de préserver la biodiversité. Par ailleurs on utilise aussi l’eau de l’estuaire pour le refroidissement des réacteurs. Cependant comme on le constate chaque été, on est obligé d’arrêter les réacteurs parce que l’eau rejetée est trop chaude. Mais on peut aussi donner des «autorisations spéciales» de rejeter des eaux beaucoup trop chaudes, là aussi au revoir la biodiversité.Et dans la rubrique «il y a de l’eau», on peut ajouter que la centrale actuelle est sur une zone humide, et l’accès se fait par une route inondable (impraticable par les secours en cas de pépin un jour de tempête). Mais bon il y a des pastilles d’iode pour les riverains. Qui sont très peu nombreux à aller les chercher parce qu’ils ne sont pas au courant... ou qu’ils n’y croient pas.
Annie Gaillat, habitante de Parempuyre en Gironde dans la banlieue nord de Bordeaux à la limite sud du Médoc.