
Agrandissement : Illustration 1


Agrandissement : Illustration 2


Agrandissement : Illustration 3


Agrandissement : Illustration 4

Nucléaire : quelle « transparence » ?
Habitant à proximité de plusieurs réacteurs, la catastrophe de Fukushima m'a incitée à veiller de près à ce qui se passe dans les 2 centrales atomiques à proximité desquelles je vis.
Donc, depuis 2011, j' épluche les sites internet de celles-ci, je suis les activités des commissions locales d'information, je lis assidûment la presse nationale et locale etc.
La loi du 13 juin 2006, relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (loi TSN) a reconnu le droit du public à une information fiable et accessible : « toute personne a le droit d'être informée sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes, ainsi que sur l'environnement et sur les rejets deffluents des installations ».
Malgré tout, un certain nombre de faits m'incitent au doute, voire à la défiance.
Un exemple : l'impact environnemental de la centrale la plus proche de chez moi.
Allez, je m'en vais voir sur le site de la centrale de Belleville, ce qui a été rejeté en 2021 !
Tiens, la page d'accueil a changé. On n'y trouve plus, en début de1ère page, de bandeau avec les diverses rubriques sur lesquelles cliquer (actualités, sûreté, environnement etc.).
Bon, je déroule. J'y trouve successivement :
- d'abord une invitation à venir visiter la centrale
- puis en caractères bien gras et gros, des informations extrêmement positives : « la centrale en chiffres », c'est à dire
* le pourcentage des besoins en électricité de la région couverts par la centrale (100 % évidemment)
* le nombre d'emplois générés par EDF et les entreprises partenaires
- les fameux 12g CO2/KWh (émis sur tout le cycle de vie de la centrale).
- Ces chiffres n'incluant évidemment pas ce qui ferait de l'ombre au tableau : les quantités de rejets chimiques, radioactifs et thermiques, les nombres et le degré des incidents, le temps de non fonctionnement des réacteurs, ce que recouvre le cycle de vie de la centrale (ce que coûte l'extraction de l'uranium ? du zyrconium pour les gaines de combustibles, ? Les transfornations successives du minerai, notamment chimiques ? son enrichissement ? les multiples allers et venues des combustibles neufs, usés, des déchets ?), la quantité d'eau pompée dans le fleuve et rejetée sous forme de vapeur d'eau etc. bref tout ce qui constitue la face beaucoup moins glorieuse de la filière !
- Ne peut-on appeler cela autrement qu'une subtile utilisation, voire manipulation de l'information à des fins auto-promotionnelles ?
- Si on continue à dérouler, on tombe sur « une énergie sûre, faible en CO2 » et une invitation à lire le dossier de presse, qui consiste en 3 pages d'un bilan annuel (2021) totalement auto-satisfait. Bien sûr une électricité bas-carbone, à un coût compétitif (qui n'est pas précisé). On y apprend qu'en 2021, 20 millions d'euros ont été dépensés pour le grand carénage, que les marchés avec les entreprises partenaires de la région représente 30 millions d'euros, que la centrale a participé à hauteur de 47 millions à la fiscalité locale et versé 15 000 euros en partenariat. On peut comprendre qu'à ce prix les représentants des communes et des entreprises à l'intérieur de la CLI n'émettent jamais la moindre question critique.
- On apprend aussi que 24 inspections de l'ASN ont eu lieu ainsi qu'une évaluation internationale par l'OSAR (Operational SAfety Review Team ) constituée par l'Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA) : pas un mot sur les conclusions de ces inspections.
- Allez, je déroule encore... on tombe sur les offres d'emplois !
- Enfin, en toute fin du déroulé, on arrive à « Surveillance de l'environnement » qui présente juste un encart appelé « consulter les derniers résultats d'analyse ». Il s'agit des mesures réalisées par EDF pour le mois d'octobre 2022. Rien sur les rejets chimiques par ex.
- Puis, en bas de cette page d'accueil, un encart : « Sûreté : une vigilance permanente, en toute transparence » où l'on invite le visiteur à « consulter les informations réglementaires ».
Si le visiteur n'est pas épuisé ou complètement rasséréné par les infos précédentes et pas rebuté par l'aspect « réglementaire », il clique.
- Après encore tout un laïus chiffré sur les nombres d'heures de formation, les inspections etc... on arrive tout en bas de page à pouvoir télécharger, par exemple le rapport annuel d'information du public (56 pages) et le rapport annuel environnement 2021 (219 pages)1!
OUF ! Ca se mérite !
On apprend là que la centrale a
- consommé en 2021, c'est-à-dire évaporé : 39 millions de mcubes d'eau (= 15 600 piscines olympiques de 2m de profondeur)
- rejeté tout un cocktail de gaz radioactifs dans l'atmosphère, par exemple plus de 1000 Gbq c'est à dire mille milliards de milliards de Bq... mais pas que ! Cela reste, bien sûr, dans la limite des « seuils de décision »
- que, en plus de ce qui est rejeté par la voie des cheminées « instrumentées » il y a des « rejets diffus », par ex « les rejets de vapeur du circuit secondaire par le système de décharge à l’atmosphère,susceptibles de renfermer de la radioactivité en cas d’inétanchéité des tubes de générateurs de vapeur. ».
- Mais ils sont qualifiés de « négligeables » : en effet, en 2021 n'ont été rejetés, concernant le Tritium que 6,60E+08 , c'est à dire 660 millions de Bq
- que plus de 66 tonnes d'oxyde d'azote ont été rejetés dans l'air, dûs au fonctionnement des diesels de secours
- qu'environ 574 tonnes équivalent CO2 ont été émises via les gaz à effet de serre et fluides frigorigènes (HFCet FS6). La norme étant de 100 tonnes annuelles !
- que dans l'eau du fleuve ont été rejetés des substances radioactives, par exemple (en millions de Bq) : 189 MBq de nickel radioactif (qui n'existe pas dans la nature et qui a une demi-vie de plus de 100 ans), 215 Mbq de cobalt 60 (pas présent naturellement)... en plus des iodes, du carbone 14, plus de 4 milliards de Bq de tritium (hydrogène radioactif)...
- dans l'eau du fleuve, des tonnes de produits chimiques furent déversés en 2021 : plus de 6 tonnes d'acide borique, presque 59 tonnes de chlorures, plus de 27 tonnes de sodium, plus de 17 tonnes de cuivre, plus de 7 tonnes de zinc. Et ces chiffres ne cessent de croître depuis 2019 !
- Tout ceci pour seulement 2 réacteurs, et encore, pas toujours en fonctionnement !
- Mais, rassurez-vous, tout ceci est dans les normes !
Bref, l'accès différé à des informations pas forcément reluisantes, entassées sous un tas d'autres infos à caractère beaucoup plus « auto-promotionnel » .
Bravo le service « communication » d'EDF !
En matière d'incidents :
En 2021, pour l’ensemble des installations nucléaires de base, le CNPE de Belleville-sur-Loire a déclaré 31 événements significatifs :
→ 23 pour la sûreté ;
→ 4 pour la radioprotection ;
→ 0 pour le transport.
→ 4 pour l’environnement.
Sans qu'on en sache plus!!!
Sources:
1:https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-06/Rapport_environnemental_annuel_2021_EDF%20BEL.pdf
2:https://www.edf.fr/sites/groupe/files/2022-06/EDF_RAPPORT_BELLEVILLE_2021.pdf
MES DOLEANCES : En finir avec cette transparence factice !
Je réclame une réelle transparence, c'est-à-dire
par exemple pour chaque centrale : l'accessibilité facile à des documents de synthèse de la filière qui présentent à égale valeur les faits en matière de
- production d'électricité, d'emplois, de fiscalité
- mais aussi de de déchets (en volume), de production de CO2 liée aux transports (combustibles neufs, usés, déchets etc), de rejets (aériens et liquides, radioactifs, chimiques et thermiques), de captation de la ressource en eau...
- en matière d'analyse du cycle de vie :
- pour chaque centrale : le calcul des 12g/KWh de CO2 : qu'est-ce qui est pris en compte ?
- Pour l'ensemble du parc nucléaire français : qu'est-ce qui est pris en compte dans le chiffre des 4g/KWh annoncé en p5 du dossier du maître d'ouvrage par EDF lors des séances du débat public.
La mouette r(ad)ieuse des bords de Loire