Précision liminaire. J'ai soixante-dix-sept ans. Depuis plus de cinquante ans la Palestine fait partie des deux causes pour lesquelles je vis. Le 7 Octobre 2023 a marqué un point d'inflexion dans ma vie de citoyen militant. J'ai compris ce jour-là que mes espoirs de voir la situation s'améliorer de mon vivant étaient évanouis.
Je pense important de proposer quatre points.
1-Nous sommes obligés à une première action urgente, impérative. Il s'agit de faire cesser le génocide. Il prend deux aspects. La destruction physique, matérielle, systématique à Gaza. La conquête par la colonisation en Cisjordanie qui est la forme culturelle , civilisationnelle, du génocide : destruction de ce qu'il restait de la société palestinienne historique. Les oliveraies sont bien plus que le moyen de subsistance de familles paysannes mais le rappel que la Palestine a fourni l'Europe occidentale en huile d'olive durant des décennies depuis le début du dix-neuvième siècle. Voici donc la première tâche, humanitaire.
2- La tâche suivante, que nous aurions du prendre à bras le corps depuis des années est d'ordre historique. Nous ne pouvons pas défendre le droits des (de tous) les peuples de Palestine sans relire l'Histoire et rétablir la vérité dans les opinions sur les événements du vingtième siècle dans la région. Il semble logique de prendre comme point de départ la période 1947-1949. La guerre de conquête n'est cependant pas tombée du ciel et l'étude doit comprendre ce qui a précédé et suivi. Ce travail est d'abord un travail d'éducation (populaire) qui ne peut que commencer parmi nous, les soutiens du peuple palestinien. Il nous permettra aussi d'apprendre et apprécier la dynamique du sionisme et sa dimension libératrice, à la recherche d'une terre refuge, et comment cette recherche a abouti à la forme étatique en Palestine. Nous trouverons un guide naturel pour commencer ceci avec Ilan Pappé et son ouvrage "L'épuration ethnique de la Palestine". Mais n'oublions pas tous les travaux sur l'émergence des états-nations européens au dix-neuvième siècle (Benedict Anderson, Eric Hobsbawn).
3-Rectifier les erreurs historiques ne suffit pas. Notre culture, occidentale, est profondément intoxiquée par des siècles de relations complexes avec le judaïsme, les arabes et l'islam. Si le point précédent concernait la confrontation avec le sionisme juif nous devons ici nous confronter aussi avec le sionisme chrétien. Shlomo Sand pourrait être le guide initial, sans oublier tous les autres et en particulier les historiens palestiniens comme Nur Masalah dont l'œuvre patiente est très méconnue. Le travail est immense. Non seulement il nous faut relire toutes l'histoire de la judéophobie dans ses diverses incarnations depuis l'antijudaïsme médiéval jusqu'à l'antisémitisme nazi et ensuite mais aussi comprendre comment une lecture partisane de la Bible a infecté notre visions de l'Histoire. Heureusement des universitaires, souvent israéliens (Israel Finckelstein, Neil Asher Silbermann) ont su éclairer les textes bibliques par la science historique et nous donnent des outils pour déchiffrer. Nos sociétés, de plus en plus attirées par la simplification des idées, ont du mal a comprendre comment l'antisémitisme a été (typiquement avec lord Athur James Balfour) un complice actif de la colonisation de la Palestine par un groupe venant essentiellement d'Europe de l'est à une époque de décolonisation. Cette tâche, culturelle, est essentielle pour installer dans le long terme une compréhension de la situation propre à faciliter un avenir de paix aux peuples de Palestine.
4-Ceci est un rappel, malheureusement nécessaire. N'oublions pas que toutes les personnes qui vivent sur la terre de Palestine aujourd'hui ont le même droit de vivre, en paix, là où elles sont. Et cela ne simplifie pas la question.
Que faire de tout ce que je viens d'écrire?
Pour ma part je vais continuer à lire et écrire et sans doute proposer à mes camarades militants de terrain des séances de lectures, discussion et formation sur ces sujets. Et de les ouvrir autant que possible.
Bonne journée à toutes et tous.
Dominique