Génocide.
Un de ces mots censés faire l'unanimité et anesthésier le sens critique. Revenons à l'origine.
Un mot étrange formé contre les usages de la concaténation d'une racine grecque et d'une racine latine a été créé vers 1944 par un européen émigré aux Etats-Unis d'Amérique. Contrairement aux usages il est formé par la concaténation d'une racine grecque et d'une racine latine. Il a d'abord servi de véhicule aux débats politico-juridiques postérieurs à la seconde guerre mondiale. Il est resté absent des dictionnaires français jusque dans les années 1960. Je ne me souviens pas l'avoir entendu prononcé avant les années 1970.
Il a donc opportunément servi de base aux débats au sein des Nations Unies nouvellement créées pour exprimer le rejet de l'Holocauste. Une première résolution a été votée en 1946 avant la Convention contre le génocide adoptée à l'unanimité le 9 Décembre 1948, la veille du vote de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui n' a pas été unanimement approuvée. L'unanimité ne doit pas masquer les réserves émises par certains pays sur telle ou telle disposition ou la non-ratification.
S'il est indispensable de condamner les gouvernements ou tous les groupes qui persécutent, déportent ou massacrent des groupes humains encore faut-il s'assurer de l'efficacité et de la pérennité de la réaction au-delà de l'affichage satisfait de sa bonne conscience.
Les discussions n'ont pas manqué depuis la fin de la seconde guerre mondiale sur l'opportunité, l'utilité et la portée de plusieurs catégories voisines et concurrentes : crimes contre l'humanité ou génocides par exemple. La frénésie avec laquelle les législateurs de nombreux pays se sont emparé du mot génocide pour voter des résolution, des motions (ou quel que soit le titre) condamnant des génocides ne peut manquer d'interroger. Les voilà satisfaits de pourvoir à tout moment ressortir de leur poche le papier magique sur le refrain du "on vous l'avait bien dit" et en même temps incapables de prendre des mesures concrètes contre la Turquie ("génocide arménien" du début du vingtième siècle) au nom de la lutte contre l'immigration ou contre la Chine au nom de l'efficacité économique. Faire de la question une simple catégorie juridique portant une condamnation unanime sans effet pratique ne serait-il pas contre-productif voire hypocrite?
Nos parlementaires ont donc brandi la pancarte "GENOCIDE" à la face des gouvernant chinois. Ils se posent en accusateurs sur le terrain moral et juridique. Ils sont ainsi certains d'attirer une réaction offusquée de l'autre partie qui dispensera tout le monde d'aller plus loin. Et notre petit marquis pourra même surenchérir devant Xi-Jiping et tirer les marrons électoraux d'un feu pourtant bien doux.
L'Histoire nous a pourtant appris que pour avancer sur les terrains polémiques la seule voie consiste à créer les conditions du dialogue sur les faits même quand l'autre n'en veut pas. A terme voilà la seule solution. Proposons sans relâche aux turcs une commission d'enquête historique sur les événements d'Anatolie. Ils refusent. Faisons-le quand même. De même concernant les ouïghours accumulons, publions les informations confirmées. Maintenons une pression militante permanente y compris sur nos parlementaires.
Et votons si nous voulons toutes les motions du monde sans les présenter comme la solution à toutes les exactions.