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Un de ces baby-boomers tant décriés.. L'important est ailleurs. Dire d'où politiquement on parle. Quelque part entre Marx, Bakounine, Murray Bookchin et Wendy Brown mais aussi Ursula LeGuin et Jackson Browne.

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Billet de blog 29 janvier 2022

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Note de Lecture : Plouc Pride de Valérie Jousseaume.

La campagne serait-elle une composante nécessaire du renouveau...et réciproquement? Quel nouveau récit devons-nous construire pour faire échapper la campagne à son effacement par l'ordre dominant? PLOUC PRIDE -Un nouveau récit pour les campagnes- Auteur : Valérie Jousseaume- Editeur : Editions de l'Aube-  ISBN/EAN 978-2-8159-4159-4

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Ce livre m'est arrivé dans les mains sinon par hasard du moins de manière imprévue et s'est révélé une de mes lectures les plus importantes de ces années.

PLOUC PRIDE  -Un nouveau récit pour les campagnes - Auteur : Valérie Jousseaume- Editeur : Editions de l'Aube-  ISBN/EAN 978-2-8159-4159-4

Alors que la pensée dominante gestionnaire et aménageuse voudrait effacer la campagne agricole en tant qu'espace spécifique par l'extension de des tentacules urbaines  la sauvegarde de la planète et de la vie pourraient-elles éviter de redonner à la ruralité sa place dans la transition nécessaire? Valérie Jousseaume, enseignante à l'Institut de géographie et d'aménagement de l'université de Nantes interroge l'Histoire de l'humanité et des territoires pour mettre la campagne dans la perspective de la transformation sociétale vue comme nécessaire par les crises actuelles. Abondamment référencé l'ouvrage convoque des auteurs aussi divers que Hannah Arendt, Pierre Bourdieu, Aimé Césaire, Carl-Gustav Jung, Pierre Teilhard de Chardin, Sylvain Tesson ou Jeremy Rifkin (on ne ricane pas). 

Parcours du livre.

L'introduction considère la vision habituelle de la campagne comme rétrograde pour la prendre à contre-pied et insiste sur la nécessité de se réapproprier notre passé commun de ruraux pour reconstruire un nouvel espace collectif puis déroule chapitre après chapitre les bases de cette reconstruction. On peut discuter le bien-fondé des représentations adoptées pour illustrer les évolutions de la société mais, maintenues au fil des chapitres, elles remplissent leur rôle pédagogique. 

1-Le temps de la campagne comme mémoire.

L'auteure définit un modèle de l'histoire humaine en  4 grandes ères historiques qui sert de guide tout au long de l'ouvrage. L'ère sauvage de 50000 à 6000 ans avant l'ère moderne (BCE) est celle des chasseurs-cueilleurs. Elle cède la pas à l'ère paysanne qui s'étend jusque vers 1750 dans laquelle l'activité humaine tourne autour de la production et l'échange de nourriture et s'organise politiquement comme monarchie. Ensuite vient l'ère de la modernité avec l'industrie menée par le capital sous la forme de démocratie représentative. L'enjeu est maintenant de maitriser le passage à l'ère de la noosphère  autour de la démocratie directe pour produire et échanger des éléments immatériels. 

L'ère de la modernité se compose actuellement de la succession de Trente Glorieuses et des Quarante Honteuses qui ont dégradé nos cadres de vie. 

 2-Le néant ou l'éclipse conceptuelle de la campagne.

L'urbain envahit, accapare tout le territoire. Pour le discours dominant modernité signifie ville et paysannerie signifie saleté, crédulité, ignorance.  Ces équivalences sont intégrées dans les modèles et les outils statistiques qui font de plus en plus disparaître la ruralité des méthodes et discours de gouvernement. Pour l'INSEE tout élément du territoire ne se définit plus que par sa dépendance à un centre urbain, dépendance aussi peu ou prou financière. 

Cet état de fait a été renforcé par la réaction aux gilets jaunes caricaturés comme violents, ignares et rétrogrades. Ecologiquement la modernité urbanisée se trouve dans l'impasse.  

L'urbanisation conceptuelle galopante reflète aussi une domination politique à laquelle on doit réagir en reprenant le pouvoir sur le langage et les noms des choses.  

3-L'espace ou la campagne comme lieu.

Alors que la modernité a amené la population à se déplacer pour suivre l'offre de travail il serait possible à l'inverse d'avoir le moyen de choisir son lieu d'habitat.

L'imaginaire moderne modelé par le tourisme structure la construction (balcons, piscines, tennis,...). Serait-il possible de revenir à un imaginaire de l'être et d'échapper à la solitude numérique et à la croissante précarité urbaine? Le village fournit un cadre pour cette refondation. L'auteure redonne la signification au lieu de nos vie comme cadre de relations sociales, professionnelles et personnelles effectives. 

4-L'espace-temps ou la campagne comme ethos.

De ce droit au village il ne s'agit pas de faire un  retour nostalgique au passé mais d'inventer un futur à partir de nos mémoires paysannes et de faire converger les courant actuels écologistes, paysans et altermondialistes vers une nouvelle convivialité. A partir de groupes à taille humaine il doit être possible de faire échapper la nature à la soumission à la science et d'articuler la relation entre des groupes locaux et les organisations globales. La révolution ainsi esquissée est avant tout culturelle et pas seulement technologique ou politique.

Epilogue :

Et plutôt que sur une conclusion plus ou moins magistrale le livre se termine par un court conte emprunté à Pierre-Jakez Hélias qu'on laissera les lecteurs découvrir.

Réflexions.

Si quelques éléments de méthode sont discutables (les diagrammes représentant les évolutions) et si la démonstration semble parfois elliptique ou lacunaire le parcours montre une belle cohérence. On pourrait ajouter à l'abondante bibliographie quelques références comme celle d'André Gorz qui a lui aussi pensé notre évolution collective dans le long terme et jusque dans le futur sans se laisser enfermer dans des schémas politiques tout cuits. Nous réapproprier le passé et en particulier le passé rural et paysan que nous partageons tous plus ou moins pourrait bien être la porte de l'avenir.

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