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Billet de blog 4 juillet 2015

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Nous n'avons plus de Zola, Danton, Jaurès ou De Gaulle. Ils ont Alexis Tsipras

Dominik RICHARD-MULTEAU

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Aujourd'hui, j'écoute le magnifique album de Bill Fay.

Le souvenir de l'écoute de ce chanteur il y a près de 30 ans me revient en mémoire, le souvenir d'un temps où il n'était pas question de compromis, où je croyais encore que l'Homme serait fort, apprendrait de ces erreurs, ce souvenir me ronge.

Je songe à un peuple, je songe à nos peuples d'Europe, alors, le texte maladroit que j'avais écrit au petit matin de l'annonce, cette annonce qui place la vie, la dignité, l'honneur de toute une nation au vote, je l'expose sans pudeur à la critique de mes amis. N'ayez pas honte, il est maladroit, mais il est le texte d'un homme qui refusera toujours la compromission.

J'avais écrit ce texte, aujourd'hui, peu importe sa valeur littéraire, peu importe son manque de modestie, aujourd'hui, je vais le partager. Il vous fera probablement rire, vous avez raison, il n'est pas accompli, il n'est pas compétent, mais c'est le chemin d'un citoyen au sein d'un monde qui a rendu les armes.

Je ne voulais que témoigner de l'existence d'Hommes Libres qui ne craignent pas les quolibets, les caricatures et qui sont tellement indispensables pour continuer le chemin, pour croire que demain peut vraiment être un autre jour.

Mes références quant à la défense des libertés sont françaises, certes parce que nous sommes volontiers cocardiers, mais aussi parce que la France, dans son histoire a compté pas mal de défenseurs de la Liberté (on a même massacré et on est mort en son nom) d'un très grand talent.

Notre époque n'a pas enfanté le talent d'un Zola, ni son courage. D'ailleurs y aurait-il un Zola que je ne suis pas sûr que sa soif de Justice, son souffle de réhabilitation embraserait l'Europe des hommes libres assoupie.

Mais je l'imagine parfois, mon Zola imaginaire. Cet Emile-là n'aurait pas écrit au Président, pas assez de hauteur, pas assez de grandeur.

Non, notre Président de la République s'il partage d'autres faits d'armes avec le Félix Faure de Monsieur Zola, n'a pas bien grande stature.

Alors je crois que mon Emile à moi aurait commencé son article de son tonitruant « J'accuse » par un

 « Lettre à Marianne, symbole et défenseur de nos libertés »

 Madame Liberté,

Me permets-tu, en souvenir du chemin que tu m'as ouvert, d'avoir le souci de ta noble et belle cause, de te dire que les dépositaires de ton héritage, souillent ta mémoire et notre idéal, de la plus honteuse, de la plus ineffable des tâches?

Tu es sortie maintes fois victorieuse de toutes les infamies, ne baissant la tête que pour mieux asséner tes coups de boutoir, à l'injustice, à ceux qui te combattent, ceux qui tentent d'imposer la misère à tes enfants.

Mais quelle boue sur ton front que cette lâcheté à faire payer de pauvres bougres qui n'ont pour toute tare que d'être nés grecs, les errements fructueux de quelques affairistes.

Et c'est fini, Marianne, tu as sur la joue cette souillure, l'Histoire qu'apprendront nos enfants, retiendra que tu fus complice et même souvent bourreau.

Puisqu'ils osent en ton nom rejeter ceux-là, je vais oser moi aussi te dire ce que j'ai sur le cœur. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de millions d'innocents qui expient, là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'ils n'ont pas commis. Et c'est à toi Marianne, que je la crierai cette vérité, de toute la force de ma révolte d'honnête homme.

La vérité d'abord sur ces réunions de l'eurogroupe et sur la condamnation puis l'expulsion de tout un peuple. Un dogme aveugle a tout fait, c'est la banque, la spéculation et le pouvoir qui ont corrompu un système.

Semaine après semaine, jour après jour, ces faux négociateurs ont serré le nœud coulant qui a étranglé progressivement les pauvres grecs, jour après jour ces tartuffes ont écrasé son bel et noble honneur. »

 Non, le moment ne réclame pas réhabilitation. Il a besoin que nous ayons pour nous guider la ferveur et le talent d'orateur d'un Jaurès. Un Jaurès qui s'adresserait aux français au soir d'un choix définitif pour l'Europe

« Je veux vous dire ce soir que jamais nous n'avons été, que jamais depuis 60 ans l'Europe n'a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l'heure où j'ai la responsabilité de vous adresser la parole. Ah, citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombre du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a peu, entre l'eurogroupe et la Grèce, signifie nécessairement la fin des espoirs de toute liberté et je ne dis pas que si le divorce est consommé le confit, l'exclusion s'étendront nécessairement au reste de l'Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la Démocratie, contre la vie des hommes à l'heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l'Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu'ils pourront tenter.

Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls, pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m'attarder à chercher longuement les responsabilités. J'ai les miennes et j'atteste devant l'Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées; lorsque nous avons dit qu'il fallait que les grecs paient les erreurs de nos gouvernements, qu'il paient nos errements à sauver ce qui n'est pas l'essentiel, ce qui asservi les peuples, la finance.

Si depuis 60 ans, si depuis que nous avons bâti cette Europe, elle avait fait du bien aux peuples, il n'y aurait pas aujourd'hui de difficultés dans la Grèce. Elle a voulu convertir par la force au libéralisme; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples.

La politique coloniale de l'Europe, la politique sournoise de notre pays et la volonté brutale de l'eurogroupe ont contribué à créer l'état de choses horrible où nous sommes.

L'Europe se débat comme dans un cauchemar.

Eh bien! citoyens, dans l'obscurité qui nous environne, dans l'incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j'espère encore malgré tout qu'en raison même de l'énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n'aurons pas à frémir d'horreur à la pensée du cataclysme qu'entraînerait aujourd'hui pour les hommes une dictature de la finance en Europe.

J'aurais honte de moi-même, citoyens, s'il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d'une victoire électorale, si précieuse qu'elle puisse être, le drame des événements. Mais j'ai le droit de vous dire que c'est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l'orage, la seule promesse d'une possibilité de paix ou d'un rétablissement de la paix. »

Ce dont l'épisode tragique que nous vivons aurait besoin, c'est d'un Président au talent oratoire et lyrique d'un Danton, galvanisant les cœurs, et qui pourrait dire au lendemain de la victoire des peuples :

 « Il est bien satisfaisant, Messieurs, pour le représentant d'un peuple libre, d'avoir à annoncer que la patrie grecque va être sauvée.

C'est en ce moment, Messieurs, que vous pouvez déclarer que Paris à bien mérité de l'Europe entière.

Le tocsin annonçant la mise en place du referendum grec n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de l'Europe des peuples.

Pour les vaincre, il ne nous faut que de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace et l'Europe est sauvée. 

 Demain le monde nous regardera et se demandera quel genre d'hommes nous étions. Je connais ces instances européennes, la France a contribué à les créer, j'en demande pardon à ceux qu'elle a broyé.

A l'origine elle ne devait pas être un fléau pour les peuples, mais un rempart, une dernière instance contre le déchaînement des fureurs de la brutalité des dictateurs et de la peur qu'ils inspiraient aux plus démunis.

Et ceux qui plus tard nous regarderont et nous jugeront verront bien que la France, n'a pas voulu cela.

Si je parle aujourd'hui, c'est pour défendre ce que nous avons réalisé, c'est pour tout ce que nous avons accompli, pour cette Fraternité des peuples qui hier encore se faisaient la guerre et non pour des motivations financières et mercantiles.

Nous avons brisé la tyrannie des marchés financiers, nous avons tué le vers dans le fruit de notre liberté en abolissant ces pouvoirs auxquels n'avait droit aucun homme.

Et cette liberté acquise par et pour nous-mêmes, nous l'avons offerte à ceux qui vivent partout en Europe, dans des conditions parfois difficiles, se relevant à peine du joug de dictateurs souvent plus féroces encore.

Nous avons déclaré que l'homme le plus humble de cette Europe est désormais l'égal des plus grands. Et cette Liberté acquise par six, pour six, nous l'avons offerte aux esclaves, et nous confions au monde la mission de bâtir l'avenir sur l'espoir que nous avons fait naître.

Ceci c'est plus qu'une victoire dans une bataille, plus que les épées et les canons et tous les escadrons de cavalerie de l'Europe, et cette inspiration, ce souffle pour tous les hommes, partout, en tout lieu, cet appétit, cette soif, jamais on ne pourra l'étouffer. 

Nos vies n'auront pas été vécues en vain »

Ceux-là ont payé le prix suprême leur attachement à ces valeurs, ils les ont défendues jusqu'à mourir pour elles.  Peut-être nous faut-il comme Président un De Gaulle du 18 juin 1940

« Les chefs de nos gouvernements qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête de la Communauté Européenne, ont constitué un eurogroupe.

Cet eurogroupe alléguant la sauvegarde de l'Europe, a laissé libre cours à la capitulation devant la finance, appelant à cesser le combat.

Mais le dernier mot est-il dit? L'espérance doit-elle disparaître? La défaite est-elle définitive? Non!

La Grèce n'est pas seule ! Elle n'est pas seule! Elle n'est pas seule!

Elle a un vaste projet autour d'elle!

Cette guerre n'es pas limitée au malheureux territoire de la Grèce. Cette guerre n'est pas tranchée par l'exclusion de ses représentants.

Cette guerre est une guerre mondiale.

Ce combat est celui des peuples du monde entier.

Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis.

Foudroyés aujourd'hui par la force de la finance, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force supérieure, l'avenir de l'homme!

Le destin de l'Europe est là »

Mais nous n'avons pas aujourd'hui ces représentants, nous n'avons aucun talent pour nous montrer la voie.

Car en effet, Monsieur le Président, vous avez eu peur de ce que vous aviez vous-même énoncé « Mon ennemi, c'est la finance ! »

Mitterrand avait bien raison, après lui, nous n'aurons donc que des comptables.

Il ne pensait sûrement si bien dire !

Car la France est absente.

J'avais clos, provisoirement ma diatribe, lorsque ce matin j'ai repris espoir.

J'ai lu le discours de Monsieur Tsipras !

Discours prononcé par le Premier ministre grec, à Athènes, sur la place de la Constitution, lors du rassemblement en faveur du « non » au référendum du 5 juillet 2015. Traduit du Grec par Dimitris Alexakis

« Citoyens d’Athènes, peuple grec,

Aujourd’hui nous ne protestons pas, nous ne manifestons pas ; aujourd’hui est un jour de fête. Ce jour est une fête de la démocratie.

La démocratie est une fête et une joie, la démocratie est une libération, la démocratie est une issue.

Et nous célébrons aujourd’hui la victoire de la démocratie. Nous sommes déjà victorieux, quelle que soit l’issue du scrutin de dimanche, car la Grèce a envoyé un message de dignité, un message de fierté.

Personne ne peut ignorer cette passion, cet anxieux désir de vie, cet anxieux désir d’espoir, cet anxieux désir d’optimisme.

Nous célébrons aujourd’hui l’audace et la détermination qui nous ont conduits à prendre notre destin en mains, à rendre la parole au peuple grec.

Aujourd’hui, nous faisons la fête et nous chantons. Nous faisons la fête et chantons pour supplanter le chantage et la peur.

L’Europe telle que nous la connaissions, l’Europe telle qu’elle apparaît au miroir de ses principes fondateurs n’a pas le moindre rapport avec les menaces et les ultimatums.

Et aujourd’hui, en ce moment même, l’Europe entière a les yeux tournés vers nous, vers le peuple grec, vers ses 3 millions de pauvres et son million et demi de chômeurs.

Aujourd’hui la planète entière a les yeux rivés sur la Place de la Constitution et sur toutes les places, petites ou grandes, de notre patrie.

Dans ce lieu qui a vu naître la démocratie, nous donnons à la démocratie une chance de revenir.

De revenir en Europe, car nous voulons que l’Europe revienne à ses principes fondateurs.

À ces principes qu’elle a si longtemps balayés pour appliquer des programmes d’austérité sans issue, violant la volonté des peuples.

Citoyens d’Athènes, peuple grec,

Dimanche, nous adresserons tous ensemble un message de démocratie et de dignité à l’Europe et au monde.

Nous enverrons aux peuples un nouveau message d’espoir.

Car nous ne déciderons pas seulement, ce dimanche, de demeurer en Europe.

Nous déciderons de vivre avec dignité en Europe, de travailler et de prospérer en Europe.

D’être égaux en Europe, à égalité avec tous.

Et, croyez-moi, nul n’a le droit de menacer de couper la Grèce de son espace géographique naturel.

Nul n’a le droit de menacer de diviser l’Europe.

La Grèce, notre patrie, était, est et demeurera le berceau de la civilisation européenne.

C’est en ce lieu, dit la mythologie, que Zeus, en l’enlevant, a conduit la princesse Europe.

Et c’est de ce lieu que les technocrates de l’austérité souhaitent à présent l’enlever.

Mais cela ne sera pas. Car, dimanche, nous leur dirons « non ».

Nous ne laisserons pas l’Europe entre les mains de ceux qui souhaitent soustraire l’Europe à sa tradition démocratique, à ses conquêtes démocratiques, à ses principes fondateurs, aux principes de démocratie, de solidarité et de respect mutuel.

Citoyens d’Athènes, hommes et femmes de tous âges qui vous trouvez ici, aujourd’hui, qui submergez la Place de la Constitution, les rues d’Athènes et des autres grandes villes en bravant la montée de la peur orchestrée, la rhétorique de la terreur propagée tous ces derniers jours,

Citoyens d’Athènes,

Le peuple grec a maintes fois démontré au cours de son histoire qu’il savait retourner un ultimatum à son expéditeur. Car les ultimatums, parfois, reviennent à l’envoyeur.

Les pages les plus éclatantes de l’histoire de ce pays et de ce peuple ont été des pages d’audace et de vertu.

Je vous appelle à ce que nous écrivions ensemble, de nouveau, des pages historiques, celles de notre rétablissement et de notre liberté.

Je vous appelle, ce dimanche, à opposer un « non » haut et clair aux ultimatums. À tourner le dos à ceux qui sèment chaque jour la peur et l’intimidation.

Et, lundi, quel que soit le résultat du processus démocratique, de ce verdict populaire que certains redoutaient et voulaient entraver, nous opposerons également un « non » sans appel à la division.

Lundi, quelle que soit l’issue du scrutin, les Grecques et les Grecs n’auront rien qui les sépare. Ensemble, nous nous battrons pour reconstruire une Grèce meilleure que celle que nous ont laissée cinq années de désastre.

Je vous appelle enfin à ne pas prêter l’oreille à ces sirènes dont l’écho ne cesse de s’amplifier, ces sirènes qui hurlent à la peur.

À décider avec votre esprit et votre cœur.

À vous déterminer avec calme et résolution.

À vous prononcer en faveur d’une Grèce fière dans une Europe démocratique.

En faveur d’un peuple, d’un petit peuple qui se bat, comme le dit le poème, sans épées et sans balles.

Qui se bat cependant en ayant dans les mains la plus puissante des armes : la justice.

Parce que la justice est avec nous, parce que nous sommes dans notre droit, nous vaincrons.

Et nul ne peut effacer cela. Nul ne peut occulter ce fait : nous sommes dans notre droit.

Citoyens d’Athènes, peuple grec,

La liberté demande de la vertu et de l’audace. Nous, vous, nous tous, disposons d’audace comme de vertu. Et nous sommes libres. Nous respirons un vent de liberté. Quoi qu’il arrive, nous sommes victorieux. Nous serons victorieux. La Grèce a vaincu. La démocratie a vaincu. Le chantage et les menaces ont été défaits.

Salut à tous! Soyez forts, soyez fiers et dignes. Notre « non » s’inscrira dans l’Histoire. Notre peuple ira de l’avant ― la Grèce, dans une Europe démocratique et solidaire. »

La Grèce a la chance d'avoir de tels hommes. Qui, demain peut-être, seront eux aussi sacrifiés, désavoués, seuls, mais ils sont la Dignité de la Grèce, Nous n'en sommes, quant à nous en France, que dans la période qui précède la mobilisation, la prise de conscience. Nous avons commis la même erreur que vous fîtes, nous avons élu un médiocre et pâle Papandréou.

Mais la graine par votre dignité semée, demain elle laissera place à une grande et belle fleur qui s'appelle Liberté, qui s'appelle Fraternité.

Alors le peuple Grec gagnera, aujourd'hui ou demain.

Il gagnera la bataille parce qu'il dispose d'hommes de cette trempe, parce que son combat contre la tyrannie de la finance est juste, sa victoire est inéluctable.

C'est le sens de l'Histoire.

La France y avait sa part, elle ne l'a pas assumée.

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