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Billet de blog 27 octobre 2015

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Le Ghetto de Calais

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a peu, je recevais le mail d’une amie, Médecin du monde dans le ghetto de Calais (ce mail est la transcription d’un billet qu’elle a publié ici même ce matin : http://blogs.mediapart.fr/blog/martine-devries/271015/calais-hors-la-loi)

 Le ghetto de Calais là ou survivent plus de 6000 êtres humains dont le seul tort est de tenter de ne pas mourir sous les bombes, en fait, ce que la France et partant, l’Europe, ne leur pardonne pas c’est de ne pas mourir chez eux.

Évidement, si vous êtes tombés par hasard sur ce billet, vous vous dites « encore un billet de blog sur les migrants, encore Calais…. » et peut-être fermerez-vous cette page. Je vous comprends, nous évoquons ce sujet, les journalistes, les bénévoles, les ONG ou les simples citoyens comme moi, depuis tant de mois, d’années, que l’horreur se banalise, que les haut-le-cœur ne vous surprennent plus, que vous avez l’impression de toujours entendre la même chose.

Je voudrais que tous nous lisions ce texte, parce que je ne pensais pas voir un jour, en Europe au moins, puisque l'expérience ne sert jamais aux autres, la mise en ghetto d'êtres humains, du fait de leurs origines, qui plus est, un ghetto dont on ne peut plus sortir ni entrer sans laisser-passer....

Je sais qu'il ne faut pas atteindre le point Godwin trop systématiquement, mais les termes, le bouclage de la zone, le contrôle à l'entrée, l'entrave à l'entraide, à la compassion, rappellent étrangement des évènements au sujet desquels nos parents s'étaient promis que "plus jamais çà".

 A la lecture de ce texte, j'ai de nouveau été saisi d’effroi, je pense au ghetto de Varsovie, où, là aussi, on avait enfermé des êtres humains en raison de leurs origines, avec la suite que l'on connait.

Saisi d’effroi, parce que tout cela se passe, comme naguère dans l’indifférence générale, sans que les français ne protestent.

Saisi d’effroi parce que des êtres ayant échappé à la guerre, à la mort certaine, sont livrés à l’appétit de mafias internationales, à l’appétit de trafiquants de chair humaine.

Saisi d’effroi parce que l’Homme n’apprend jamais de ses erreurs, qu’il est toujours prompt à détourner le regard.

Saisi d’effroi parce que nos responsables politiques ne voient d’autre solution que le partage du coût de barrières hérissées de barbelés.

Saisi d’effroi parce que chaque jour je passe devant ces clôtures, et le long de ces terrains que l’on a défrichés pour mieux voir le gibier humain apeuré se précipiter vers ce qu’il espère être une solution pour sa famille.

Saisi d’effroi parce qu’il ne se passe pas une semaine sans que l’un ou l’autre de ces réfugiés ne trouve la mort au bord d’une autoroute, ou à l’entrée du tunnel, que des dizaines de réfugiés ne soient tabassés, gazés, méprisés, violés, rançonnés.

 Ce matin très tôt, comme chaque jour en me rendant à mon travail, j’ai croisé des dizaines d’ombres marchant vers le point de passage éventuel, suivies par quelques camions de CRS.

Ce midi en rentrant chez moi, j’ai été apostrophé par 3 jeunes réfugiés, le visage fatigué, le regard déterminé, qui me demandaient dans un anglais approximatif comment rejoindre « the jungle ».

Trois martyrs de plus, une goutte d’eau dans la misère du monde, certes, mais cette goutte d’eau, c’est le sel de la terre, c’est leur sang et notre honte…


Responsables, ressaisissez-vous, il est encore temps !

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