A la suite de l'article de Joseph Confavreux intitulé Altermondialisme et islam politique: la gauche face aux conservatismes, publié le 30 mars, j'ai parcouru avec intérêt le fil des commentaires. On y trouve comme souvent à boire et à manger, du doux et du violent, du raisonné et du péremptoire, sans oublier cette conviction assez largement partagée que les autres sont des imbéciles, mais ce qui m'a intéressé, c'est un dialogue, ou un essai de dialogue, initié par Leila Benhima et René Magniez puis poursuivi par quelques autres. Pour le contenu, allez voir. Ce qui motive ce billet, trop long pour figurer dans le fil, c'est que l'épisode confirme qu'un débat entre les vertus respectives de la croyance et de l'athéisme ne peut pas avoir lieu. Car c'est sur ce terrain que se déploie l'escarmouche. A la suite d'un commentaire de René Magniez qui récuse une citation de l'article "On réalise enfin la malicieuse actualité de leurs analyses : c’est aujourd’hui l’athéisme et le combat antireligieux, l’irréligion en somme, qui peut être considérée comme l’opium du peuple de gauche.", Leila Benhima fustige les athées, qui tous selon elle sont prosélytes, et méprisent les croyants. Alors, qui est dans le "vrai", les athées ou les croyants ? Ou les agnostiques, qui font leur apparition un peu plus loin ? Et l'on voit s'opposer non pas simplement deux points de vue, mais deux modes de pensée. L'athée pense avec sa raison, le croyant avec sa foi. Le croyant croit, mais l'athée ne croit pas l'inverse, ou autre chose. Il ne croit pas. Le croyant propose une explication au monde, et demande à l'athée de proposer la sienne, qui serait concurrente. Mais l'athée n'a rien à proposer de comparable. Il sait ce que la science est parvenue à expliquer jusqu'ici, c'est-à-dire au fond pas grand chose, et le reste, il ne le sait pas. Comment se comprendre ? Leila Benhima râle, fulmine, accuse, mais n'injurie pas, on l'en remercie. René Magniez argumente, trie, raisonne, sans s'énerver, et on l'en remercie aussi. Une différence qu'on peut remarquer est qu'ici le croyant tente de démontrer à l'athée l'ineptie de sa position, met en doute sa sincérité, l'accuse de mauvaise foi (évidemment !), alors que l'athée défend pacifiquement sa position, sans autrement critiquer la religion. Mais tous les athées du fil ne font pas montre de la même équanimité !
Le seul qui me semble-t-il ait proposé un dénominateur commun à cet irréductible antagonisme n'est pas sur Mediapart. C'est ce bon vieux Pascal avec son fameux pari : Puisqu'aucune certitude n'est possible, posons-nous la question autrement : avons-nous intérêt à croire ? Même si Pascal, en son siècle, répond oui, il nous fait quand même ici sortir de la Vérité révélée, et je ne suis pas sûr que beaucoup de croyants s'en accomodent. Je crains bien que ce type de controverse reste du domaine du dialogue de sourds. Heureusement, autour de la question de la religion elle-même, il y a des sujets sur lesquels il est moins difficile de débattre, par exemple la place des religions dans les sociétés d'aujourd'hui. Je n'ai pas dit que c'était simple.
Pour conclure, il me semble honnête de dire d'où je parle. Je suis moi-même athée, je ne crois pas qu'il y ait "autre chose", autre chose que de la matière pour le dire clairement, je ne crois pas que quelque chose de nous survive après la mort, et je n'en suis pas angoissé. Je souhaite une société qui permette à tous de vivre ensemble indépendamment de ces questions, et suis donc disposé à débattre avec toutes sortes de croyants, non sur leur croyance, mais sur les modalités de ce vivre ensemble. Je sais, c'est tout sauf simple, mais ça, je l'ai déjà dit.