Cher Robert Badinter,
Vous êtes intervenu mercredi soir pour rappeler qu'indépendamment du deuil que nous avons à faire de la mort des journalistes de Charlie Hebdo et de toutes les autres victimes de cette tragédie, la justice doit passer.
Depuis, l'actualité a suivi son cours, les assassins sont morts. Dans quelles circonstances exactes ? Nous ne le saurons peut-être pas.
Aujourd'hui, entre les mains d'un compagnon de train, nous voyons le Figaro, le numéro daté des 10 et 11 janvier. Nous apercevons le titre de l'éditorial : Justice est faite. Le Figaro, donc, considère que la mort des assassins sous les balles de la police fait la justice.
Il y a là à notre avis un amalgame entre les notions distinctes que sont la neutralisation d'individus dangereux, la vengeance et la justice. Cet amalgame est dangereux.
Il nous semble important que tous comprennent que la mort des trois fanatiques est peut-être justifiée en regard des conditions de l'instant, mais que là n'est pas la justice.
Il nous semble important de rappeler que la loi de la République n'est pas la loi du talion.
Il nous semble important de rappeler que la peine de mort n'existe plus dans notre pays, quelle que soit la gravité des crimes.
Cher Robert Badinter, pouvez-vous intervenir encore, pouvez-vous tenter de clarifier pour tous ces enjeux complexes, mettre les mots à leur juste place ?
Si vous ne le faites pas, qui le fera ?
Carinne Fage et Dominique Bouchery