Dominique Bouchery

Abonné·e de Mediapart

12 Billets

1 Éditions

Billet de blog 11 novembre 2014

Dominique Bouchery

Abonné·e de Mediapart

Gentioux et Termignon

Dominique Bouchery

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voici bientôt cent ans, pour calmer les aigreurs

De vieillards ruminant leurs pannes d'érection,

Sifflant le coup d'envoi du siècle des horreurs

L'Europe s'étripait avec application.

Mais n'a-t-on pas tout dit déjà sur cette guerre?

Si je crois à propos d'en rouvrir le tiroir,

C'est que dans les replis de ce noir inventaire

On voit parfois briller quelques éclats d'espoir.

Chaque fois qu'au journal quelque nouveau carnage

Nous redit que la paix n'est rien qu'une utopie,

Ce qui n'est pas mon opinion,

Pour combattre l'excès de ma misanthropie,

Mon esprit prend le large en un discret voyage

Pour Gentioux ou pour Termignon

Au bout de quatre années la France avait gagné.

Gagné quoi? C'est douteux. Mais si le gain est flou,

On voit plus nettement l'ampleur de la saignée:

Deux millions de cercueils avaient reçu leurs clous.

De ces morts on devait honorer la mémoire.

Pour y graver leurs noms on fit des monuments,

En feignant d'ignorer qu'à toute cette gloire

Ils auraient préféré rester chez leur maman

Au milieu de ce chœur, de ce viril concert,

De ces mâles statues, ces victoires en chantant,

Quelques voix ont osé fredonner un autre air,

Quelques maires ont osé refuser l'air du temps.

Sur certains monuments aujourd'hui l'on peut lire,

Au fond du Limousin, en Savoie ou ailleurs

Maudite soit la guerre! Et pour statue martyre

Un gosse au poing levé, ou une femme en pleurs

Une douzaine au plus c'est peu sur trente-six mille

Et pour défier l'éclat rutilant des épées

C'est un bien faible lumignon.

Mais il brille, et je rends par cette mélopée

Un hommage amical aux élus indociles

De Gentioux ou de Termignon.

Chaque année, en novembre, deux calamités

Vers le milieu du mois me font grincer des dents.

Le beaujolais nouveau, cette stupidité,

Et quelques jours plus tôt, le retour obsédant

Des commémorations de l'ancienne hécatombe.

Si au moins l'occasion servait à fustiger

Les guerres d'aujourd'hui, tous ces enfants qui tombent!

Agonir les faucons, vomir les enragés!

Quand j'entends ces jours-là tous ces vieux crocodiles

Exalter la Patrie, la Victoire et la Mort,

Tout frétillants sous leurs fanions,

Pour calmer la nausée qui m'envahit le corps,

Je pense avec tendresse aux courageux édiles

De Gentioux et de Termignon

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.