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Billet de blog 12 janvier 2014

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Marine Le Pen a raison

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je le précise tout de suite : malgré mon titre un rien provocateur, Marine Le Pen, toute sa famille, le Front National, ses militants et ses électeurs me font absolument horreur.

Le seul point sur lequel je sois d'accord avec elle, c'est quand elle souligne l'absence totale de différence idéologique entre les partis qui alternent au pouvoir en France, en les regroupant sous le sigle-valise UMPS.

Deux événements récents, que je trouve concordants, me semblent renforcer cette idée.

Le premier, c'est l'affaire Valls-Dieudonné. Précisons encore d'emblée : je n'ai aucune sympathie pour le contenu des spectacles de celui qui masque sous la casquette commode d'humoriste un discours éminemment politique. Mais je n'en ai pas davantage pour la posture du ministre de l'Intérieur, (qui se saisit de l'occasion pour se faire de la publicité, plan de carrière bien en main, les yeux fixés sur son modèle Nicolas Sarkozy), qui fait réapparaître dans la République une notion qu'on avait oubliée : la censure d'État. Comme par le passé, l'État décidera maintenant ce qu'on peut dire, ou ne pas dire, à quoi l'on peut rire, ou non. Aujourd'hui Dieudonné, demain qui ? Le PS le fait, l'UMP ne proteste pas, là-dessus l'entente est cordiale. Merci. Pas de quoi. Je vous en prie.

Le second, c'est le refus du bureau du Sénat de lever l'immunité parlementaire de Serge Dassault. L'immunité parlementaire est une chose sérieuse. Elle est là pour empêcher la justice de gouverner à la place des représentants du peuple. Par ce verrou, un député de l'opposition ne peut pas être fourré en taule parce qu'il a participé à une manifestation de rue, ou contesté dans la presse le gouvernement en place et ce, quelle que soit la législation en vigueur. En cas de mise en cause d'un parlementaire, elle ne peut être levée que par ses pairs. On comprend qu'il faille alors une affaire importante, de droit commun par exemple, ou des comportements en contradiction flagrante avec les valeurs de la République. En l'occurrence, le sénateur Dassault est suspecté, à partir d'éléments nombreux et foutrement probants, d'avoir manipulé des élections en achetant des voix à coups de millions, et même d'être mêlé à une tentative d'assassinat. Rien que ça. Pourtant, nos chers sénateurs UMPS refusent la levée de son immunité. On ne touche pas à un membre de la caste.

Oui, l'UMPS existe, les deux partis censés incarner la « droite » et la « gauche » sont, depuis longtemps et de plus en plus, les représentants indifférenciés, interchangeables, d'une oligarchie qui a pour objectif commun de se partager le pouvoir, un pouvoir d'ailleurs réduit à presque rien. Il y a déjà vingt ans,Yves-Thibault de Silguy, à l'époque commissaire européen (de la tristement célèbre commission Santer), nous éclairait sur le véritable lieu du pouvoir avec sa célèbre sortie: « Il est temps que les Français comprennent que ce sont les marchés qui gouvernent. ». Avec un temps de retard, les Français commencent peut-être à comprendre : les marchés, c'est vrai, gouvernent, avec l'aval des politiques qui se succèdent aux affaires, quelle que soit leur couleur.

Attention, pour que ça marche, dans une soi-disant démocratie, il faut ces deux partis ! Pour que se joue la comédie de l'opposition, pour que le bon peuple puisse nourrir l'illusion qu'on lui demande vraiment son avis, il faut l'impression d'un enjeu. Hollande ou Sarkozy, Valls ou Copé, A ou B, qui va gagner ? La France entière frémit en attendant vingt heures ! Les marchés, eux, ne s'émeuvent pas. L'un ou l'autre leur conviennent également, ça n'a pas d'importance.

Ces propos sont assez pessimistes, j'en ai conscience. Ils semblent dire que la politique est figée, désespérément bloquée. Ils mènent pourtant à une vision de la situation que je trouve moi-même assez revigorante. Nous, c'est-à-dire les partageux, qui pensons que l'égalité et la fraternité feraient bon ménage avec la liberté, qui pensons que la transition écologique est un impératif primordial, avons donc deux adversaires : le Front National bien sûr, et les fameux marchés, représentés par l'UMPS et les partis satellites qui s'y agrègent. Ça ne nous promet pas beaucoup de lendemains qui chantent mais au moins, c'est plus clair, non ?

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