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Billet de blog 18 février 2013

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Les médias et la gauche

Aujourd'hui 18 février, nous apprenons que Rafael Correa a été réélu président de l'Equateur, au premier tour, avec près de 57 % des voix. Le commentaire sur France-Culture est de Nadine Epstein, qui explique cette élection triomphale, très justement, par le niveau de redistribution du produit des richesses nationales, pétrole, or, cuivre, en direction des pauvres, dont le nombre diminue, en même temps qu'on construit des routes, des hôpitaux, des écoles.

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Aujourd'hui 18 février, nous apprenons que Rafael Correa a été réélu président de l'Equateur, au premier tour, avec près de 57 % des voix. Le commentaire sur France-Culture est de Nadine Epstein, qui explique cette élection triomphale, très justement, par le niveau de redistribution du produit des richesses nationales, pétrole, or, cuivre, en direction des pauvres, dont le nombre diminue, en même temps qu'on construit des routes, des hôpitaux, des écoles. Une politique redistributive, une diminution de la pauvreté, un développement des services publics, c'est ce qu'on pourrait appeler une politique de gauche. Nadine Epstein nous dit bien que cette politique est taxée par l'opposition de "populiste", mais bon, ce n'est pas Nadine Epstein qui le dit, c'est l'opposition équatorienne.

Et puis, arrive la fin du commentaire, et le ton devient négatif, parce que quand même: L'investissement direct a diminué, il n'est que de 1 milliard de dollars. Par comparaison, cet investissement est en Colombie, pays voisin mais gouverné autrement, treize fois supérieur ! Nadine Epstein nous le fait bien comprendre, c'est un sérieux problème.

Mais quel problème au juste ? Dans un pays qui pratique une politique fortement redistributive, c'est-à-dire, assumons-le, de gauche, la richesse produite est répartie d'une façon qui ne plaît pas aux investisseurs. Les investisseurs? Il s'agit donc de gens qui possèdent des capitaux, et qui veulent que ces capitaux fassent des petits, beaucoup de petits. Il est courant de dire que 15 % de rentabilité, annuelle bien sûr, est l'ordre de grandeur acceptable pour ces braves gens. Dans un pays comme l'Equateur, la politique de Correa rend évidemment plus incertain ce niveau de profit, et les bienfaiteurs, pardon les investisseurs, préfèrent la Colombie où les profits sont vraiment profitables, et les pauvres vraiment pauvres.

Dans le même journal de France-Culture, on avait appris que trente-six entreprises du Cac 40, par une fine utilisation des failles législatives, ne paient que 3,3 % de l'impôt sur les bénéfices, au lieu des 33 % prévus. C'est dommage, parce que si on résolvait ce problème, la "crise" des finances publiques, dont on nous dit qu'elle empêche le gouvernement de faire la politique pour laquelle il a été élu, cesserait d'exister du jour au lendemain.

Et voici que se posent les vraies questions. Imaginons qu'on trouve une solution radicale à cette "érosion fiscale", et que l'Etat français récupère l'intégralité des impôts qui lui sont dus. Libéré du poids de l'excès de sa dette, il pourrait mener une politique de redistribution, de développement des services publics, vous voyez bien, on embaucherait encore plus d'enseignants, et puis des infirmiers, des facteurs, je vous la fais courte. C'est bien, c'est chouette, c'est de gauche, et tout le monde est content ? Peut-être pas. Attention. D'une part, cette politique ne serait-elle pas "populiste"? Et d'autre part, plus grave encore, quelle serait la réaction des investisseurs ?

Heureusement que les médias font leur travail, et nous éclairent sur les véritables enjeux politiques. Sinon, la majorité des électeurs français pourraient se laisser entraîner comme en Equateur à voter pour leurs intérêts, et un candidat du Front de gauche risquerait d'être élu au premier tour.

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