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Billet de blog 26 août 2014

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Le régime est au bord du gouffre. Poussons !

Plus qu'une crise gouvernementale, plus qu'une crise politique, ce qui se passe à la tête de la France est une crise de régime. Les institutions de la Vème, et l'usage qui en est fait, depuis disons 1986 et la première cohabitation, produisent aujourd'hui un sommet d'absurde

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Plus qu'une crise gouvernementale, plus qu'une crise politique, ce qui se passe à la tête de la France est une crise de régime. Les institutions de la Vème, et l'usage qui en est fait, depuis disons 1986 et la première cohabitation, produisent aujourd'hui un sommet d'absurde : non seulement le président de la République, sur lequel, dans ces institutions, tout repose, a perdu toute légitimité, mais le premier ministre ne dispose que d'une majorité de plus en plus instable, qui s'effrite de mois en mois, appuyée sur une base populaire dont les élections européennes ont montré à quoi elle s'était réduite (5,7 % des inscrits). Mais ces élections ont montré bien autre chose : ce n'est pas à ce président, ce premier ministre, cette majorité que les Français ont retiré leur confiance. C'est à la classe politique toute entière ! A côté de ceux qui ont placé leur espoir d'un changement dans le Front national, nombreux certes, trop nombreux, mais très loin d'être majoritaires (10 % des inscrits),  60 % des électeurs inscrits ont clairement dit que la politique, telle qu'elle se pratique, ne les intéresse plus. Les voix qui ont fui le PS ne se retrouvent ni à l'UMP, ni chez EELV, ni au Front de gauche, ni chez Bayrou, ni au Front national qui, rappelons-le, ne retrouve que les deux tiers de ses voix de la présidentielle. Les voix qui sont allées aux partis qui se sont succédés au gouvernement depuis 1958 n'atteignent pas le quart des inscrits. Ce régime est à l'agonie. D'ailleurs il s'est suicidé, en adoptant par voie parlementaire le traité de Lisbonne malgré le Non de 2005. S'il n'y a qu'une seule politique possible, alors il n'y a plus de politique. Pourquoi une démocratie ? Pourquoi des élections ? C'est qu'en plus ça coûte cher ! Alors qu'une poignée de techniciens agréés par le marché feraient très bien l'affaire, on l'a bien vu en Grèce et en Italie.

Qui peut croire encore aujourd'hui qu'une majorité de Français se retrouveraient dans une alternance, une de plus, avec une UMP dont on sait très bien qu'elle fera la même chose que Hollande aujourd'hui ? Quand un régime atteint ce point d'impuissance, cette absence effroyable de légitimité populaire, il faut le remplacer. Il faut nous emparer de ce moment instable, et pousser, pousser fort, pour faire tomber cette Vème République. Faire jouer tous nos relais pour que la question prenne sa place dans le débat public, comme nous avons su le faire en 2005 pour montrer ce qu'était le projet de constitution européenne.

De Gaulle, en 58, a fait basculer dans la tombe un régime exsangue, la IVème République. La méthode est intéressante à examiner, car si le général, pour ce faire, s'est appuyé sur le peuple, il ne lui a pas vraiment demandé son avis, tout au plus une approbation globale, un blanc-seing. Confiez-moi le pouvoir, je m'occupe du reste ! C'est à mon sens ce qu'il ne faut pas faire. Honnêtement, il y a peu de risque, on voit mal qui en aurait aujourd'hui la stature. C'est du peuple que la VIème République doit procéder. Oui, du peuple, de ce peuple, pour une part déséduqué à la politique, abruti des discours simplistes de la télévision, qui ne connaît plus, ou mal, son histoire. Oui, de ce peuple, à qui il faut faire confiance, car il n'y a pas le choix. Il ne s'agit pas d'avoir confiance en chacun des individus qui le composent, il s'agit de préférer la souveraineté du peuple au gouvernement d'une oligarchie quelle qu'elle soit. C'est un pari, risqué sans doute, mais les autres options sont bien peu enthousiasmantes, non ?

Alors oui, poussons, poussons à une assemblée constituante, qui aura pour mission d'imaginer des institutions qui redonnent le pouvoir au peuple, et qui empêchent qu'on puisse le lui confisquer à nouveau. Il n'est jamais trop tôt pour discuter des principes qui pourraient fonder cette nouvelle République, d'ailleurs on en discute déjà. Mediapart ne pourrait-il pas commencer par ouvrir un espace spécifique aux contributions sur cette question ?

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