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Allez à 1 :19 minutes de ce documentaire prochainement diffusé par Arte. Vous y verrez sur un balcon une jolie fille brune qui rit, aux côtés d’un homme qui lui parle. Puis la caméra plonge : une marée humaine, immense et gaie dans les rues de Moscou. C’est de cela qu’il s’agit, et de nous. Du 4 février et de la Russie.
La fille brune, c’est Anna Politkovskaïa, jeune et inconnue, avec son mari Sacha et la marée humaine est celle du 4 février 1990. A Moscou, alors qu’on annonçait répression, danger, qu’on disait la chose « inutile », plusieurs centaines de milliers de manifestants défilèrent , à leur propre stupéfaction, pour exiger une réforme de la Constitution, la liberté de choix politique, qu’ils obtinrent peu après. Ils chantèrent beaucoup, même si dans le film on n’entend rien : Boulat Okoutdjava, interdit partout, connu de tous car en Russie, souvent, le silence imposé se transforme en savoir souterrain.
Plus loin dans le film, on peut voir la même Anna, ravissante et excédée dans sa cuisine, dire que « la politique, jusque-là ! ». Elle qui plus tard devint célèbre en dénonçant la seconde guerre de Tchétchénie, en attaquant la politique de Vladimir Poutine, et qu’on peut relire aujourd’hui . Qui fut assassinée dans le hall de son immeuble.
Samedi 4 février 2012, un mois avant les élections présidentielles russes, une manifestation peut-être importante va avoir lieu à Moscou et ailleurs.Elle fera suite à celles de décembre. En Russie, on ne manifeste pas comme ça. Ce n’est pas dans les habitudes. Cela, généralement, demande du courage, vraiment.
En mai dernier, on m’expliquait, in situ, que maintenant Moscou était devenue une ville si chère que tout le monde vivait hors centre, rallier une manif : toute une affaire. C’était aussi, alors, une façon de dire que cette affaire était celle d’un autre monde.
Deux articles ( ici, et là) donnent un aperçu. Poutine sera réélu, faiblement peut-être, mais réélu sans doute. L’enjeu n’en est pas moins important.
Ce samedi 4 février, deux rassemblements ont lieu à Paris en soutien au mouvement de protestation russe qui occupera les rues en même temps
Le premier c’est à 12h30, place Edmond Michelet, près de Beaubourg, appel pour des élections justes entre autres aux Russes de Paris
Le second, c’est devant le Consulat de Russie,40-50 boulevard Lannes , à 14h.
On peut y aller : des fois, des années après, on est heureux d’avoir été là… On peut y aller , aussi, pour en savoir plus. on peut y aller parce qu’on peut penser qu’il est important de soutenir même modestement, un mouvement en mouvement , dans cette Russie décrite depuis 2000 , bien souvent, comme a-réactive.
Et tant que j’y suis. Les librairies, c’est comme les émissions de France Culture. Tant que c’est là, paysage. Le jour où ça disparaît, désolation et manque cruel. La librairie du Globe est l'un des rares lieux où l’on peut lire, acheter, mais surtout un de ces endroits où l’on peut écouter, rencontrer, découvrir des écrivains , en russe ou traduits en français, assister à des débats, voir parfois des films, un lien et une richesse, aujourd’hui menacés de disparition. Loyers chers, concurrence internet, les raisons sont comme toujours multiples. L’année 2012 a été proclamée « année croisée France-Russie », il serait quand même paradoxal que disparaisse un endroit qui a lui tout seul est depuis si longtemps un croisement. On peut lire l’Appel ici. On peut, ce qu’il y a de mieux à faire, acheter un livre ( ou le commander via internet).

L'extrait de film donné en lien provient du documentaire de Marina Goldovskaïa, Le goût amer de la liberté, qu'Arte devrait diffuser prochainement.Images rares, et pour cause. La cinéaste dans les années 90, avait choisi un jeune couple pour décrire ce qu'était la perestroika: les Politkovski. S'étant liée d'amitié avec Anna Politkovskaïa, elle a continué à la filmer régulièrement jusqu'à son assassinat, composant ainsi une sorte de journal de bord au long cours.