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Billet de blog 10 septembre 2008

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Oh! Mamzelle Scarlett!

Il y a quelque chose de Scarlett O’hara en Rachida Dati. Si, Si. Irréductible même en cas d’erreur. Encaissant les coups, méprisant le faible. Provocante adepte de la robe la plus tendance, la plus bling bling. Stiletto ou corset volanté, question d’année. Un seul homme, paraît-il, leur ferait baisser les yeux, le père ( relative soumission, dans les deux cas). Toutes deux affichent un mélange entre rébellion affirmée contre un establishment rejetant, et adhésion aux valeurs les plus rétrogrades de celui-ci. Mais l’une des deux est ministre.

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Il y a quelque chose de Scarlett O’hara en Rachida Dati. Si, Si. Irréductible même en cas d’erreur. Encaissant les coups, méprisant le faible. Provocante adepte de la robe la plus tendance, la plus bling bling. Stiletto ou corset volanté, question d’année. Un seul homme, paraît-il, leur ferait baisser les yeux, le père ( relative soumission, dans les deux cas). Toutes deux affichent un mélange entre rébellion affirmée contre un establishment rejetant, et adhésion aux valeurs les plus rétrogrades de celui-ci. Mais l’une des deux est ministre.

Qui serait donc Mama dans ce casting ? Esclave, intime, unique interpellatrice de Scarlett, qui répète : Oh ! Mam’zelle Scarlett ! Ce Oh ! résume tout : vague réprobation – il ne faut pas exagérer,- conscience aigüe du décalage social – je ne pose aucune question – acquiescement tacite à l’audace. Qui est Mama ? Hélas, Mama pourrait être la presse, y compris, parfois, de nobles titres.

En déplacement à Metz, la ministre vient promouvoir sa loi pénitentiaire. Bonne idée : au terme d’un an et demi d’exercice, un bilan ? Un détenu qui ose se plaindre de la promiscuité se fait sèchement rembarrer, conclusion, « La prison c’est pas l’hôtel ».

Oh ! Mamzelle Scarlett, souvenez-vous : « Le but des peines n’est ni de tourmenter ni d’affliger un être sensible, ni de faire qu’un crime commis ne l’ait pas été ». C’est de Beccaria, ça date de 1760, et cela peut encore servir.

Saura-t’on pourquoi l’établissement-pilote de Metz, déménagé vite fait il y a quelques semaines pour satisfaire aux critères de la future loi, est à ce point surpeuplé, alors que le contrôleur des prisons, Jean-Marie Delarue, annonçait en juin l’encellulement individuel comme un préalable à tout le reste ? Pourquoi la loi pénitentiaire est devenue muette sur le sujet ? Saura-t’on, par exemple, si le râleur était un condamné, ou un prévenu présumé innocent ?

Non, car, l’interrogation porte, ce jour-là, sur le pull moulant arboré par la ministre. Enceinte, non ?

Quelques jours plus tard, un détenu, Florent B., condamné pour viol à quinze ans de réclusion depuis janvier dernier, prend en otage un psychologue, est « neutralisé » par le GIGN quelques heures plus tard.

Le surlendemain, la ministre reçoit à la Chancellerie, pour un de ces petits déjeuners, exercice de questions-réponses entre jus d’orange et café dès potron-minet.

Ah ! Quel écho vont recevoir les déclarations des syndicats pénitentiaires UFAP et CGT, qui dénoncent la surpopulation de Fleury, le fait qu’un condamné à une longue peine se trouve encore en maison d’arrêt ( ce qui peut durer des années, parfois), le fait que ce détenu très perturbé psychologiquement, aurait du être envoyé au CNO ( Centre national d’orientation à Fresnes) mais que celui-ci, faute de moyens et de personnel… ? Après tout la ministre a fait voter une loi sur la rétention de sûreté, vouée à enfermer des gens non pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils pourraient faire ? Loi dont l’application est soumise à des « soins appropriés » en détention.. Saura-t’on ce qu’il advient de ce Florent B., dont un communiqué laconique annonce simplement que son état s’est « subitement dégradé » ?

Et oui, nous voilà informés : la ministre est enceinte, offciel , ce n’est pas consolidé, dit-elle, et sa « vie privée est compliquée » ( ohé, les paparrazis, alors, on traîne ?)

Oh ! Mam’zell Scarlett !

La loi pénitentiaire approchant – question de calendrier, blanc-seing de François Fillon - il est tout à fait temps d’en savoir plus. Par exemple, de facétieux spécialistes se sont livrés à un calcul prospectif, juste pour voir. Si l’on prend l’actuelle population carcérale ( 64250) que l’on retranche les bracelets magnétiques mis en circulation d’ici 2012 ( 2500 par an) que l’on rajoute l’effet continu des peines planchers, et qu’on calcule en regard du nombre de places prévues, on arrive à quoi ? A une surpopulation carcérale, d'entrée.

Et des chiffres, on va en avoir : Rachida Dati est la troisième ministre en exercice enceinte. L’identité du père suscite une flambée d’investigation : Rhett, ou Ashley ? Aznar ou Arthur, ou bien?

Fort heureusement, Le Point annonce un entretien exclusif avec la ministre.Et hop, 3,40 euros ne me font pas peur, s’il s’agit d’en savoir plus sur la future loi pénitentiaire, où tout n’est pas à jeter, au demeurant, loin de là. Mais où l’on peut s’interroger sur ce qui relève de l’effet d’annonce, et ce qui sera mis en pratique. Sur le flou qui entoure tous les investissements nécessaires au suivi des condamnés, la réinsertion, le suivi psychologique, la possibilité de travailler. Des bêtises : pourquoi la rémunération des détenus qui suivent une formation est-elle zappée ? Pourquoi l’obligation faite aux établissements pénitentiaires d’informer les prisonniers de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent ne figure-t’elle plus nulle part ?

Une, plusieurs pages dans le Point. C’est titré « le mystère Dati ». Autant vous dire que concernant les prisons, le mystère reste entier. On en apprend pourtant, des choses. La ministre rayonne. Elle pourrait être « plus intouchable » que jamais. Regrette la photo de paris-Match. Le désir de maternité. Défie le protocole. Un avertissement susurré à l’oreille du président : « Mon échec serait le vôtre ! » Et tout de même, en fin, une double page sur le bilan ministériel… que l’on qualifiera de sobre.

Et pourtant… A en croire le lien ( http://www.mediapart.fr/journal/france/080908/revue-web/la-prison-vue-par-les-francais-champ-penal ) qui nous amène sur la revue Champ pénal, les Français ne seraient pas si indifférents à leurs prisons. Un peu ignorants , oui. Dans cette étude, on apprend par exemple que 69,8% d’entre nous pensent pouvoir se retrouver un jour en prison. Que nous sommes 43,7 % à estimer que la presse ne nous informe pas assez sur le sujet.

Mais hier, remontant de Google, on trouvait surtout : « Rachida Dati a réussi sa rentrée. En deux semaines, elle a retrouvé la faveur des pages people ». Oui, mam’zelle Scarlett.

A signaler, une réflexion de la juriste Martine Herzog Evans sur la loi pénitentiaire, qui a l’avantage d’être claire, et accessible à des non jusristes :

http://uk.360.yahoo.com/herzogevans9

Et, j'avais raté, ùmais ce n'est pas sans rapport, loin de là, l'article de Gérard Desportes:

http://www.mediapart.fr/journal/france/100908/sarkozy-gloire-amours-et-vie-privee-vont-relancer-la-telerealite-d-endemol