C’est mon angoisse, un cauchemar en récidive, une confirmation du malheur ou du mal être, avant même qu’on ait eu le temps de réaliser : l’arrivée de la cellule de soutien psychologique.
J’y pensai soudain, dix minutes après avoir lu et vu Gros stress à la Barclay’s de Mathieu Magnaudeix dont les salariés étaient en débrayage pour leurs collègues, tentative de suicide pour l’un, mort pour l’autre.
Voyons, par quoi sont-ils choqués, ces salariés ? Vraiment ? Par l’effondrement de deux collègues, ou par des méthodes de gestion qui peuvent conduire certains au suicide ? Que se passe-t-il si la cellule recueille des doléances à faire sauter la hiérarchie ?
La question n’est pas anodine.
Ici, les psys de la cellule sont amenés à intervenir dans un conflit social, une alerte donnée par les cadres et employés à leur direction. Le caissier qui a mis fin à ses jours avait sûrement besoin d’un soutien : et encore plus, probablement, de n’être pas noté, à six mois de la retraite, comme un mauvais élève.
A la Barclay’s, dans la mesure ou d’autres vont inventorier le malaise social, la cellule est appelée à prévenir toute contagion du désespoir.
Ceci n’est pas une critique de la cellule – fondée sur zéro expérience, touche du bois – mais une interrogation sur la société du zéro souffrance, du zéro conflit, du « dites-le, ça ira mieux », de préférence dans les temps impartis pour l’intervention.
Une bombe de la dernière guerre sur le terrain d’une école : cellule de.
Prise d’otage à la banque : cellule de.
Car qui bascule dans le ravin :cellule de.
Procès du serial : cellule de.
On fait jouer, au psychologues et psychiatres employés, le rôle de tampon. Entre nous, les épargnés, et eux, qui ont pris le choc.
Tampon encore entre le réel, insupportable parfois, et la victime.
Chagrin d’amour ? Cellule de. Ne riez pas, on en meurt.
Il y a quelques années, une fusillade a éclaté dans un quartier de banlieue, faisant un mort. Un règlement de comptes était venu s’achever là, auteurs et victime étaient inconnus des habitants. Mais, bien sûr, il y eut un certain remue ménage. Quelle fut alors la demande des habitants ? Plus de police ? De sécurité. Non, ils exigèrent une cellule de soutien psychologique.
Dire sa douleur peut aider, rarement dans l’urgence.
Dire sa colère peut aider, encore faut-il l’adresser à qui de droit.
La cellule de soutien psychologique, dépêchée sur tous les fronts, c’est le fantasme de l’amorti.
Une société sans trop de conflits, aux malheurs « gérés ». Vit-on sans souffrance, sans conflit ?
Et tout comme nous n’avons jamais reçu, dans nos boîtes aux lettres, autant de tracts et dépliants nous enjoignant de « vivre ensemble », alors que l’individualisme est roi, c’est au moment où la société est de plus en plus excluante, passablement glacée, qu’on vous envoie une cellule de soutien, à laquelle il revient, à son corps défendant, de faire accepter l’inacceptable.