Il ne fait pas bon s’absenter quelques jours, on rate des épisodes. Le club de mediapart est une série qui peut être addictive, mais avec des saisons loupées, ou qui tournent pilote sans suite. Modération en action, disparition complète de certains de ses opposant(es) déclaré(e)s : toutes proportions gardées, c’est la problématique peine de mort. On est contre sauf… pour ceux qui ne nous reviennent pas. On est donc pour… Quelques questions, quand même.
Si j’ai bien suivi, des commentaires de Hêtre ont été supprimés, sans un mot d’explication, sauf une application de la Charte, « point-barre ». Ce point-barre m’a troublée, qui interdit à la modératrice d’expliquer plus avant sans avoir l’air de céder, tout comme il interdit à la rédaction d’en dire plus sans avoir l’air de désavouer.
« L’un des moyens du mal est le dialogue », écrivait Kafka, qui n’était pas un grand participatif.
Mais bon, voyons voir. Je relis cette « nouvelle » charte, guère différente de l’ancienne. Le racisme et l’antisémitisme ( merci pour le distingo à la Licra, avec racisme, on s’y retrouvait) sont prohibés, comme l’insulte et le harcèlement.
Ben oui, c’est la loi, d’ailleurs.
Juste en dessous de la charte toute neuve, on peut lire en commentaire sous la plume de Vertubleu, à propos des juifs : « petite secte malfaisante et malsaine », « bien allègrement la grosse quenelle qu’ils méritent tous, ces barbares du seul apartheid mondial restant », puis plus bas : « mettons leur enfin la double et triple quenelle qu’ils méritent ces génocidaires ». Bien sûr, on peut penser comme moi qu’en fait Vertubleu est un sous-marin chargé d’éloigner le plus de gens possible de la cause palestinienne, puisqu’il n’est ni stupide, ni inculte, qu’il soulève parfois de bonnes questions.
On peut considérer que son langage – euh, fleuri ? – est la part folklo du site. Mais si, mais si, on se fait à tout. Même aux poisons lents.
On peut penser aussi qu’un nouvel abonné curieux de connaître les règles qui régissent l’endroit en ressortirait perplexe.
Mais Hêtre ? Pas antisémite, pas insultant, mais offensant, pas hors la loi, mais gonflant.
Et harcelant, tout particulièrement à l’encontre d’un de ceux qui paradoxalement se retrouvent les plus démunis face aux assauts des internautes-abonnés : les journalistes. Sur Mediapart, à la différence des autres sites d’information, on répond. Les journalistes mouillent – pas tous, mais la plupart – leur chemise pour apporter des compléments, rétorquer, argumenter. C’est assez unique, et c’est même ce qui m’a plu, car, lorsqu’on s’est trouvé d’un côté et de l’autre de la barrière, on sait à quel point ce peut être riche.
Les journalistes sont désavantagés. Alors que l’abonné peut choisir de faire silence, de n’être plus qu’yeux, le journaliste salarié est contraint de produire et de s’exposer, y compris au harcèlement.
Hêtre ainsi guette chaque mise en ligne de Sylvain Bourmeau, qu’il s’agisse d’articles, d’interviews, d’apports extérieurs. Il y ajoute des tournicotis du type Sa suffisance, sa…. Etc… Double effet : non seulement cela peut décourager les commentaires ( même si pas certain que 500 impétrants piaffent à l’idée d’apporter leur point de vue sur Schopenhauer versus Houellebecq) , impossible d’y répondre, à quoi bon, et comment ?
Or, on peut ne pas être d’accord avec Sylvain Bourmeau, certains de ses choix, son approche : le dire et l’argumenter au coup par coup me paraît plus intéressant, pour tout le monde, que les envolées ou le harcèlement sur sa personne.
Mais bref, la modération s’est abattue sur Hêtre – des commentaires n’ayant rien à voir avec Sylvain Bourmeau – puis sur Arpège, sa comparse à l’occasion.
Aucune explication, aucune information, quand même dommage pour un site du même nom, une poignée d’intervenants de bon sens et courage seulement pour souligner cette anomalie : une censure qui s’exerce par retrait ou « blanchiment » du commentaire, sans un mot .
Peut-être la solution réside -t’elle dans la possibilité pour chaque auteur, salarié ou non, de retirer les commentaires dont il ne veut pas. Le risque étant d’aggraver le côté « pré carré ». On ne peut pas tout avoir.
Si Mediapart fait le choix d’une modération, que celle-ci soit explicite, motivée, ne serait-ce que pour l’auteur « modéré ».
C’est un minimum ; je crois.
Même si, comme moi, on penche plutôt pour la loi, rien que la loi ( même mal faite).
Car on n’en finit jamais, avec les commentaires qui vous enquiquinent ! Que la bêtise, la baufitude triomphante, le sentimentalisme ennemi du sentiment sont partout sur internet ! Très immodérés !
Naviguer est le juste mot : on évite autant qu’on se dirige.
Non, je ne vois pas, comme Arpège, dans ce début confus de modération un exercice totalitaire. Aucune condamnation non plus d’un projet journalistique qui en lui-même mérite d’être soutenu.
En lisant, a postériori, l’ensemble de ce qui s’est commenté ce week end, j’y vois quelque chose de bien plus familier, bien plus triste : des mini clubs qui voisinent sans échanger, des communications qui relèvent davantage du mp ou du mail privé que du dialogue, chacun suivant son sillon, un entre soi qui est l’un des défauts majeurs de notre société, reproduit à minuscule échelle. Et très très peu de gens encore déterminés à naviguer à vue, à découvrir. Et cela, bien plus qu’une poignée dérisoire de trolls qui en plus me font parfois éclater de rire, bien plus que la modération, ramène aux joies de la lecture silencieuse.