Lévi-Strauss, Modiano, Michon, Marie Ndiaye, Annie Ernaux, Echenoz ou Rolin (Jean, et Olivier), Baudrillard : c’est dans une usine du Jura, par un matin froid, que ça a commencé, il y a vingt ans.

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« La photographie parle, ou plus exactement exprime quelque chose que l’écriture a vocation de parachever », écrivait Hervé Guibert. Mais ce matin-là, donc, et avant toute écriture, dans l’usine jurassienne qui fabriquait des tuyaux d’orgues, et où la plupart des ouvriers travaillaient depuis longtemps, quel regard sur la durée, l’histoire d’un savoir-faire particulier ? Les mains des ouvriers, souvent embobinées de chiffons, racontaient cette histoire, et ce jour-là, Hannah Assouline est rentrée au journal avec, uniquement, des photographies de mains.

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En vingt ans, tantôt pour la presse, tantôt pour l’édition ou l’agence Opale, Hannah Assouline a photographié plus de 400 écrivains et philosophes. Le plus souvent, l’ exercice est balisé, risqué, chez l’éditeur ou au café : temps de promotion, sortie de livre. Or l’écrivain, bien souvent, s’il se dit, jusqu’à l’intime, par les mots, s’angoisse à la seule idée de se montrer en image. Là aussi un exercice obligatoire désormais (et mieux vaut avoir la tête de ce que l’on écrit). Quelle image de soi ? L’écrivain redoute l’objectif, ou tente de le leurrer : Gisèle Freund elle-même notait que tous aimaient la photo des autres, mais jamais la leur..
Les mains alors, deviennent un second visage, parfois un révélateur. Hannah Assouline se souvient de Françoise Sagan, débit précipité, presque incompréhensible, rapide clignement d’yeux ; au même instant ses mains reposaient, élégante nonchalance, sans un frémissement.

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Le visage de Pierre Michon a rudement traversé la vie ; ses mains , elles, sont plus lisses, alors que celles d’Annie Ernaux, de Pascal Quignard ou Marie Ndiaye en sont le prolongement, la réplique. Modiano est comme traqué chez lui, on en oublie ses mains, Amin Maalouf offre un profil parfait, tandis que ses mains disparaissent presque dans la manche. Certains posent la main près d’un stylo plume, d’une feuille ou d’une rame ( aucun sur un clavier, curieusement).

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400 écrivains, qu’on a pu voir déjà, avec sélections diverses, à Dublin, Moscou, Kiev, Tunis, Prague, Munich… mais jamais à Paris. Lorsque la Maison de la photographie a exposé le travail d’Hannah Assouline, il s’agissait de ses photos romaines.

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Le Centre national du livre depuis une semaine, change la donne : on peut désormais y voir une sélection de photographies d’écrivains dans la salle des Cahiers du Sud. Autre première, l’installation sera permanente et ouverte au public.

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« Je rêve que la photographie semble un même travail manuel que la calligraphie. Je rêve que les photographes se mettent à écrire et que les écrivains prennent des photos », écrivait encore Hervé Guibert dans Le mausolée des amants (ce qu’il fit, et comment). On s’en approche..

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Portraits d’écrivains, 1984-2013, exposition permanente au Centre national du livre, Hotel d’Avejan, 53 rue de Verneuil. La salle des Cahiers du sud accueillant aussi réunions et manifestations diverses, mieux vaut téléphoner avant de s’y rendre : 01 49 54 68 68.