… lorsqu’on donne votre nom à un hôpital-prison, le premier du genre. Inauguration à Lyon, entre Alliot-Marie et Bachelot. Silencieuse, pas un mot. « Simone Veil paraissait fatiguée », lit-on. Certains hommages fatiguent, en effet.

Chère Simone, vous êtes la femme préférée des français, il paraît. Toujours, vous avez servi la droite, mais jamais, tout à fait, je n’ai pu vous réduire à cela.
A cause de votre tension, front têtu face aux parlementaires, en plaidant pour le droit à l’avortement. Il avait fallu bien des manifs, le procès de Bobigny, les 343 salopes, mais vous avez porté le projet de loi, avec bravoure.
A cause d’Annelise Stern, psychanalyste, qui fut votre compagne, à Auschwitz et qui m’a parlé de vous.
A cause de votre opposition nette et claire, lorsque Michel Rocard voulut réformer le fichier des Renseignements généraux. (Aujourd’hui, on en est à 37 fichiers, on ne vous aura plus entendue sur le sujet…)
Parce qu’il y a peu de temps, encore, je vous ai téléphoné à propos d’une femme prisonnière. Que vous avez écouté, même pas attendu le texte informatif, vous y êtes allée, en dépit d’un agenda chargé, vous avez trouvé les mots, comme toujours.
Parce que lorsque l’Académie française vous a largement élue, il s’en est trouvé deux, quand même, pour apposer une belle croix sur leur bulletin de vote. Et que sur votre épée, c’est votre immatriculation de déportée, que vous avez fait graver.
La CGT n’est guère votre tasse de thé, chère Simone Veil, mais, bien que les manifestants aient été tenus à bonne distance de l’inauguration du premier hopital-prison sarkozien, n’avez-vous pas entendu ce qui se disait ? Que cet établissement, premier d’une série de 17, n’était que « mascarade sécuritaire », alors qu’on démantèle le service public, que les détenus qu’on enverrait là auraient peut-être évité la prison si l’on pouvait les soigner tant qu’ils étaient libres ?
Un détenu-patient, selon rue 89, aurait exprimé « sa joie » d’être là. Faut-il y voir un bonheur vrai, ou … un soulagement en regard des conditions de détention ordinaires ?
Il paraît que pour l’inauguration, on surveillait de près le personnel soignant. Il était question de prime de risque insuffisante. Mais aussi de la confusion qui allait régner entre soignants et surveillants. Pas le même métier, en effet. Aucun ne vous en a parlé ? Il a fallu réquisitionner le personnel, pour Lyon. Pas de volontaire.
Quelqu’un a-t’il évoqué le désastre permanent et prolongé, en prison, sans vacations suffisantes pour les psis qui y travaillent , dans des conditions éprouvantes, dans l’urgence des « crises », du nombre très élevé de prisonniers présentant, comme on dit pudiquement, et vaguement, des « troubles » ? 17 établissements, dérisoire, mais effet d’annonce.
Bien sûr, on n’aura pas évoqué la misère psychique des longues peines, l’absence de soins, ou, au moins, de proposition de soins, à ceux qui défraient régulièrement la chronique du faits divers. Il n’ y a pas plus calme, plus soumis, plus sage, en détention, qu’un Vangeloven ou un Fourniret. Ceux-là n’atterriront pas dans les hopitaux-prison, séjour 90-120 jours durée moyenne prévue. Pour ceux-là, et d’autres, on a la rétention de sûreté qui viendra, sans terminus autre que la mort lente, sanctionner non un crime, mais un crime potentiel. Avec aval des psis requis, mais non acquis.
Chère Simone Veil, vous avez déclaré, lorsque fut initié le débat sur l’identité nationale que « la formule était ambiguë ». Elle ne l’était pas.
A Cannes, soit à quelques kilomètres de Nice où la Gestapo est autrefois venue vous arrêter à 16 ans, l’UMP défilait hier en criant « Bouchareb hors de France ». Sans rapport, et pourtant en rapport, vous le savez bien.
Vendredi, vous avez visité les chambres couleur pastel de l’hôpital-prison lyonnais derrière les hauts murs et les portiques de sécurité. Il n’y a pas de miradors, toutefois, a relevé la presse.
Nicolas Sarkozy avait fait faux bond pour l’inauguration. Donner votre nom à une prison, pas sympa de sa part. A quoi pensiez-vous, Simone Veil, en franchissant les portiques, encadrée par Roselyne Bachelot et Michèle Alliot-Marie, silencieuse et comme absente ?