Dérober aux regards concupiscents les attraits de la femme,tel est bien le but des hijab, burqa et niqab ? Inégalité, sexisme, objectent certains et non des moindres. Ils ont raison mais retardent. Pensez-vous sérieusement, messieurs regards de braise et lèvres ourlées, échapper au désir des dames ? Les temps ont changé, il est temps de vous protéger, de vous soustraire aux conquérantes, aux dragueuses, aux timides maisj’ai-des-yeux-pour-voir. Couvrez-vous! En rétablissant du même coup l’égalité des sexes, Belphegor pour tous. Enquête à mon corps défendant.

Je disais Tchador. Comme tout le monde, avec un solide« tche » bien français. Ca faisait trois jours que je ramassais le fichu foulard dégringolé, rangeais les cheveux évadés, ça glissait, ça glissait.
Dans le hall de l’hôtel – Téhéran - le jeune homme me regardait passer, affligé.D’un index mi-impératif, mi-amical, il me signifiait que ça n’allait pas. Là, et là.Pasdaran, m’avait-on dit, pas intérêt à trop se faire remarquer et à l’évidence, côté personnel hôtelier, on se tenait à distance.
Pourtant, il était bien, ce jeune homme. Français littéraire et fluide, nuque intéressante, échancrure discrète de la chemise, barbe naissante mais point trop envahissante, et des cils, des cils. Pour le reste, le point d’observation était mal choisi.
Mais lui aussi m’avait repérée et il me fit un cadeau, timide (quoique ferme) , sérieux ( quoiqu’un peu ironique) : la République islamique m’accordait, sous cellophane crissant, une tenue complète, up to date, garantie correcte. « Un tch-ador ? », m’exclamai-je.« Hijab », corrigea-t’il. Ah.
De fait : un couvre-tête laissant le visage à découvert, une tunique tombant aux genoux, un pantalon élastiqué à la taille,coupe droite, le tout, noir, en coton peut-être écolo, mais d’environ 0,5 cmd’épaisseur. Le couvre-tête, bien ajusté, a des vertus lifting. Enfin, et pour la première fois de ma vie, j’avais des yeux étirés jusqu’aux tempes. Mon rêve !
« Avec ça, vous passez inaperçue », me dit le tentateur pasdaran ( teint mat doré à souhait, répondant idéalement au reflet précieux de son iris, je n'en jurerais pas mais une Cologne simple, vous transportant vers ces champs de roses odorantes, musquées, Ispahan et ainsi de suite sensuel, que la parfumerie française aime tant).
Passer inaperçue, pour la journaliste que j’étais alors, c’est l’autre rêve.
Bien sûr, je tentai d’abord, comme le conseille Elle,d’ accessoiriser décalé : lunettes de soleil vu l’éblouissement, ceinture sur la chose-tunique. Le résultat fut mitigé, je passai de paquet à terroriste en goguette, retournai paquet.
Femmes, sachez qu’il y a un vrai plaisir à devenir invisible, à longer les rues écrasées de chaleur muée en non-objet, en voyant tout. Voir sans être vue est une vraie jouissance Un autre plaisir à adopter la coutume locale entre filles, entrer dans la maison et arracher le truc, secouer fortement les cheveux, et causer. Curieusement, c’est comme se démasquer et apprendre à se regarder. Petits avantages de la répression. Petits et si importants, dans l'univers du nivelé.
Néanmoins, deux jours plus tard, je fonçai sur le jeune homme ( il avait aussi de fort belles dents quand il souriait) :« Fait trente à l’ombre, y’a pas une version en blanc, on étouffe ».Il était chagriné mais sûr de son fait : le blanc est sexy, le blanc est banni.
Le noir, c’est super sexy, objectai-je ( et ce n’était pas notre relation, de part et d’autre d’une table en formica prête à fondre, qui allait me faire changer d’avis). En chemise blanche, lui. Mais rien à faire, c’était un peu comme la blague de Woody Allen : « Je ne discute plus philosophie avec ma femme, à chaque fois elle me démontre que je n’existe pas ».
Bien sûr, depuis j’ai appris des choses stupéfiantes,amusantes. Le moine et l’habit se révoltent, dès qu’on tente de leur imposer une loi.
Ainsi Reza Pahlavi ( le papa du Shah), super moderne, a-t’il en 1928 imposé un képi mi-douanier, mi-groom, aux messieurs iraniens qui jusque là arboraient le kolâ xosrowi, haute calotte de feutre noir. Manifestations, rébellions, et morts, si, si. De même, plus de foulard pour les dames. Bon, là, pas de manifs répertoriées, une avancée certaine de la chevelure culminant avec le chignon-banane à la Farah Dibah, mais foulard persistant côté poussière et ménage ( ceci, et bien d’autres choses se trouve relaté dans un docu Arte :
http://www.facebook.com/video/video.php?v=453685090251
Pas si sûre de la référence internet , mais ça vaut la peine, ces habits du monde.
J’ai ramené à Paris mon hijab total-look. Et un jour, je l’ai testé dans le métro ( des fois, on a des idées bizarres). Je suis redevenue invisible, d’une autre façon. Les regards se détournaient, ces regards dont vous sentez, violents comme un coup, qu’ils sont rejet, qu’ils ne vous voient pas. Sauf quelques regards de femmes, interrogés, interrogateurs, fugitifs.
Pour ne pas tout à fait faire mentir le titre, j’ai fait burqa, en une autre occasion. C’était une version soie bleue, climatiquement correcte, mais hélas je suis claustrophobe, les grilles je ne peux. Elles sont non seulement interdiction d’être vue, mais de voir. Logique interne sous voile : en Iran les filles étudient, les femmes occupent des postes, en Afghanistan on veut les bannir du savoir et de toute vie sociale. Entre la liberté de ma respiration et celle de mon regard, j'ai pris regard.
Reste le Niqab, avec vue peu panoramique sur le monde. 2000 personnes, au jugé, en France. Une loi en devenir qui pour premier mérite aura réussi à banaliser… le foulard. Désolée, pas testé le niqab.
J’observe néanmoins que le tendre époux nantais Hebbadj qui fait la Une de la presse depuis quelques jours– habile à renvoyer les braves gens à leurs moeurs, « z’avez pas de maîtresses,messieurs ? » - est un homme de progrès. Il est tout entortillé dans un foulard palestinien, c’est bien, mais insuffisant.



On voit encore sa bouche peut-être désirable, la courbe avenante de sa joue,son regard, troublant, entre sollicitation médiatique et légère panique policière ( en plus probable contestation à la maison, le monde est une série américaine).
Comme dirait le séismographe imaginatif de la mosquée de Téhéran
( lire http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/jean-louis-legalery/260410/un-ayatollah-iranien-associe-adultere-et-seismes) , ça peut secouer.
On ne se méfie jamais assez du désir ( ni deslois stupides).
Des avant-gardistes ( rien que des bobos qui risquent leur pos) avaient bien tenté de faire passer il y a peu, hijab pour tous, que diable!
http://www.courrierinternational.com/breve/2009/12/14/les-hommes-voiles-font-leur-show
Allez Nantes ! Vous l’avez rêvé , Amahjinehad l’afait ! Enfin on cache aux femmes ce qu’elle ne sauraient voir, mur végétalcontre chute de reins ! Vive Pollux !

ps: et néanmoins, ne vous en déplaise, pâle Hortefeux tout déteint, sinistres talibans, il arrive que dans le silence du regard tombent les lois et les règles et les contraintes pour que s'échange un peu, si peu. A cela jamais vous ne pourrez rien.