Pourquoi ne pas rebondir sur l’article de Fabien Cazeaux « Fronde contre Jérôme Clément, patron de l'Alliance française » pour afficher ma perplexité face à cette « vitrine de la France et de la Francophonie » ? Ma perplexité s’est installée il y a deux ans lorsqu’un proche, dûment équipé du DAEFLE, le diplôme nécessaire pour l’enseignement du Français langue étrangère (FLE) et parfaitement hispanophone, a été engagé par l’Alliance française pour enseigner dans un pays d’Amérique du Sud.
Postulant depuis la France, il s’est d’abord vu signifier que le billet d’avion serait à sa charge. Bon. Il est vrai qu’un jeune diplômé peut tout de même se payer un billet à 800 euros pour donner un coup de pouce à la brillante carrière qui se présente (héhé, y’en a bien qui doivent contribuer au sauvetage de la France et de l’Europe à raison de 5 euros par mois). Quand on aime, on ne compte pas, et ces jeunes professeurs ont les crocs, l’enseignement pour passion, l’esprit d’aventure et le dévouement à leur patrie et à sa langue chevillés au corps.
Et puis la paie de 700 US$ est sacrément motivante ! Après tout, ils n’auront qu’à se loger, s’équiper, se nourrir, se blanchir, et éventuellement, se payer un billet de retour vers la France. Rien à dépenser en fariboles, y’a pas le temps, il faudra préparer les cours. Alors roule !
Et surtout, ferme-la. Comme le dit Fabien Cazeaux, la fronde contre Jérôme Clément « est un conflit qui fait désordre, dans une institution peu habituée aux polémiques et aux règlements de comptes en interne ». Ferme-la quand on t’explique ton programme à l’arrivée : une classe de chaque niveau — de la sixième à la terminale — ça occupe, en terme de préparation de cours, pas le temps de dépenser des sous au troquet. Ferme-la quand on te glisse ces 700 US$ de la main à la main, tu vas niquer les impôts ! Ferme-la quand tu t’étonnes de l’absence de feuille de salaire, y’a pas de salaire !
Eh oui, voilà ce que notre jeune travailleur a appris de son premier poste : les cotisations sociales (ah oui, les charges) sont un poids dont l’Alliance française, « rattachée directement au Quai d’Orsay » comme le précise Fabien Cazeaux, a su s’affranchir. La sécu ? Ben de toutes façons, ça ne marcherait pas ici. Le chômage ? Dans l’enseignement, ce n’est pas vraiment une tradition... La retraite ? Bien le temps d’y penser, et de toutes façons, les retraites, dans quarante ans, que seront-elles devenues ?
Ne demande pas ce que tu as comme assurance de toucher comme convenu tes 700 US$, « Aie confiance ! ». L’Alliance française a pour objectif de faire rayonner la culture française à travers le monde, et toi, jeune professeur, tu es un de ses rayons ! Peut-être la crise que traverse aujourd’hui cette honorable intitution, « la plus aïgue de son histoire » va-t-elle redonner de la voix à quelques rayons de l’Alliance française de par le monde. J’aimerais bien les entendre.