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Billet de blog 12 juillet 2016

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Étiquetage nutritionnel: qui représente la société?

Trois chercheurs, puis Yves Lévy, PdG de l'INSERM, démissionnent du comité de pilotage de l'étude sur l'étiquetage nutritionnel des produits. Très bonne illustration de la crise du système démocratique dans l'élaboration de la loi, petite analyse sur le petit jeu des procédures et des apparences.

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Illustration 1
Yves Lévy, PdG de l'INSERM, a démissionné du comité de pilotage sur l'étiquetage nutritionnel à la suite de trois chercheurs

La démission du PdG de l'INSERM fournit un exemple intéressant de la crise démocratique à propos d'un rapport en cours sur l'étiquetage nutritionnel qui montre que les études se font sous la pression des lobbies. En faisant monter les industriels au niveau de l'étude, c'est-à-dire en amont de la décision, le conflit est évacué de l'arbitrage politique apparent en le faisant passer pour un conflit d'experts.

Voilà un problème de gouvernance récurrent quand l'oligarchie se travestit en démocratie. L'étiquetage nutritionnel est un problème de société au croisement de l'économie et de la santé. Si nos représentants politiques jouaient leur rôle ils solliciteraient un rapport de leur administration et consulteraient ensuite les experts de leur choix pour trancher. Mais ils ne jouent plus leur rôle et ils font disparaître leur propre fonction politique pour gérer leurs moyens d'influence par le partage entre les experts issus de l'administration publique et les experts issus du secteur privé dont seul l'exécutif a la maîtrise du choix. Le travestissement a deux faces, le Parlement ne cherche plus prioritairement à arbitrer puisque l'arbitrage réel s'initie discrètement en amont du travail parlementaire lui-même par les chefs, membres de l'exécutif.

Si les représentants sont occupés à autre chose qu'à représenter les citoyens incompétents, il n'y a plus vraiment d'autre solution démocratique que le jury citoyen tiré au sort. Dès lors, il est possible de revenir à une procédure simple qui semble devenue hors de portée des parlementaires eux-mêmes : on demande un rapport de l'administration publique en amont (c'est tout de même un de ses rôles fondamentaux !), puis le jury sollicite les experts publics (administrations, chercheurs, universitaires...) ou privés (industriels, association de consommateurs...) qui lui paraissent pertinents pour compléter son information au regard de ses premiers débats conduits sur la base du rapport introductif de l'administration.

Dans le fond, il n'y a pas grand chose à inventer. Alors cessons de nous laisser impressionner par la complexité technique des dossiers, le problème est procédural et très clair, il porte sur une apparence démocratique des rôles politiques qui ne fonctionne plus. Il y a juste à tirer la conclusion des dégâts de la permanence d'une représentation politique qui ne représente plus les citoyens pour un tas de raisons : resserrement de la représentativité des élus par la sélection partidaire, durée et cumul des mandats, intrication avec la haute administration et les grandes entreprises...

D'un côté la société veut de plus en plus la démocratie, de l'autre les représentants veulent de moins en moins représenter l'ensemble de la société : une schizophrénie intenable !

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