Les récentes révélations sur les violences policières à Sainte-Soline ont ravivé une douleur que je porte depuis près de sept ans.
Pas seulement pour leur violence, mais pour ce que l’on y découvre enfin : des gendarmes savourent l’instant où ils blessent, mutilent avec des armes de guerre.
Ces images prouvent que ces violences ne sont pas des accidents, mais des actes délibérés. Ce que beaucoup dénoncent depuis des années sans pouvoir le démontrer apparaît désormais sous les yeux de tous.
Et pourtant, malgré ces preuves, la justice reste sourde.
Le 17 octobre 2025, le tribunal a prononcé la relaxe du CRS qui a mutilé mon fils le 24 novembre 2018 à Paris. Un mot sec, administratif « relaxe ». Et tout s’écroule à nouveau. Gabriel n’est pas reconnu comme victime. Une seconde déflagration, froide, implacable.
Et je repense à ce 11 septembre, lors de l’audience: au dernier moment, le CRS s’est tourné vers nous pour dire « J’espère qu’un jour vous arriverez à vous pardonner.»
Comme si la faute nous appartenait. Comme si c’était à nous de porter, en plus du reste, le poids de sa conscience.
Ces images dépassent nos histoires personnelles.
Elles renversent les récits qu’on nous impose depuis tant d’années : celui de policiers « acculés », privés d’autre choix que l’excès. Or, elles montrent exactement l’inverse. Des forces de l’ordre qui se réjouissent d’agir ainsi, parce qu’elles savent qu’elles n’auront jamais à répondre de leurs actes.
La responsabilité relève aussi d’une hiérarchie dont les propos et les ordres légitiment ces dérives.
Ce qui semblait autrefois l’exception est devenu une norme. Parfois tolérée. Parfois encouragée. Parfois ordonnée.
Dans cette impunité, utiliser des armes de guerre contre des citoyens devient un geste banal. Et c’est ce glissement silencieux, du dérapage au système, qui devrait aujourd’hui alerter toute société attachée à la justice et à la dignité humaine.
Face à cela, tout me revient.
Gabriel, 20 ans, les mains faites pour construire, créer. Une vie broyée en une fraction de seconde.
Florent, son frère et Marvin son cousin blessés eux aussi. Toute une famille frappée.
Puis, un verdict est venu effacer ce que nous avions traversé.
Cette décision, vécue comme un déni de justice, refusant simplement de reconnaître les victimes.
Nos vies soufflées par une GLI-F4.
Cette vérité est implacable : Rien, absolument rien, ne justifiait ce tir (reconstitution ONG Index).
Je ne me plie plus à cette injonction au silence qui pèse sur les victimes.
Alors j’écris.
Pour Gabriel, pour ce qui lui a été volé.
Pour que les blessés et mutilés cessent d’être traités comme des dommages collatéraux.
Pour que l’impunité systémique des violences policières cesse et que « justice » ne soit plus un mot creux.
Pour que personne, jamais, ne voie sa vie exploser au nom de l’ordre.
Je ne sais pas quand la vérité sera enfin reconnue.
Mais elle est là.
Elle avance, lentement mais sûrement.
Elle finit toujours par s’imposer.
Et un jour, elle deviendra impossible à ignorer.
Dominique Rodtchenki-Pontonnier.