Cher Kevoulévoukejvoudise,
Tu avais promis de t'occuper personnellement d'améliorer le sort des Intermittents du Spectacle.
Je te l'ai rappelé il y a quelques.
Eh bien, j'ai le plaisir de te faire savoir que c'est maintenant qu'il faut que tu t'y mettes.
Pourquoi ? Parce que l'UNEDIC renégocie les accords pris en 2006 par les partenaires sociaux. Et que le fruit de ces négociations s'imposera alors à tous les chômeurs, pour trois ans.
Tous les trois ans, l’UNEDIC réunit représentants des employeurs et représentants des employés (les partenaires sociaux) pour rediscuter de la convention assurance chômage.
De quoi parlent-ils ?
Ils fixent le pourcentage de prélèvement sur les salaires, et les conditions de prises en charge des chômeurs.
Notons d’emblée que le distingo « part salariale part patronale » de ces prélèvements n’a pas lieu d’être : l’ensemble représente le salaire de l’employé, et ce n’est qu’une astuce de vocabulaire héritée du fond des âges pour faire croire que le « patron » paierait aussi etcetera… Il est évident que :
1. l’ensemble est le salaire.
2. l’ensemble du salaire est payé par l’entreprise.
Notons encore qu’un « privé d’emploi » sur deux n’est pas pris en charge par l’UNEDIC aujourd’hui.
Notons enfin, que les prélèvements sur les salaires pour le financement de l’assurance chômage sont actuellement de 6,4% en général, et de 10,8% pour les intermittents.
Or donc :
Les réunions ont débuté le 15 octobre. Elles allaient piano à cause des élections prud’hommales. Elles accélèrent.
Elles devraient se terminer le 23 décembre, mais on parle malgré tout déjà de prolongations.
La discussion à propos des intermittents du spectacle et des saisonniers ne devrait avoir lieu qu’en fin de parcours.
Enfin, pour ce que j’en sais, c’est-à-dire pas grand-chose.
Comment faire pour être tenu au courant ?
On peut tout juste serrer les fesses en attendant de savoir à quelle sauce patrons et syndicats vont accommoder nos restes.
Ce qui se dessine dans le cadre général, c’est une « réduction des filiaires » et une diminution des cotisations patronales « chômage » afin de pouvoir augmenter les cotisations « pension » sans douleur sur la fiche de paie, c’est-à-dire sans alourdir la masse salariale dans son ensemble, à la demande du gouvernement et de ton Excroissance empiresque.
Le patronat est pour.
Mais cela ne tient manifestement pas compte du ralentissement de l’économie et de l’augmentation certaine du chômage en 2009. L’UNEDIC devrait donc continuer à creuser le trou (on parle de réduire les cotisations de 0,3% en 2009, 0,4 en 2010 et 0,3 en 2011).
Et subséquemment, ce seront les « privés d’emploi » qui seront tenus responsables de ce trou de l’UNEDIC.
Déjà, l’on fait courir le bruit, colporté ensuite par les médias peu regardants et avides de formules efficaces, que « la précarité coûte chaque année 7 milliards d’€ à l'Unedic et ne lui rapporte qu'un milliard ».
L’argument portera des coups terribles aux « privés d’emplois ».
Comme d’habitude, il se trouvera suffisamment de voix pour braire que ce sont des « privilégiés » qui s’accrochent à leurs « privilèges ».
Il faut donc, encore une fois, répéter :
1. que l’ensemble des personnes qui émargent à l’UNEDIC sont tous des chômeurs. Qu’à ce titre, ils coûtent TOUS à l’UNEDIC. Que, si l’ensemble des employés cotisent à l’UNEDIC, l’ensemble des employés n’est pas appelé à être chômeur. Il n’y a donc pas de justesse des retenues par rapport à une profession, un secteur, un risque mais une solidarité interprofessionnelle (excusez le gros mot).
2. Qu’aujourd’hui, un « privé d’emploi sur deux » ne reçoit rien de l’UNEDIC.
3. Que les intermittents cotisent plus que les autres employés pour accéder à leur privilège : le droit de n’avoir jamais accès à aucun CDI.
4. Que le recours à l’emploi précaire ou à l’intermittence, sous d’autres vocabulaires (la fameuse flexibilité de l’emploi qui serait la solution au chômage de masse) est la grande antienne du patronat et des gouvernements de droite. Qu’il faut donc cesser de faire croire qu’il s’agit d’un choix de la part de l’employé, et donc de le désigner à la vindicte populaire : « voyez comme il s’accroche ». La réalité de l’intermittence, c’est de flirter avec un smic moyen jusqu’à la fin de sa carrière. La plupart des intermittents en acceptent très bien le choix, et ne s’en plaignent pas, et pour cause : d’autres qu’eux sont à ce « régime minceur » sans que leur emploi ne leur occasionne de satisfaction. Mais les intermittents n’acceptent plus qu’on parle d’eux en terme de « privilégiés ».
5. Que la Culture est sous-financée en France. Que la France se paie son exception culturelle sur le dos de la solidarité interprofessionnelle, c’est vrai. Que les actes de créations sont sous-payés, et qu’à supprimer la solidarité interprofessionnelle, on devra en arriver à supprimer des pans entiers de l’exception culturelle. Il est cocasse de remarquer que les artistes vivent très mal de leurs créations alors que les festivals fleurissent aux quatre coins de la France, faisant vivre à chaque fois une équipe de direction qui n’a d’autre tâche que de sélectionner du produit culturel conçu avec l’argent des autres… Ces équipes cotisent-elles à l’Unedic ? Tient-on compte de leur cotisation dans le calcul qui débouche sur une phrase aberrante du genre « la précarité coûte chaque année 7 milliards d’€ à l'Unedic et ne lui rapporte qu'un milliard » ? Il est non moins cocasse de constater que lorsqu’une manifestation festivalière –si coûteuse- ne se tient pas, ce sont les commerçants qui pleurent l’absence de retombées économiques.
En conclusion, un appel est lancé (par la coordination des intermittents et précaires) pour une manifestation unitaire pour les droits des chômeurs et précaires à Paris le Samedi 6 décembre :
RDV à 14h30, Place Stalingrad en direction de Place Clichy
Je ne sais ce que valent leurs mots d’ordre, mais leurs inquiétudes me paraissent légitimes.
Tous ceux qui de près ou de loin peuvent obtenir des renseignements, des tuyaux sur ce que comptent faire les partenaires sociaux sont bienvenus ici pour faire connaître les intentions.
Appel est donc lancés aux journalistes de Médiapart pour qu’ils posent les questions aux dits partenaires lorsqu’ils sont en contact avec eux.
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Réédité :
Nouvel appel à manifestation :
A l'occasion de la sixième et avant-dernière séance de négociations sur la prochaine convention d'assurance-chômage, les associations de défense des chômeurs & précaires appellent à une journée unitaire de mobilisation mardi 16 décembre, et notamment à un rassemblement devant le siège du Medef à Paris où se déroulent les discussions entre «partenaires sociaux».
A l’appel de AC!, APEIS, MNCP, Comité National CGT des Privés d’Emploi, CIP-Idf, Fédération CGT du Spectacle et Intermittents, Fédération CGT des Personnels des Organismes Sociaux, Syndicats CGT des Intérimaires MANPOWER, Syndicat National CGT ANPE, Collectif National CGT des Saisonniers, Collectif National CGT Jeunes, ANCAV...
Rendez-vous à 14H au 55 av Bosquet - 75007 PARIS (M°École Militaire)