C’est pour te parler du chômage des intermittents
que je te dérange aujourd’hui,
Mon Prési-pô-de-dent,
Tu sais, ce système pour privilégiés,
Ceux qui se couchent dans la rue
pendant que les autres travaillent… dixit le Medef.
Il y a une règle en République, c’est l’Egalité en droit.
Je vais te montrer, que l’Unedic, cette règle, elle ne la respecte plus.
C’est, à mon sens, une faute grave.
Petit rappel pour que tu puisses suivre :
Le statut d’intermittent n’existe pas, c’est une variation au statut de salarié.
Tiens, j’en dis plus là : http://www.mediapart.frhttp://blogs.mediapart.fr/blog/dominique-wittorski/290908/statut-d-intermittent-du-spectacle-1re-part-c-est-pas-bandant
Il s’adresse aux salariés du spectacle vivant, et de l’audiovisuel.
Pas à tous, à ceux qui sont maintenus par leurs employeurs dans un régime de CDD éternellement récurrents. CDD qui vont de quelques heures à quelques mois.
Dans ces branches, il existe aussi des CDI. Ils cotisent à l’Unedic, mais n’émargent pas à l’intermittence (annexes 8 et 10) mais au régime général du chômage.
Les droits aux allocations chômages s’ouvrent pour un certain nombre de ces salariés en CDD appartenant à une liste précise de métiers (comédiens, danseurs, musiciens, réalisateurs, techniciens, machinistes, électriciens, décorateurs…) dès lors que, sur une période déterminée (10 mois ou 10 mois1/2 selon les métiers), ces salariés ont amassés des cachets ou des contrats représentant plus de 507 heures, pour des travaux bien précis (en sont exclues les heures d’enseignement au-delà d’un seuil (très bas)).
Ces droits sont ouverts pour 243 jours. Soit environ 8 mois et demi.
Tu suis ?
Au régime des 35h, ces 507 heures à accumuler représentent 14 semaines et demi, environ 3 mois et demi. 3,5 sur 10,5. Disons, grosso modo, du travail au moins un jour sur trois (ce qui, dans une tournée théâtrale peut se trouver être le maximum maximorum des possibilités de travail : le 1 à Rouen, le 4 à Strasbourg, le 7 et 8 à Nîmes etc… le reste du temps l’équipe technique monte et démonte le décor…).
Les choses sont un peu plus complexes, en réalité, parce que, comme le travail n’est que très rarement continu, on utilise donc le plus souvent, pour les artistes, la notion de cachet.

Un comédien qui joue dans un théâtre, un seul soir, reçoit donc un cachet.
Si ce cachet est isolé, l’unedic est censé le compter pour 12h00 de travail.
Quelle que soit la durée de la représentation, et la longueur du rôle.
En effet, il a été jugé utile de ne pas tenir compte de la durée de la représentation pour l’évaluation du temps de travail, sachant qu’il y a un temps de travail et de préparation chez soi qui peut être important (mémorisation, répétition, échauffement, gammes…), sachant également qu’il peut y avoir un temps de transport, non rémunéré, très long (par exemple, pour une représentation à Nice, lorsqu’on habite Paris… les spectacles sont appelés à tourner… voir l’exemple ci-dessus).
A partir de 5 cachets qui se suivent, ou qui font partie d’un même contrat de travail, chacun d’entre eux compte pour 8h00 de travail, on dit qu’ils sont groupés. La semaine de 40h, en quelque sorte.
Donc, pour arriver aux 507 h, l’on peut recourir à 63 cachets groupés, ou à 43 cachets isolés. Ou à un panaché des deux. Ce qui arrive le plus souvent.
Oui, je sais, c’est pas très glam’ ce que je raconte, et sur ce sujet je manque totalement d’humour, mais accroche-toi, le meilleur arrive.
En 2003, le régime de l’intermittence a été profondément modifié pour en réduire, disait-on, le coût et le nombre de récipiendaires.
En 2009, l’on arrive au constat que la réforme de 2003 n’a abouti à rien sur ces deux plans-là.
Voir ici : http://www.rue89.com/en-pleine-culture/2009/05/04/2003-2009-ou-en-est-le-travail-intermittent?page=1
C’est pourquoi, en 2008, sentant les choses tourner en rond, l’Unedic a introduit une réforme supplémentaire : le numéro d’objet.
A l’époque, cela avait effrayer à tort beaucoup d’intermittents qui pensaient que l’Unedic allait autoriser ou non les productions. C’était parfaitement erroné.
Ce numéro d’objet est consécutif à l’idée qu’il y a des fraudeurs dans le système.
Que des employeurs peu scrupuleux rétribuent des salariés sur le système des intermittents, en les employant pour des boulots qui ne font pas partie des catégories recensées.
Dans de grosses boîtes, il n’est pas difficile de faire passer un 101ème employé sur une production quand les 100 premiers sont tous intermittents et noyés dans deux ou trois autres productions… Pour retrouver ce salarié, au milieu des centaines de feuilles de salaire, c’est galère pour l’Unedic.
Donc, l’Unedic a inventé le numéro d’objet, qui doit se trouver sur chaque feuille de paie et associer l’employé à un projet précis et validé, avec un métier précis et validé.
Cela part d’une bonne intention de contrôle. Il devient beaucoup plus facilement vérifiable qu’un employé est bien artiste ou technicien d’une production qui tourne réellement…
Hélas.
C’est là que le bât blesse.
L’Unedic a édicté des règles inégalitaires.
Ce numéro d’objet ne peut, exige-t-elle, servir que sur une seule fiche de paie par mois pour un même salarié. Il contraint donc à rassembler des cachets pourtant isolés. Et donc à perdre des heures.
Les annexes 8 et 10 prévoient un cadre précis : 507h en 10,5 mois pour les artistes, 8h le cachet groupé, 12h le cachet isolé. Tous les comédiens devraient donc avoir les mêmes droits, s’ils travaillent autant d’heures au même salaire dans cette période. Eh bien, en fonction de la répartition calendaire des temps de travail, ce n’est plus vrai. Les heures ne sont pas comptées pareillement, et les droits ouverts donc totalement variables… au point d’essuyer un refus…
Voyons un exemple.
Aline, de Paris, a accumulé 450 h sur les 9,5 derniers mois. Ce mois-ci, elle joue le 1er juin à Lille, les 17-18-19 à Toulouse, et le 30 juin à Nice. C’est le même spectacle, mais il est clair que c’est trois engagements différents. Eh bien, pas pour l’Unedic, il faudra mettre tout cela sous le même numéro d’objet. Au lieu d’avoir 12 + 36 + 12 = 60h et d’arriver au 30 juin à 510h et une ouverture de droit, elle n’aura que 40h, et devra attendre encore pour des droits, quitte à tout perdre si les cachets suivant viennent trop tard.
Bernard a accumulé 450h sur les 9,5 derniers mois aux mêmes dates et au même salaire qu’Aline. Seule différence, il joue ses 5 cachets les 31 mai à Tulle (Aline et Bernard n’ont pas travaillé d’autres jours de mai), 17-18-19 juin à Marseille, et le 1er juillet à Bordeaux.
Pour l’Unedic, ces cachets deviennent tous des isolés : 60 h. Un contrat en mai, avec numéro d’objet. Un autre en juin. Un dernier en juillet. 510h. Bernard ouvre ses droits.
Peux-tu me dire quelle logique ? L’Unedic peut-elle réellement fonctionner comme cela ?
Le système est-il juste ?
Est-ce acceptable ?
Ou est-ce le début d’un futur scandale ?
Je sais, je ne suis pas très drôle.
Note tout de même encore, que la pratique actuelle du numéro d'objet de l'Unedic est un véritable dévoiement de la notion de cachet isolé et groupé. Les cachets très éloignés se retrouvant "groupés" de force, alors que le temps de voyage existe toujours en double et que répétitions et re-mémorisation sont nécessaires.
Donc en plus de l'inégalité... il y a du vol.