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Billet de blog 11 juin 2008

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Loi raisonnable contre la France-qui-branle-rien

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Président, mon Amour,

Ô mon Empireur de situation,

"Réhabiliter la valeur travail",

voilà une grande idée.

Simple, beau comme un cantique.

Sobre. Sobre surtout.

La France de ceux qui suent et en chient

applaudit la formule qui condamne la France de ceux qui branlent rien.

C'est pratique.

Fini le conflit entre ceux qui ont et ceux qui n'ont rien.

Voilà le conflit entre

ceux qui n'ont pas grand chose mais bossent comme des ânes pour l'obtenir

et ceux qui ont encore moins mais dont on raconte qu'ils s'en contentent tellement bien.

Ils se vautrent dedans.

Les seconds vivant aux dépens des premiers.

Evidemment.

Les premiers devant bien prendre conscience que,

s'ils arrêtaient de couvrir les comportements oiseux des oisifs,

ils en auraient tellement plus pour eux-mêmes...

- il s'agit quand même qu'ils comprennent que ceux qui en ont vraiment, eux,

ne peuvent plus rien donner - c'est pas tenable pour eux - enfin, c'est vrai !

D'abord il y a les faux frais (comme dans l'affaire Kerviel)

et puis les impôts insupportables,

et aussi les charges à dégoûter la moindre volonté d'entreprendre...

(c'est élémentaire à comprendre quand même !!!)

D'ailleurs à ce sujet,

je m'amuse assez d'entendre ceux qui en ont plein les poches

brailler que le Président est élu avec 54 %,

qu'il est légitime à moderniser la France,

que nous avons tous voté pour ça,

et hurler ensuite au déni de démocratie quand les péquenots

promettent qu'ils ne se laisseront pas faire,

qu'il y aura des grèves, que c'est le troisième tour social...

Ils ne hurlaient pas, nos sévèrement thunés, au déni de démocratie en 1981

quand ils se sont barrés avec l'argenterie en poussant des cris d'orfraie

pour tout planquer en Suisse,

afin que les socialos ne les flanquent pas sur la paille...

Pourtant y avait bien eu des élections légitimes, non ?

L'élection, c'est légitime seulement quand c'est la droite qui gagne ?

Faire une grève, c'est une atteinte à la démocratie

(malgré le droit constitutionnel)

et planquer ses économies, c'est de la saine gestion

(malgré le droit fiscal) ?

Bon.

Or donc !

Réhabiliter la valeur travail.

j'aime beaucoup.

Et tu t'y mets sérieusement.

Je viens d'en parler

avec les 4000 heures de travail que les marseillais devraient faire,

selon toi,

pour être concurrentiels...

A propos, je t'avais épargné d'épingler la phrase par laquelle tu concluais cette lamentable erreur, mais puisque tu t'es défilé en remplaçant sur ton site élyséen le mot « grutier » par le mot « grue » ( voir les copies d'écran ici : http://www.politique.net/2008060701-elysee-fr-le-site-qui-efface-les-erreurs-du-president.htm ), en niant que l'erreur était volontaire avec vue manipulatrice, je ne résiste pas à la citer quand même : « eh bien, résultat des courses, sur trois containers qui rentrent en France, il y en a deux qui rentrent par l'étranger ». Non ? C'est pas vrai ? Tu le sais depuis quand, mon Empireur, que ce que nous importons arrive de l'étranger ? Parce que, là, vraiment, il est temps de réagir.

Ah ! Pouvoir employer à tout bout de phrase la petite haine sournoise de l'étranger, qu'est-ce que c'est bien... Hein ! Ça rapporte de l'adhésion élective...

Bon, mais je m'égare.

Fin de digression.

La valeur travail.

On en débat de nouveau avec la loi que tu prépares sur « l'offre raisonnable d'emploi ».

Remarque, on aurait pu légiférer sur le « refus raisonnable d'emploi ».

Tu avais commencé un peu de propagande là-dessus

en évoquant le cas de ce chômeur plaquiste de Melun

qui se serait vu proposer «63 offres d’emploi» en un an,

dont pas une n'aurait trouvé grâce à ses yeux...

Son refus était déraisonnable...

Mais les offres l'étaient-elles ?

Probable que non, donc on légifère sur « l'offre ».

Et au passage, on agite le chiffon rouge sous les yeux de ceux qui en chient :

voyez, voyez, y en a qui branlent rien...

Amusant, parce que dans un marché dérégulé,

où la concurrence doit être libre et non faussée

(voir ton mini-traité européen)

comment peut-on défendre l'idée qu'il faille une loi

pour réguler le rapport offre et demande du marché du travail ?

« Je suis demandeur d'emploi,

tu es offreur d'emploi.

Si tu offres raisonnablement, je dois accepter... ».

Nouvelle curiosité du marché dérégulé...

ce n'est plus l'employé qu'on protège,

mais l'employeur qu'on favorise.

Pourquoi ne pas réguler les prix afin qu'ils restent raisonnables,

pourquoi ne pas réguler les productions ?

C'est "communiste" ! Ah oui.

Pourquoi ne pas réguler les accès aux professions, comme au moyen-âge ?

Ça se fait déjà ?

Bon, je note.

Et l'on va glosant sur ce que recouvre ce raisonnable quand les salaires des pgd explosent, quand les allocations parlementaires sont revalorisées, celle du Président également, quand la Halde constate que certaines entreprises discriminent suivant l'âge ou la couleur de peau... L'offre était raisonnable, mais le demandeur inadéquat !

Je passe, tout le monde en cause.

Moi, ce qui m'amuse le plus,

dans cette histoire de salaire raisonnable

- au bout d'un an de chômage,

une proposition à hauteur de ton allocation,

tu ne pourras la refuser,

donc quasi 40% de perte de salaire –

c'est : que tu aies cotisé des années durant,

que le chômage soit une assurance et non une grâce de la bonté divine, n'importe pas.

Là où l'on se trompe,

c'est que l'on est en train d'imaginer comme ce sera dur pour le type qui a une allocation de 800 euros...

Mais, mon Empireur, tu le sais, toi,

c'est pas celui-là que tu es en train d'enfler grave,

c'est la classe moyenne, une nouvelle fois.

Ceux qui avaient des moyens, pas beaucoup,

ceux qui ont transpiré pour avoir ce qu'ils ont

et qui ont voté pour toi grâce à cette formule

« Réhabiliter la valeur travail »

pensant que tu remettrais les feignasses au boulot, les rmistes, les assistés...

Ceux qui pareillement ont cru que tu leur supprimais les droits de successions,

alors qu'ils en payaient déjà plus depuis longtemps avec les abattements anciens,

ils étaient pas assez riches pour être au-dessus.

Ils ont voté pour que les très riches s'en sortent mieux.

Qu'est-ce qu'on se goure !

Regarde :

le SMIC n'est pas fait pour les chiens.

Une offre raisonnable ne pourra donc pas proposer un salaire inférieur au SMIC.

Pour rappel : smic mensuel = 1309 euros bruts

Soit 1047 euros net environ.

Donc pas d'offre raisonnable sous ce seuil. Non ?

Donc celui qui s'apprête à perdre 40% de son salaire c'est celui qui touche cette allocation-là.

Un privilégié ? Non, un type qui a cotisé à une caisse de solidarité avec son salaire, par des prélèvements importants !

Et ce gars-là, si on lui propose un boulot à 1050 euros net par mois, il peut plus refuser ?

Son salaire précédent c'était 40 % plus élevé : 1745 euros net, soit 2100 euros brut. Environ.

Qui a ce salaire-là ?

C'est à qui que tu t'attaques, là ?

Une fois de plus, à la France de ceux qui suent et en chient

mais qui continue d'applaudir la formule qui condamne la France de ceux qui branlent rien, parce que ça sonne agréablement à leurs oreilles.

Une fois de plus, ça va rien changer pour ceux qu'ont rien, mais ceux qui avaient un peu, on va les obliger à s'aligner en bas. Et on va vider un peu plus les caisses de solidarité, par des prélèvements amoindris... ce qui justifiera de nouvelles lois raisonnables.

L'Egalité républicaine selon toi, probablement.

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