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Billet de blog 14 mai 2011

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Le messager...

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C'est vieux comme la Grèce Antique,...


Lorsque la nouvelle est mauvaise,
ou, seulement, qu'on ne veut pas l'entendre,
on fait assassiner le porteur de la nouvelle, le messager.
C'est comme ça.
Bien sûr, c'est une affaire de dictateur,
d'un dictateur qui ne portait pas ce nom-là à cette époque-là.
On les nommait τύραννος, Tyran.
Aujourd'hui, tyran veut dire dictateur,
à cette époque-là, c'était simplement Roi. Celui qui exerçait le Pouvoir.
Pas un élu du peuple, bien sûr. Quelqu'un qui s'empare du Pouvoir. Qui dit "je sais". Œdipe était un tyran.
C'était quelqu'un, en tout cas, qui savait comment il fallait parler.
Et comment les nouvelles devaient être dites.

Voilà, le τύραννος jugeait que telle nouvelle n'était pas attendue sous cette forme,
et hop, le messager, une sorte de crypto-marxiste de l'époque, j'imagine,
le messager se retrouvait au trou, le temps que l'on décide,
- suivant qu'on était à Sparte ou à Athènes -
s'il fallait qu'il saute ou qu'il boive...

Enfin !
le messager devait expier, pour la nouvelle.
C'est comme ça.
La nouvelle... ah bah non... ça, la nouvelle, ça ne la modifiait pas.
Le cours de l'histoire continuait.
Parfois même le τύραννος était tout de même renversé.
Parfois, il se crevait les yeux.

Avec la secrète joie d'avoir bousillé le messager avant de déchoir.

Vieux comme les chemins.
Tuons le messager !
Tuons le messager !
Tu le sais, toi, mon Empireur, qu'il faut toujours attaquer le messager.
C'est ce que tu n'as jamais manqué de faire.
Des émules aussi.

Enfin, le messager a un dieu tout de même, Hermès,
qui, hélas, est le dieu aussi des voyageurs et des voleurs, des pasteurs et de leurs troupeaux, ainsi que des orateurs ou des prostituées.
Autrefois, on empilait les pierres aux carrefours, en son hommage.
Ah ces empilements de pierres !
Hermès donna aux hommes l'écriture et la danse, les poids et mesures, la flûte et la lyre, le moyen de produire une étincelle lorsque le feu s'est éteint.
Tuons le messager.
Et puis crevons-nous les yeux...
Nous vivrons tellement mieux !

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