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Billet de blog 20 novembre 2010

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Des jurys en correctionnelle

Le remaniement n'a pas trois jours, que déjà l'énorme nous arrive sur les genoux.

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Le remaniement n'a pas trois jours, que déjà l'énorme nous arrive sur les genoux.

Il y a, quoi ?, octobre 2006 ?, tu nous servais une énormité.
Pas la première...
Pas la dernière non plus.
Depuis, on est habitué.

Mais je me marre, mon Empireur,
Mercier, le nouveau (nouveau, vraiment ?) garde des sceaux (des sots ?)
Reprend l'inanité que tu avais sortie à l'époque.
A savoir, l'innovation géniale qui consiste à introduire le jury populaire au niveau de la correctionnelle.

Il est marrant, ton Mercier, qui fait semblant de sortir du centre,
alors qu'il sort de ton nombril !

Je vais te reprendre le petit cours de droit et d'histoire du droit que je t'avais réservé à l'époque.


Tu m'excuses de faire très vite,
mais je sais que tu es très occupé par toutes sortes d'agitations.
Je vais donc faire bref. Mais pas trop. C'est complexe.


A l'époque tu nous avais sortis :

"Dans la République, la justice est rendue au nom du peuple.
Je propose qu'en correctionnelle,
pour les affaires les plus importantes,
on introduise le jury aux côtés des magistrats
comme c'est déjà le cas en assises", c'était à Périgueux en 2006.
C'est à mourir de rire, tu sais.
Et c'est exactement ce que Mercier vient de reprendre...


Tu dois savoir (tu es avocat, non ?) qu'il existe trois natures d'infractions,
conduisant à trois types de tribunaux :
1. les contraventions (traitées par les tribunaux de police)
2. les délits (traités par le tribunal correctionnel)
3. les crimes (traités en cour d'assises).
Les affaires les plus graves, les crimes, doivent toujours être traitées devant un jury d'assises.
Qui, lui, comme tu l'avais souligné, est équipé d'un jury populaire...

Jury populaire que tu voulais supprimer cet été... Toi ou ton garde des sots de cet été...
Tu m'expliqueras la cohérence...

Ce qui distingue une affaire traitée en cour d'assises d'une affaire traitée en correctionnelle,
c'est son degré de gravité, évaluable par la peine encourue.
(Ne pas confondre la peine encourue, et la peine prononcée...
Encore moins la peine réellement effectuée.
Pour tel crime, on encourt une peine de 15 ans au plus.
On est condamné finalement à 8 ans, par exemple.
Et on en effectue en réalité 4...)
Les peines qui désignent les Assises sont les peines encourues qui vont de 15 ans au plus, à perpétuité.
Quand les faits sont moins graves, on traite en correctionnelle.
Qui n'est composée que de professionnels.
Donc, cher Sarko, de quelles affaires parlons-nous ?
Des plus importantes des correctionnelles ! Dixit toi et Mercier.
Qu'est-ce ?
Importantes comment ?
Celles où la société est scandalisée ?
Pourquoi ne pas les traiter aux Assises, si elles sont si importantes ?
Parce que ?
Parce que ?
Parle plus fort, j'entends pas bien.
Parce que ça coûte beaucoup plus cher...
Et parce qu'il y a correctionnalisation de nombreuses affaires criminelles !
Ah bon ?
Tu veux dire que certaines affaires devraient être traitées aux Assises,
mais que finalement elles se retrouvent en correctionnelle ?
C'est peut-être celles-là, alors ?
Pourquoi sont elles correctionnalisées ?
- Parce que ça va plus vite et c'est moins cher !
Ah bon !
- Et que ça fait moins de bruit médiatique !
Ah oui, je me souviens de ces correctionnalisations d'affaires politiques
qui permettent d'éluder,
et de risquer des peines moins fortes, sans que les médias continuent à s'y intéresser.
Les tribunaux d'assises sont débordés et coûtent chers.
La correctionnalisation permet de délester.
Et c'est légal, ça ?
Ben disons que ça se pratique, en tout cas.
Et que ce n'est possible que lorsque toutes les parties y trouvent un avantage.
Sinon l'une d'entre elles le dénonce...
Comment ça ?
Quels avantages ?
D'abord, il y a un risque pour la défense :
se trouver devant des professionnels du droit, réfléchis,
plutôt que devant un jury populaire et influençable...
Ben oui, Sarko, le peuple c'est influençable. Tu le sais bien, quand même.
Plus difficile d'obtenir des circonstances atténuantes sur du sentimental
quand on est chez les pros,
en même temps, les pros sont parfois moins sujets aux pressions de l'air du temps
(ça ne s'est pas vu pendant l'enquête à Outreau, je te l'accorde).
Donc l'avantage peut être double à éviter les Assises :
les peines maximales risquées sont plus courtes (plafonnées, sinon c'est les Assises),
et l'on évite les ressentiments populaires, les enfièvrements médiatiques.
Mais il y a aussi un risque pour la Société (nous tous) :
donner l'image d'une justice qui fraude avec la loi.
Ben oui, Sarko, je t'en parlais avec les affaires de pots de vin...
Donc l'avantage pour la Société ne peut être que celui du coût...
couplé au gain de temps.
L'avantage du gain de temps,
m'a-t-il semblé dernièrement,
tu y es très attaché :
délit et peine le plus rapprochés possible
pour une plus grande efficacité, une meilleure lisibilité de la justice.
Et l'avantage du coût,
j'ai bien compris que tu y es très attaché aussi.
Alors ?
Qu'est-ce qui me défrise ?
Ben,
Sarko,
En introduisant un jury populaire en correctionnelle,
on augmente le coût et on ralentit la procédure.
Donc c'est inepte, d'autant que la solution existe déjà.
Il suffit de laisser aux Assises les affaires les plus graves !!!
De cesser de correctionnaliser.
(ah oui ! que fait-on des affaires politiques, alors...?)
Il est vrai qu'on parle de supprimer les jurys d'Assises depuis des années,
pour éviter les attitudes populaires qui conduisent à des quasi lynchages médiatiques,
comme il s'est produit à Outreau ou dans des affaires comme celles de Dils, Dreyfus ou Ranucci...
Voilà, Nicolas, avec ton Mercier, en trois jours,
Tu es pris, une fois de plus, en flagrant délit
de proposer de l'inapplicable ou du ridicule.
Comment comptes-tu financer ?
Et comment ensuite raccourcir les délais de jugement ?
Pourquoi ne pas t'attaquer simplement à la perversion des correctionnalisations ?
Tu veux le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière ?
Tout ça ne tient pas debout...
Et tu le sais !
(tes études de droit à Paris X-Nanterre,
même si c'est du service public,
c'était pas si pourri que ça, quand même...)
Si j'avais de l'humour, je mourrais de rire comme je l'ai écrit plus haut.

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