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Une belle photo
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager cette photo, prise dans la manifestation de mardi 14 juin. Je n’étais pas seule à en rire. Et même à rire des vitrines cassées, alors que jamais je ne serai prête à en briser une seule. Remarquant que la vitrine d’un Epargne retraite conseil était à terre, nous étions quelques-uns à nous dire, « Tiens, ils ont vu Epargne, ils ont frappé ! » Rires. En rapportant cela plus tard à une jeune collègue, elle me dit : « Non, ils ont vu retraite, ils ont frappé ! » rires encore. Selon que tu seras jeune ou vieux, le monde futur tu envisageras…
Une consternation
Et puis tout au long du parcours, bris d’abris bus, de corbeilles, de distributeurs de billets, etc., tant qu’on en était éberlués. Parce qu’en début de manifestation, on les avait bien vus les casseurs, mais de là à penser qu’ils pourraient faire autant de dégâts ! Et pour ce qui est des tags et slogans, alors là, très forts. Une pensée construite, pas de fautes d’orthographes, on n’est pas en banlieue… Un manifestant Cgt dit : « c’est les autonomes ». Et de retour chez moi, « voyons voir, quoi ça, quoi ça, les zautonomes ? » Et me voilà sur l’article de J.Coupat. Si si j’ai tout lu. Déterminé le garçon ! Bien sûr, l’analyse de l’impasse démocratique dans laquelle on est, tout le monde peut la partager, surtout après le référendum grec. Même les anglais disent qu’ils veulent « leave » à cause de ça (entre autre). Mais bon, ce qu’il propose clairement, c’est un saut dans l’inconnu. Une visée nihiliste sans conteste (ou avec !). Avec un appel à la témérité.
Qu’en dit Victor Hugo ?
Cela évoque aussitôt pour moi un chapitre des Misérables relu récemment1. 1789 n’aurait pas eu lieu sans Danton : « De l’audace, toujours de l’audace, pour le peuple ! ». Et Hugo de raconter que le peuple de Paris est à la fois inconstant, rigolard, et audacieux, et que ces ingrédients ont fait la grandeur de Paris. Oui d’accord, « Oser; le progrès est à ce prix », mais ensuite il rappelle que pour cette révolution il fallait aussi « que Montesquieu la pressente, que Diderot la prêche, que Beaumarchais l'annonce, que Condorcet la calcule, qu'Arouet la prépare, que Rousseau la prémédite » Bref, pas de petits hommes !
Et ils sont où ?
Oui, où, ceux qui, en France ou ailleurs, développeraient ces pensées profondes et articulées, sur la mondialisation non régulée qui met à bas nos sociétés, et qui dessineraient un terrain autre que marécageux sur lequel nous pourrions atterrir après le grand saut !
Peut-être qu’ils n’existent pas !? Peut-être qu’ils existent, mais qu’on nous les cache ? Parce qu’après le fossé (que dis-je, l’abime !), entre ce que racontent les médias et ce que j’ai vu de cette manifestation réussie, je ne peux que voir dans ce blackout un énorme déni de démocratie. --Grave crise de confiance --
Ce n’est pas une révolutionnaire qui vous parle !
Non non non! Ainsi je n’oublie pas :
- Que toutes mes libertés me sont données par la démocratie et ne voudrait vivre nulle part ailleurs qu’en démocratie.
- Que quand les autonomes crient « tout le monde déteste la police », il y a peut-être le fils de mon voisin parmi ces pov’gars (oui, police pov’gars qui ne trouvent pas de boulot et obéissent aux ordres. Pas que, bon, peut-être.)
- Que quand les CRS frappent sous mes yeux un manifestant, plutôt que de le conduire au poste poliment (Mais oui poliment, pourquoi pas ?) et de le faire comparaître, ils insultent la démocratie et le fils de mon autre voisin aussi.
- Qu’au vu des expériences passées, seul un libéralisme régulé (mais vraiment régulé) me semble viable économiquement, politiquement et socialement.
Oui mais, économiquement, politiquement et socialement, l’Europe en veut-elle, de ce libéralisme régulé ?
C’est là que le bât blesse. Parce que comme l’Europe est investie par de fructueux lobbies dont la démocratie et le sort des populations est le cadet des soucis, et que c’est cette Europe, et non celle dont j’avais rêvé, qui mène les peuples à la déchéance, comment pouvons-nous encore y croire ?
Et l’internationale !
Alors évidemment, lorsque pas loin de moi qui suis dans la manifestation, la CNT diffuse L’internationale, j’ai une étrange attitude, qui me surprend moi-même, comme elle en surprend d’autre autour de moi je le vois, de ma gorge monte comme étouffée, comme une réminiscence, pas chantée depuis mes 16 ans, oui de ma gorge monte l’internationale ! Du passé faisons table rase, foule esclave debout, debout ! Et nous étions nombreux à chanter …
Alors que fait la presse ?
Silence radio. Au lieu d’interroger ces évènements, d’inviter penseurs et protagonistes, au mieux elle parle de l’Euro de foot (bin oui, faudrait voir à pas perdre de sous, ça coûte si cher à organiser et pis c'est la fête, hein?), au pire elle discrédite le mouvement en l’assimilant aux autonomes!
On comprend qu’elle n’ait pas aimé le coup de force de la Cgt sur la parution des journaux. Mais quand même, quel manque d’intelligence ! Quelle indigence ! Quel impensé ! Quand tout parisien a pu voir la réalité des choses, comment peut-on croire qu’une chape de plomb pourrait désamorcer la contestation ?
Pour ma part, nouvelle sur Médiapart, c’est là que j’ai trouvé un compte-rendu fiable de ces évènements. Mais on n’est que 118000 à avoir droit à une vraie information ? Parce qu’on paye pour l’abonnement ? pour les autres les mensonges? A ce compte-là, je ne donne pas cher de la démocratie !
1 Les misérables de Victor Hugo. Livre premier - Paris étudié dans son atome - Chapitre XI - Railler, régner
http://www.livresse.com/Livres-enligne/lesmiserables/030111.shtml