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La COP 21 s’est tenue en décembre 2015 à Paris. Quel bilan en tirez-vous ?
Encore une fois le monde politique international, rassemblé autour de l’intérêt collectif, s’est défaussé. Et l’Afrique n’a cessé de parler de son absence de responsabilité dans le réchauffement climatique, en vue de négocier des financements qu’elle n’arrivera pas à débloquer. D’une façon générale, je ne crois pas en ces grands rassemblements. Les principaux décideurs, responsables des pays les plus riches et les plus pollueurs, ont pris l’essentiel des décisions annoncées à la COP 21 mais ils ne vont pas les appliquer. Parce qu’ils n’en ont pas les moyens : ils sont sous la domination du monde de la finance qui contrôle la planète. Pour réellement changer la donne sur le climat, il faut une inversion des valeurs : il faut non pas que la finance soit au centre, mais que la planète soit au centre. Ma conviction, après quatre décennies d’écologie et associative et politique, est que cela n’arrivera qu’après une grande catastrophe.
Votre expérience de ministre a été assez courte, à peine deux ans. Êtes-vous bien sûr d’avoir fait assez de politique ?
Mais je me fous de ne plus être ministre. Être ministre donne bien sûr des leviers d’action que l’on n’a pas autrement. Mais depuis que je ne suis plus ministre, mon action écologique a repris d’une autre façon. À vrai dire, le monde crève de ces politiques qui veulent rester ministres, qui veulent se faire réélire… Ces gens-là, très nombreux, se mettent immédiatement à la portée des innombrables corrupteurs qui veulent s’accaparer les ressources naturelles africaines. Sur la base de mon expérience ministérielle, je pourrais d’ailleurs écrire un roman rempli d’anecdotes rocambolesques sur le pillage des ressources sénégalaises (grumes, or, poisson…) liées à la corruption de personnalités politiques ou de fonctionnaires. Le problème est que la situation est grave : notre pays vit toujours d’une économie de prélèvement, il ne transforme pas ses ressources. Or celles-ci se font de plus en plus rares, dans de nombreux domaines le pillage s’accélère et on est proche de l’épuisement. Nous sommes à vrai dire en situation de survie. Et les Africains et leurs dirigeants n’ont toujours pas compris la nécessité d’une gestion rigoureuse de leurs ressources…
En tant que ministre, j’ai pu effectivement limiter ce pillage. Mais les lobbies de la finance, de l’administration, de la communication et des marabouts sont puissants au Sénégal, ils ont eu raison de moi. D’autant que je n’ai pas toujours su mettre beaucoup d’eau dans mon vin : j’attendais cette responsabilité politique depuis longtemps, je me sentais dans une urgence d’agir. Et au plus haut niveau de l’État, il n’y a pas toujours la force ni la technicité pour combattre les lobbies efficacement. À la lumière de cette expérience, je pense toutefois que le politique a les moyens d’agir, s’il a une vision, s’il a le courage de mener sa vision à terme, s’il a des valeurs, s’il est engagé. Comment penser autrement d’ailleurs ? Le peuple des arbres a tant besoin de nous.