À retrouver également ici : “Les juges n’ont pas tenu compte de la violence économique qui a entouré cette affaire”
« Si on met en parallèle une autre lutte, celle des Fralib, l’issue a été complètement différente, poursuit Patrick Henriot. Les cadres du fabricant de thé ont également connu un épisode de séquestration, mais il n’y a pas eu de poursuite. Les anciens salariés ont réussi à inverser le rapport de force. Ils ont racheté leur entreprise qui est aujourd’hui une coopérative. Et personne ne se plaint de ce dénouement.Goodyear a subi le mouvement inverse. L’entreprise a fini par mettre la clé sous la porte, 1170 personnes ont été licenciées, le projet de coopérative a échoué… Et encore une fois, les juges n’ont pas tenu compte de la violence économique qui a entouré cette affaire ».
Si on y ajoute le contexte de violence économiqueentretenu par Titan qui conditionnait l'éventuelle reprise de 330 salariés au fait que l'ensemble des effectifs soit d'abord licencié, le cas Goodyear s'est soldé par un désastre social.L'usine a définitivement fermé ses portes il y a deux ans et l'équipementier américain, qui n'a réembauché aucun salarié, a fini par investir en Russie. Tout en se payant le luxe d'étriller une nouvelle fois les ex-Goodyear et le code du travail hexagonal : « En France, il y a des syndicats communistes. la Russie, elle n'est pas communiste quand il s'agit des affaires », a alors déclaré à l'AFP Maurice Taylor. « Nous sommes arrivés en Russie, avons racheté une ancienne entreprise publique qui avait un peu trop d'employés. La législation locale nous a permis d'en licencier un grand nombre sans problème tout en leur versant des indemnités. En France, on nous imposait de reprendre la majorité des salariés ».
D'autant que ce jugement intervient dans un contexte où la balance semble pencher en faveur des entreprises. Quand la loi Macron 1 est de nature à rassurer les employeurs (peine de prison supprimée pour les dirigeants en cas de délit d’entrave1, réforme de la prud’homie, barémisation des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse bientôt revue dans la future loi El Khomri…),cette décision d'une sévérité exceptionnelle a une lourde portée symbolique, comme le montre l'empressement à s'en réjouir des représentants du monde patronal, Pierre Gattaz en tête. Au risque d'étouffer dans l'oeuf les vélléités futures des salariés de s'ériger contre les orientations économiques prises par leur entreprise.