Paradoxe déconcertant : 90 % du patrimoine biologique mondial se trouve dans les pays dits « en voie de développement », quand 97 % des brevets sont détenus par des compagnies pharmaceutiques, agroalimentaires ou cosmétiques des pays du Nord. Comment éviter la biopiraterie, c’est à dire l’appropriation à des fins privées de la biodiversité via des brevets déposés par des entreprises ? Comment garantir l’accès à ces ressources aux communautés locales ? C’est l’objet d’une partie du texte de loi censé transcrire en droit français la convention sur la diversité biologique signée en 1992 [8]. Pour la fondation France Libertés, les dispositions en la matière doivent être renforcées. « La France se doit de prévenir la biopiraterie à laquelle ses entreprises nationales pourraient se livrer hors de son territoire », précise la fondation. Elle appelle à ce que chaque entreprise fournisse a minima deux preuves lorsqu’elle utilise une ressource, telle une plante médicinale : la communauté doit d’une part avoir donné son consentement préalable, et elle doit d’autre part pouvoir bénéficier d’un accord de partage juste et équitable des avantages tirés de l’utilisation de ces ressources.
Le projet de loi prévoit par ailleurs une amende d’un million d’euros lorsque l’utilisation des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels sans autorisation donne lieu à une utilisation commerciale. Pour la fondation créée par Danielle Mitterrand, ce montant n’est pas suffisamment dissuasifpour les grandes entreprises. Elle demande « une amende assise sur le chiffre d’affaires de l’entreprise » : 5 % du chiffre d’affaires annuel global de l’entreprise. Cette demande intervient alors qu’une âpre bataille oppose le gouvernement indien au géant suisse de l’agroalimentaire Nestlé.
Nestlé revendique la découverte des propriétés de la thymoquinone, une molécule très présente dans les extraits de fleurs de fenouil qui permettrait de réduire les allergies alimentaires. Or, ses vertus curatives en matière de vomissements ou de fièvre seraient connues depuis des millénaires en Asie [9]... Une pétition demandant le retrait du projet de brevet par Nestlé a d’ores et déjà recueilli plus de 700 000 signatures.