Santé publique VS loi du marché
Ainsi, parmi les paramètres servant à fixer le prix d’un médicament, deux dépendent de l’entreprise : le coût du développement et le prix de revient. S’il est tout à fait légitime de « rembourser » à l’entreprise son effort de recherche et son investissement dans la production de nouveaux traitements apportant un service médical démontré,il est plus discutable d’utiliser la Sécurité sociale et, à travers elle, les citoyens que nous sommes, pour générer des profits supplémentaires pour ces entreprises privées. Il est donc indispensable que sur le coût du développement et le prix de revient, il n’y ait ni mauvaise évaluation, ni tricherie.
Or c’est sur le principe actif que les groupes pharmaceutiques réalisent la plus grosse part de leur profit industriel. Rien n’empêche une société pharmaceutique du groupe de fabriquer le médicament en achetant le principe actif à une société chimique du même groupe, et rien n’empêche celle-ci de le lui facturer très cher. La marge de la société pharmaceutique peut être nulle ou faible, et celle de la société chimique atteindre des sommets, le groupe engrangeant la somme des bénéfices. Autrement dit, le prix de revient du médicament peut être artificiellement gonflé par le prix de vente du principe actif de la branche chimie à la branche pharmacie.Dans le cadre du projet sur lequel je travaillais, le principe actif était fabriqué en France et le comprimé était lui aussi fabriqué et conditionné en France. Au début du développement de ce futur médicament, Sanofi Recherche achetait en France principe actif et médicament. Mais, dès que les espoirs de mise sur le marché ont été jugés suffisants, c’est à Sanofi-Chimie (Suisse) qu’il fallut acheter le principe actif, à un prix bien supérieur, alors qu’il était fabriqué dans une usine du sud de la France et livré dans une autre usine du sud de la France ! Ainsi, tandis que les profits de la vente de ce principe actif partaient à l’étranger pour y bénéficier d’une fiscalité avantageuse, le prix de revient du futur médicament pouvait s’accroître au seul profit du groupe Sanofi (du fait de l’augmentation artificielle de son coût de développement).
Relevons que la suppression récente de milliers d’emplois dans la recherche et développement de Sanofi conduit, à court terme, à augmenter les bénéfices du groupe. Mais à long terme, cela diminue la capacité du groupe à mettre au point de nouveaux médicaments. L’avenir de Sanofi dans ce secteur est donc menacé, à moins de trouver des partenariats sur des médicaments que le groupe n’aura pas découverts. Sanofi a eu comme premier actionnaire Elf, société nationale : il est donc né, d’une certaine façon, grâce à l’argent des contribuables français. Les choix politiques de ces dernières années, notamment les privatisations, font que le groupe Sanofi était, au 31 décembre 2014, détenu à 63 % par des institutionnels étrangers. Les actionnaires français ne possèdent plus que 34 % du capital. Les dividendes distribués vont ainsi en majorité aux actionnaires étrangers et non aux contribuables français qui assument les dépenses de la Sécurité sociale en faveur de leur santé…