Ce terrorisme financier qui paralyse nos économies
Spécialistes reconnues des produits dérivés, BNP Paribas et la Société générale montent en première ligne. Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, affirme qu’une taxe qui n’inclurait pas la City affaiblirait l’économie française. Sans surprise, la Fédération française des banques et l’association Paris Europlace (qui regroupe les grandes sociétés cotées françaises, d’Accor à Vivendi) font valoir que la TTF affecterait gravement tous les investisseurs de la place financière parisienne.
Dans l’Hexagone, la « consanguinité bien connue des élites administratives et politiques avec les élites financières » amène à une « capture » des décideurs publics, les uns et les autres étant généralement issus de l’ENA et de l’Inspection générale des finances, expliquent Christian Chavagneux et Thierry Philipponnat dans leur essai sur le lobbying financier [4]. Cela fonctionne aussi à coups d’échanges de bons procédés : « Les banques ont accepté d’entrer au capital de la société Euronext [la principale Bourse de la zone euro, dont Bercy souhaitait ainsi stabiliser l’actionnariat]. En contrepartie, elles ont obtenu un alignement de Bercy sur leurs positions en ce qui concerne la TTF », analyse Alexandre Naulot, d’Oxfam.
Initiatrice de la taxe sous Sarkozy, la France est ainsi devenue sous Hollande un facteur de blocage des négociations européennes. « Le gouvernement français a trahi une initiative qui venait au départ de la France, en faisant de l’obstruction dans les détails », explique Sven Giegold, eurodéputé allemand du groupe des Verts, coordinateur du projet TTF au Parlement européen.
Car le diable est dans les détails. Sous Pierre Moscovici puis sous Michel Sapin, le ministère des Finances plaide ainsi pour une TTF limitée aux seules actions, exonérant la quasi-totalité des produits dérivés, pourtant très spéculatifs. Une taxe ainsi revue et corrigée par Bercy ne permettrait à la fin de lever que 600 à 800 millions d’euros par an à l’échelle de la France, au lieu des 5 à 6 milliards escomptés.
En janvier 2015, nouvel élan : sous la pression de l’aile gauche du PS, François Hollande se déclare favorable à une taxe à taux faible et assiette large, « sur tous les produits de la finance », y compris les produits dérivés. Est-ce une victoire de la volonté politique sur le lobby bancaire ? Pas sûr : ce dernier reprend vite du poil de la bête, les négociations étant confiées aux onze ministères des Finances concernés, sensibles à leurs arguments. Les discussions en cours à Bruxelles sont opaques. Elles laissent toutefois filtrer des options peu engageantes : une taxe à taux très réduit par rapport aux propositions de la Commission, l’exonération de certaines transactions… La mise en œuvre, de surcroît, se trouve sans cesse ajournée : déjà reportée à janvier 2016, la collecte ne devrait pas commencer en réalité avant 2017.
Je sais pas vous, mais je me souviens d'un François Hollande un peu plus agressif face au secteur de la finance et ses terroristes à col blanc...