Les « transactions pénales » permettront aux employeurs d’éviter les tribunaux
Selon ce texte, l’employeur aura la possibilité d’accepter une amende pour faire cesser les poursuites pénales si l’infraction constatée par l’inspecteur du travail est punie d’une peine d’emprisonnement de moins d’un an et qu’elle n’a pas fait de victime. Cette « transaction pénale » est proposée par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), organe représentant le ministère du Travail sur tout le territoire.Une fois « acceptée par l’auteur de l’infraction » et « homologuée [par le] procureur de la République », celle-ci interrompt « la prescription de l’action publique ». En clair, elle entraîne l’abandon des poursuites.Pour les infractions moins graves, l’employeur pris en flagrant délit sera soumis à une amende administrative décrétée de façon unilatérale par la Direccte, sans passer par la case tribunal. Ce sont donc les services de l’État qui constatent l’infraction (via un rapport d’infraction de l’inspecteur du travail) et lui apposent une sanction. Comme lorsqu’un agent de stationnement dresse une contravention à un automobiliste mal garé.
Mais les syndicats de salariés et d’inspecteurs du travail s’opposent à cette réforme majeure, qui revient selon eux à « dépénaliser le droit du travail », créant une sous-justice pour les délits ayant trait à la réglementation du travail. « Si la justice du travail ne fonctionne pas bien, c’est par manque de moyen », rappelle Loïc Abrassart, inspecteur du travail et membre du syndicat Sud Travail. L’organisation craint que cette procédure nouvelle ne s’accompagne d’un affaiblissement progressif de la justice pénale en droit du travail.Remettre le pouvoir de sanction aux mains de la Direccte engendre selon eux une perte d’indépendance, car « elle travaille sous l’égide du préfet ». « Elle est en lien permanent avec les patrons, car elle est chargée d’appliquer les politiques de l’emploi. Dans certaines régions, le chantage à l’emploi est tel que la Direccte n’est pas indépendante face à des grosses entreprises », constate Loïc Abrassart.Les « transactions pénales » seraient par ailleurs conclues dans la discrétion des bureaux de la Direccte. Et les syndicats s’inquiètent de ne pouvoir ni se constituer partie civile, ni s’appuyer sur la jurisprudence, ni exercer de droit de recours. Le projet d’ordonnance prévoit simplement que les salariés soient informés de la sanction via le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).