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Être à l’avant-garde implique d’incarner une vision du monde dissonante, un état d’esprit différenciant qui tranche diamétralement avec le conformisme et les valeurs conservatrices innervant la société. Cela vaut pour l’art, la littérature, le cinéma, mais également pour le champ médiatique. Reflet des différents courants de pensée qui irriguent la société, certaines revues culturelles forgent leur authenticité et leur originalité sur une dialectique subtile entre dissonance et mainstream.
C’est le cas notamment, du magazine Technikart, l’un des derniers avatars de cet anti-conformisme décalé et rafraîchissant, véritable trendsetter hexagonal. L’histoire de ce mensuel, où se mêlent à la fois le chaos et l’avant-gardisme, le dissonant et l’innovant, le rend si spécifique dans le champ médiatique français, que sa disparition aurait constitué, à n’en pas douter, une perte considérable.
L’homogénéisation du champ culturel est-elle une fatalité ?
L’homogénéisation du champ culturel et médiatique est l’une des antiennes de l’époque contemporaine. La crainte d’une disparition de la diversité et le constat d’un avant-gardisme moins flamboyant par rapport aux époques antérieures traversent l’imaginaire collectif. La nostalgie de l’effervescence intellectuelle post 68, où les revues les plus hétéroclites proliféraient, conduirait certains à appréhender le paysage culturel contemporain comme lisse et conformiste.
Que reste-t-il de cet avant-gardisme intellectuel français ? Le bouillonnement qui a animé les revues non-conformistes de la contre-culture est-il toujours aussi prégnant ?
Les déboires qu’a connus Technikart, revue culte ayant vécu ses heures de gloire dans les années 2000, il y a quelques années semblaient annoncer le déclin inexorable de cet état d’esprit si particulier, et portaient en germes la fin d’une époque. Au bord de la disparition, Technikart aurait emporté dans sa chute une culture caractérisée par la symbiose entre le subversif et le créatif.
Ce magazine a forgé sa réputation sur sa capacité à anticiper les tendances culturelles et sociétales, voire à être un acteur à l’origine de ces évolutions. D’où la nécessité de préserver ce magazine, véritable porte-étendard de la contre-culture, à même de rompre avec la convention et les discours conformistes.
L’avant-gardisme, une vision du monde au cœur du positionnement de Technikart
Pour expliciter le positionnement d’une revue comme Technikart, on peut établir une analogie avec la réflexion menée par Kandinsky dans Du Spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier sur la vitalité de l’esprit et la progression temporelle de la société. Le lectorat de Technikart a toujours été cantonné à une certaine frange de la société ; fédérant un public jeune et urbain, en quête de symboles, d’idées et de tendances différenciantes.
Se présentant comme un trendsetter, le magazine a toujours été traversé par une dimension prophétique et anti-hégémonique. En ce sens, la comparaison de son positionnement avec le concept de triangle spirituel théorisé par Kandinsky va de soi.
Le maître et le théoricien de l’art abstrait appréhendait la vie culturelle comme un triangle, au sommet duquel une infime poignée d’intellectuels et d’artistes impulsent, à rebours des idées dominantes de leur époque, une nouvelle vision du monde. Condamnés à être des prophètes d’un temps qui reste à venir, leurs paroles et écrits dissonants n’en sont pas moins à la pointe de l’avant-garde.
D’une certaine manière, se joue là l’éternel querelle des Anciens et des Modernes, avec à la pointe une minorité animée par la volonté de faire advenir une nouvelle vision du monde, et à la base, une foule pléthorique enracinée dans le conformisme.
Technikart, depuis sa création, s’est toujours positionné du côté des Modernes, dans l’optique de rompre avec le conformisme et le conservatisme.
La reprise de Technikart en décembre dernier par Laurent Courbin, patron de Ateo Finance, constitue à ce titre une nouvelle rafraichissante pour ce mensuel impertinent et innovant. Le sauvetage de Technikart par Laurent Courbin permet à ce magazine de pouvoir continuer à problématiser le conformisme et la normalité de notre société. En espérant que ce dernier, inscrive son action à la tête de Technikart en adéquation avec l’esprit qui anime le magazine depuis sa création.
Quoi qu’il en soit, la sauvegarde de cette pluralité culturelle et intellectuelle ne peut que réjouir ceux qui préfèrent les voies novatrices aux sentiers battus et monotones.