Le visage le plus représentatif de notre époque politique est celui de l’idiot plein de pouvoir. L’ignorant qui s’élève au-dessus de tout et de tous avec arrogance. Avec lui c’est la cupidité qui triomphe. Comme lui, elle est méchante et idiote. Difficile à admettre, le visage de Trump est l’image de notre temps. Au-dessus des lois, du droit, des libertés. Par-delà les règles, le bon sens et le sens du bon. Au détriment des valeurs, du respect, de l’universalité. Le piétinement du droit des plus affectés, des opprimés, de la Terre elle-même. Triste réalité de notre époque.
La première ascension au pouvoir de Trump fut une farce qui avait mal tournée. Une absurdité qui détrône et (nous) trompe et finit en criminelle erreur de ne pas prendre au sérieux ce qui est le plus absurde. Ne pas oublier comment il a atteint un tel niveau de popularité qui lui a ouvert les portes du pouvoir : la télé-réalité, ce qui a tout de plus faux, et un nom qui n’est qu’enseigne qui se répète, ce qui a tout de plus vide.
Sa seconde ascension est la vraie tragédie. Fut un temps, dit-on et disait Marx, l’histoire se répétait toujours deux fois, la première comme tragédie et la seconde comme farce. Mais c’était au temps historique qui précédait une autre farce, celle de « la fin de l’histoire ». Désormais le monde est upside down. Sens dessus-dessous. Tout est à l’envers : l’envers de la logique, du rationnel. Aujourd’hui, il est logique de tuer la terre pour y vivre. De se nourrir de produits chimiques pour se sentir vivant. De paraître social à l’écran pour être et devenir. D’évoquer un génocide pour en justifier un autre. And so on and so forth.
Aujourd’hui, ce n’est pas une farce qui revient après la tragédie. C’est le tragique sans entrave qui se défait de la farce.
Cette fois, c’est différent. Pour son premier mandat, l’incompétence et le manque de préparation, l’ignorance latente sans précédent, la surprise ont pris de cours les esprits malsains des fascistes de l’extrême droite américaine. On essayait de surpasser les lois, on y arrivait parfois, mais toutes les affaires allaient un peu trop vite, et la vieille bureaucratie faite de beaux discours et principes encadrant parfois le pouvoir semblait s’y mêler et faire traîner un peu les choses. Il fallait jouer un jeu dérangeant. Le fascisme autoritaire poussait mais il y avait un peu de contrepoids. Ça craquait de temps en temps, souvent, mais fallait un peu trop jouer le jeu. On arrivait quand même à faire remplir les tribunaux de juges extrêmes, à transférer l’argent des pauvres aux riches, mais bon. Au bout du compte on n’arrivait quand même pas à faire porter le coup final. Celui du coup qui réussit, voir qui tue quelques élites. Ça n’a pas bien fini, pendant un moment ils pensaient même devoir payer un prix pour ça.
Dans ces temps-là du premier mandat, la bonne société visible –– entendre les riches et leurs compagnies qui n’ont de choix que de s’afficher –– ne pouvait totalement embrasser la haine de l’autre, la rapacité fière, la bêtise revendiquée, bref la méchante connerie. Bien sûr, la riche société de la finance était majoritairement derrière Trump, dans la bonne tradition de l’entente des affaires et du capital autoritaire, mais dans l’ombre. Les gens aimaient à suivre leurs propres intérêts au mépris du racisme, du sexisme et de tout ce tralala qui faisait ralentir le processus en cours. On peut fermer les yeux sur les viols, la haine de l’autre et tout ça, si c’est bon pour nos impôts. Mais il ne faisait pas bon s’en vanter dans certains milieux, notamment dans une presse qui voulait défendre des libertés publiques si mises en péril. Les grandes marques devaient faire un peu plus semblant que d’habitude. C’était fatigant tout de même.
Cette fois, c’est différent. La bonne société des ultras-riches est faite de milliardaires qui se battent pour plus de présence à la cour du dangereux roi idiot. Tant ont tendance à se battre jusqu’à la mort pour la seconde place. Tout le monde rejoint le bateau. Pas d’autre choix, on connait la vengeance facile du roi idiot. On se bat pour être le laquais préféré de celui mondialement connu pour son esprit de représailles et son exigence de loyauté coûte que coûte. Ça coûterait trop de ne pas lécher les bottes. Promouvoir « l’énergie masculine » ? Ça marche. Arrêter de se soucier d’avoir une force de travail diversifiée ? Ça marche. Laisser bon train à l’homophobie et la haine trans et au racisme ? Ça marche. Faut suivre, après tout c’est l’ère des followers. Les affaires avant tout, le profit avant tout. Alors on s’y met et on y croit à cette contre-révolution fascisante. Après tout, pour qu’il revienne de si loin, le criminel, le felon, c’est qu’il sait y faire. Il déménage. Avec ou contre moi, on connait le refrain. Il y en a qui y croient pour de bon, et d’autres qui vont là où croît le profit. C’est tout.
Ne nous mentons pas. Cette fois, c’est parti. Plus de freins. Trump a toujours eu l’arrogance de l’idiot sûr de lui, aveugle de son absurdité, de son ignorance, de sa bêtise. Imperméable à la moquerie par orgueil excessif toute sa vie, sans ne jamais connaître de conséquences pour ses actes, aujourd’hui l’histoire lui a donné raison. Il avait raison de penser qu’il était au-dessus de la loi, des droits, de tout, de tous. Raison de croire à l’incroyable une fois, et à l’inimaginable une autre. Il est au sommet, il est chez lui. Malgré tout. Tout. Il ment, il viole, il vole, il est même condamné, peu importe. Il revient au sommet. Il ne doit d’excuses à personne. Il a la plus puissante machine de guerre de l’histoire. Les plus puissants à ses côtés. Des services secrets de partout. Cette fois il sait comment ça marche. Il a le pouvoir, et tout l’argent s’agenouille devant lui.
Le fascisme peut se montrer. Musk peut faire son salut nazi dès le premier jour. Trump pardonne près de 1 600 personnes condamnées pour leurs actions du 6 juin 2021. Plus besoin de prétendre. Pas besoin de faire dans le compromis.
Cette fois, c’est différent.