Le quinquennat de François Hollande aborde sa phase finale et l'on n'a pas oublié tout à fait les promesses du candidat Hollande François.
Si l'anaphore moi président... n'était qu'une formule oratoire sans lendemain, il est très regrettable que ses mots : ma priorité c'est la jeunesse n'aient guère eu davantage de traduction concrète. Misère des universités, pas d'amélioration du droit à l'emploi pour les jeunes en difficulté scolaire, seulement des emplois aidés insusceptibles de les insérer dans l'économie réelle.
Il y a les promesses, et il y a la réalité : Il n'avait jamais été question de durcir la législation sociale qui pérennise des avancées successives, souvent acquises dans la douleur. Pourtant, le Gouvernement a jeté l’opprobre sur le code du travail et stigmatisé l'archaïsme des syndicats dans un mouvement coordonné, toujours défavorable aux salariés, pour opposer le contrat d'entreprise ou de branche à la codification et resservir - ébouriffante modernité ! - la fable du renard libre dans le poulailler libre.
S'agissant de l'institution judiciaire, la tentative novatrice de la garde des Sceaux d'aborder la justice du XXIe siècle selon une méthode consensuelle a, jusqu'à ce jour, fait chou-blanc. Aucune suite tangible n'a encore été donnée à sa conférence de consensus, sinon un colloque offrant l'inutile arrêt sur image d'une justice endormie. La nouvelle contrainte pénale est en échec et il y a peu à attendre du timide projet de loi sorti de la place Vendôme, qui se livre à une approche hospitalière de la justice, comme s'il ne s'agissait que d'un accès aux soins.
La révision maintes fois annoncée de l'ordonnance de 1945 sur les mineurs, mise à mal par le quinquennat précédent ? Elle a été renvoyée aux calendes par un premier ministre qui semble avoir trouvé dans la mise en scène de son image personnelle la limite de son action politique.
Il est, d'autre part, une humiliation trop souvent renouvelée de voir notre pays traîner les pieds pour adopter les dispositions protectrices que l'Europe lui impose, par exemple en matière de communication du dossier à la défense. Comment s'étonner, dès lors, que la France soit incapable d'initiative en matière de justice et que ce soit l'UE qui donne le la ?
En matière de sécurité extérieure, le ton martial employé par François Hollande, la similitude frappante de certains de ses mots avec ceux de Georges W. Bush après le drame des Twin Towers, laissent craindre de ses initiatives solitaires, des conséquences aussi peu reluisantes que l'aventure irakienne. L'époque de la SFIO pendant la guerre d'Algérie est-elle si lointaine ? Il suffit de voir J-C Cambadélis se recueillir sur la tombe de Guy Mollet pour se poser la question.
Le choix de la riposte intérieure est tout aussi troublant. Tous les attentats intervenus depuis l'affaire Merah ont donné lieu, sans exception, à la violation du secret défense par les différents ministres de l'intérieur qui ont cru bon de rendre publique l'existence de fiches S concernant les mis en cause, faisant par là même l'aveu ingénu de l'inutilité du renseignement pour empêcher de tels crimes.
Et pourtant, au mépris de toute logique, la principale réponse politique a été de faire voter une loi liberticide qui place désormais tous les citoyens honnêtes sous la toise des services de renseignement, à l'aune des terroristes.
Quels autres reculs nos gouvernants sont-ils prêts à mettre en oeuvre si ces actes barbares se reproduisent ?
Pour achever ce bilan d'étape, on ne saurait oublier l'attitude des autorités françaises lors du déferlement de réfugiés de l'été 2015.
En mai dernier, les demandes de solidarité de Matteo Renzi s'étaient heurtées au refus catégorique par la France de tout quota de répartition des réfugiés, alors que l'Italie pliait sous le nombre des embarcations remplies d'hommes, de femmes et d'enfants et que la mer charriait sur ses rivages des corps sans vie toujours plus nombreux.
Il aura fallu que l'Allemagne d'Angela Merkel, après avoir accueilli un nombre inouï de réfugiés, torde le bras de François Hollande pour que le pays des droits de l'Homme (sic)concède enfin un maigre quota de 24 000 personnes à répartir sur deux ans alors que notre voisin en aura accueilli plus de 500 000 dans l'année.
En refusant d'admettre l'urgence humanitaire comme une priorité absolue commandée par la simple fraternité et, au passage, par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, en tergiversant lamentablement, puis en prenant le train allemand en marche, la France de François Hollande et de Manuel Valls a offert le spectacle accablant d'une classe politique totalement déboussolée, tétanisée par les progrès du Front national ; elle a montré un visage, celui d'un pays pétrifié, incapable de faire siennes les valeurs universelles les plus élémentaires. Elle a laissé l'Allemagne prendre seule le leadership moral en Europe. Elle a raté le coche.
Ces sombres constatations interviennent dans un cadre institutionnel où nos concitoyens sont toujours considérés comme des êtres faibles à qui il faudrait un chef ; où la représentation nationale, guère mieux traitée, se prête à la pantomime des débats sans vote sur des sujets essentiels que le président de la République doit encore considérer comme ressortissant à son domaine réservé, lequel n'existe qu'en rêve.
Les français ne sont pourtant pas des élèves en mal de maître d'école. Et si ce n'est ni le peuple qui décide ni ses représentants, qui le fait à leur place ? Qui influence les choix présidentiels ? L'armée pour faire la guerre ? Les services de renseignement pour obtenir une loi à leur main ?
Désireux de se présenter comme un président protecteur, selon cette idée d'un autre temps qui réduit le peuple à l'enfance, François Hollande offre en réalité, comme l'a fait Nicolas Sarkozy avant lui, mais à sa façon singulière, le spectacle d'un président anxiogène.
Ce gouvernement comprendra-t-il qu'une majorité dépolitisée, essentiellement soucieuse de se maintenir au pouvoir et sans projet véritable, constitue un risque majeur pour la démocratie ?
Contrairement à la saillie corrézienne du petit père Queuille, les promesses n'engagent pas seulement ceux qui les écoutent. Si cette gauche-là souhaite voir les partisans de la justice et du droit se détourner d'elle durablement, elle n'a qu'à continuer comme cela.
Dominique Coujard,
magistrat honoraire