LOI MACRON / NOTAIRES / CLERCS HABILITES ou le déni de la reconnaissance professionnelle et du droit du travail
La loi dite « Macron » , du nom du ministre de l’ économie , toujours en cours d’examen devant le Conseil Constitutionnel à la date du quatre aout 2015 ( !!) prévoit la suppression des clercs habilités :Le texte adopté supprime en effet d’un trait de plume les "clercs habilités" :ils sont aujourd’hui habilités à recevoir certains actes, notamment les ventes , les actes solennels ( donation, testament authentique , ...) la réception de ces actes restant de la seule prérogative du notaire :leur habilitation sera caduque dans les 12 mois de la promulgation de la loi, avec cette idée que le notaire salarié ou associé doit recevoir lui-même tous les actes et que la suppression de ces clercs habilités aura pour conséquence qu’ ils seront nommés à plus ou moins brève échéance notaires. C’est faire très peu de cas de la reconnaissance professionnelle réelle que constitue l’habilitation, souvent au bénéfice de personnes qui ne sont pas diplômés notaires mais dont l’expérience et la formation continue dépasse largement toute reconnaissance universitaire. On voudrait nier des acquis professionnels et donner aux notaires motif à se séparer d’un collaborateur ou d'une collaboratrice qu’on ne s'y prendrait pas autrement :penser que les clercs habilités seront intégrés notaires salariés par le seul fait de la loi , c'est dans un contexte de libre installation et donc d’incertitude professionnelle très forte, tout à fait incertain et relève d'un tropisme législatif naïf ou coupable : on n’associe pas un clerc habilité parce que la loi vous y pousse ; on l’associe parcequ ‘il ou elle en a les compétences ; le mouvement d’association se fera donc au bénéfice des clercs ( qui sont d’ailleurs très souvent aussi diplômés notaires) qui présentent des compétences suffisamment larges qui doivent évidemment dépasser la compétence pour recevoir un acte.
Le texte va donc sanctionner ceux des clercs qui ne seront pas associés , faute de diplôme ou de compétence : pourquoi les sanctionner alors que l’habilitation constitue un aspect substantiel de leur fonction et de leur contrat de travail ? ; la suppression « sèche et immédiate » de l’habilitation est , qui plus est , une atteinte évidente au principe de non rétroactivité des lois , le législateur portant atteinte , en défaveur du salarié , à un contrat de travail puisqu’il met fin à une fonction et à une responsabilité qui leur avaient été confiées alors même qu’aucun motif d’intérêt général ne peut le justifier . C’est inadmissible .
Laissons aux clercs habilités leurs parcours et leurs acquis :Qu'on mette au moins en place ,pour limiter la casse, comme pour les notaires salariés, un nombre maximal de clercs habilités par notaire qui lui permette de se constituer une équipe : qu’'on retienne le même chiffre de quatre ( comme pour les notaires salariés) ;ou qu’ au minimum, on réinstaure le délai de 5 ans qui avait fait l’objet d'un amendement pour donner le temps de mettre en place le dispositif de validation des acquis professionnels et de passerelle vers le diplôme à ceux et à celles qui le méritent au lieu de les sanctionner; on notera à cette occasion que le texte ne met même pas en place de passerelle, sous réserve de l’expérience , vers la fonction d’avocat.
La brutalité du dispositif est d’autant plus regrettable que l’amendement à l’origine de la mesure, déposé par Mr Ferrand indiquait que « la suppression de ce dispositif ne doit pas préjudicier aux clercs ,.. » « ce dispositif d’habilitation doit donc s’accompagner de mesures réglementaires permettant la validation des acquis de l’expérience ( VAE) ;Il reviendra au gouvernement d’aménager , par décret , une période transitoire permettant aux anciens clercs habilités d’accéder aux fonctions de notaires , .. (qui) pourrait s’inspirer de la proposition faite par la chambre des notaires de Paris « (d’intégrer en qualité de notaire salarié les clercs habilités depuis plus de cinq ans..) .On ne comprend donc pas les raisons de ce couperet alors qu’on sait qu’une concertation minimale , la mise en place du décret ( qui relève aussi de la compétence des Universités Bercy) ( et l’instruction des dossiers d’intégration ) dépasseront largement ce délai de 12 mois ..
On regrettera aussi que les habilitations conférées après le 01 janvier 2015 cessent de produire leurs effets dès la promulgation de la loi et on cherche vainement ou était l’urgence de sanctionner aussi vite ceux qui , du fait d’un reconnaissance professionnelle , avaient obtenu l’habilitation .
On ne pourra malheureusement pas sourire, le moment venu, des futurs contentieux qui ne manqueront pas de naître à la suite des licenciements de clercs habilites et dont le périmètre de compétence sera réduit du fait de la loi : au contentieux prud'homal s’ajoutera celui de la responsabilité de la loi qui n'aura pas mis en place un délai raisonnable pour permettre la résorption de ces situations, alors même qu’aucune urgence n’imposait ce délai qui pouvait être renvoyé au domaine réglementaire.
Enfin , qu' on impose notamment pour les contrats de mariage, et les Pacs , comme vient de le souhaiter le dernier congrès des notaires , le caractère solennel de ces actes ; c 'est au regard du contrôle général de l’état civil et , par exemple , des unions de complaisance une nécessité .Et qu 'au moins on tire les conséquences de l 'afflux prochain de nouveaux notaires pour leur donner l’autorité nécessaire et que l État tire le bénéfice de sa réforme en imposant aux notaires et à certains des actes qu’ ils reçoivent la solennité nécessaire.
DRALLEC
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