Le mouvement social actuel n'est pas simplement dû à un rejet de la réforme des retraites. Il est l'expression d'une exaspération populaire face à l'utilisation massive et sans nuances des symboles par le "président de la rupture". La communication a ses limites surtout lorsqu'on touche aux fondements de la société, dans ce qui la constitue, la soude. Encore plus en période de crise alors que le plus grand nombre n'arrive pas à joindre correctement les deux bouts.
Une communication explosive basée sur la manipulation de symboles forts peut mener à une confusion générale. Le chef de l'état Français a joué avec le feu durant ces trois dernières années en donnant en pâture au peuple des discours basés sur des symboliques fortes qui touchent l'inconscient collectif, les valeurs fondamentales de la société. Manipuler des symboles en permanence est un système de communication politique que le chef de l'état semble avoir fait sien depuis la campagne électorale de 2007, mais cette manipulation comporte des risques. Chacun se rappelle les slogans porteurs de symboles forts qui propulsaient vers le haut la côte de popularité de Nicolas Sarkozy à l'époque de la campagne électorale : "La France qui se lève tôt", "Travailler plus pour gagner plus", "Le modèle de Jean Jaurès"…
Une fois au pouvoir, ce furent les vacances présidentielles qui renvoyèrent un autre symbole, puissant et troublant : un acte symbolique de dix jours de vacances (sic) sur le yacht de l'ami milliardaire Bolloré, lunettes Ray-Ban sur le nez en guise d'image représentant la nouvelle présidence. Chacun put alors mesurer le nouveau style, la "rupture" promise par le premier des Français, le symbole de l'argent comme signifiant d'une réussite personnelle, fut-elle aux frais des contribuables. Le président prit en effet une première mesure, toute symbolique, celle d'augmenter son propre salaire de 170%. Suivirent les lois "TEPA", dont le bouclier fiscal fut la mesure clef : la symbolique, encore une fois, était au cœur de la démarche présidentielle. On ne peut pas prélever par l'impôt, en France, plus de la moitié du revenu d'un contribuable. Quand les chèques de remboursements aux montants astronomiques commencèrent à être délivrés par le trésor public aux plus grandes fortunes, le symbole prit une tournure plus précise : les plus riches devaient être privilégiés, même si son coût en était indécent aux vue des gains économiques présumés, même s'ils étaient une poignée à en bénéficier. On allait empêcher les investisseurs de fuir à l'étranger et les exilés fiscaux seraient incités à revenir. La réalité fut toute autre et le symbole celui d'une injustice flagrante qui fut amplifié par la crise financière de 2008 alors qu'on demandait déjà aux citoyens de se préparer à "faire des sacrifices".
Le symbole est au cœur de la communication présidentielle : "l'Homme Africain qui n'est pas rentré dans l'Histoire", "La moralisation du capitalisme", "Les patrons voyous", "Nous sommes en guerre" (discours de Grenoble), et bien entendu la lettre de Guy Môquet devant être lue chaque début d'année dans les établissements scolaires alliée au recueillement présidentiel annuel sur le plateau des Glières en hommage à la résistance. La liste de ces symboles est longue, très longue, épuisante. La dernière en date est la volonté présidentielle d'une loi de déchéance de la nationalité pour les Français d'origine étrangères. Le symbole de l'égalité des citoyens devant la république une et indivisible, balayé d'un revers de manche par le "président de la rupture".
Les actes présidentiels sont opposés aux discours. Au point qu'un sentiment général s'est installé, de résignation, puis d'indignation. Comment autant de symboles peuvent-ils êtres brassés et jetés à la face des citoyens sans que cela ne puisse à un moment créer, sinon de la confusion, des questions lancinantes, de la perturbation ? Le symbole, en politique, a sa place, mais il doit être mesuré à l'aune des actes qui doivent se conformer à celui-ci. Sinon il devient une arme de propagande, un outil de communication qui vide de leur sens les idées les plus nobles. S'il est pratiqué à des seules fin bassement électorales, puis doublé d'une pratique du pouvoir basée sur le principe de l'Homme providentiel, sans projet précis, il y a là une somme de phénomènes perturbants. Particulièrement pour la jeunesse. Que dire du symbole du mérite au travail par les études, pour cette même jeunesse, utilisé par le président alors qu'il tentait de faire élire son fils à la tête du plus gros établissement d'aménagement du territoire, fils n'ayant aucun autre diplôme que le bac et ramant péniblement en deuxième année de droit ?
Pourtant, la jeunesse a besoin de repères forts, de symboles à défendre. La valeur de l'exemple la tire en avant. Le contre-exemple peut la faire enrager. Comment peut-elle réagir face à un homme qui se présente comme seul arbitre face aux difficultés sociales graves qui agitent le pays, pratiquant la contradiction permanente, affichant un mépris assumé pour le dialogue, l'écoute ? Comment cette jeunesse peut-elle accepter que ce président utilise des symboles qu'il condamne en réalité dans les actes ? Faire l'apologie d'un résistant de dix sept ans arrêté par la police Française puis fusillé, pour déclarer ensuite "la guerre aux jeunes" en interdisant les "bandes", en abaissant l'âge légal de responsabilité pénale à 13 ans, c'est à dire en balayant les acquis des ordonnances du 2 février 1945 de sauvegarde de l'enfance délinquante ? Cette ordonnance de 1945 créait la primauté de l'éducatif sur le répressif, et instaurait les tribunaux pour enfants. Tout un symbole. Détourné. Piétiné.
Les jeunes renvoient un signal fort et peut-être sont ils dans la rue pour signifier qu'ils refusent que les symboles qui constituent leur nation soient détournés, manipulés, tronqués, bafoués.
La jeunesse est le symbole de l'avenir et les trois valeurs symboliques de la France que le président de la république Française ne devrait pas oublier sont Liberté, Egalité, Fraternité.