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Billet de blog 15 juillet 2012

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Rayons Gamma de 130 GeV : Un Signe de Matière Noire ?

Cela fait maintenant quelques mois que l'on ne parle que de ça, ou presque (mais pas encore ici!). Des rayons Gamma monoénergétiques de 130 GeV seraient observés en excès significatif en provenance du centre galactique. C'est le satellite Fermi-Large Array Telescope  qui est à l'origine de ces observations. Il semble que l'excès de gammas de 130 GeV soit très localisé vers le centre galactique, excluant de fait une erreur ou un biais expérimental...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cela fait maintenant quelques mois que l'on ne parle que de ça, ou presque (mais pas encore ici!). Des rayons Gamma monoénergétiques de 130 GeV seraient observés en excès significatif en provenance du centre galactique. C'est le satellite Fermi-Large Array Telescope  qui est à l'origine de ces observations. Il semble que l'excès de gammas de 130 GeV soit très localisé vers le centre galactique, excluant de fait une erreur ou un biais expérimental...

Or, parmi les nombreuses méthodes de détection de matière noire sous forme de WIMPs existe la méthode dite "indirecte", qui consiste à détecter les produits d'annihilation des neutralinos

Selon certains modèles, les neutralinos peuvent s'annihiler soit en deux photons gamma, soit en un photon gamma et un boson Z, ou encore en un photon gamma et un boson H.

Ciel vu par Fermi-LAT (E > 10 GeV) (NASA/Fermi-LAT collaboration)

L'annihilation est le processus qui se produit lorsqu'une particule rencontre son antiparticule. Et vous l'aurez compris, le neutralino et son antiparticule ne font qu'un. Il est sa propre antiparticule. Et bien évidemment, l'annihilation d'une telle particule est donc très favorisée dans les endroits où la densité de neutralinos est importante, de telle manière qu'ils aient une grande probabilité de se rencontrer. 

Et c'est logiquement au centre des galaxies que la concentration en neutralinos devrait être la plus importante, les WIMPs devant former un halo autour de chaque galaxie. C'est donc vers le centre de notre galaxie que l'on s'attendrait à voir un signal d'annihilation de neutralinos si ils existent et si nos modèles sont à peu près corrects...

On comprend alors l'ébullition qui a lieu en ce moment depuis la mise à disposition au public des données de Fermi-LAT en avril dernier montrant cet excès à 130 GeV en provenance du centre galactique...

Dans le cas d'une annihilation "simple" en deux photons, la masse du neutralino serait simplement égale à l'énergie des photons détectés, c'est à dire 130 GeV/c² (la masse s'annihile en énergie, E=mc²).

C'est en fait un astrophysicien allemand, Christoph Weniger, du Max Planck Institute für Physik, qui a publié le 12 avril dernier sur le site de preprints ArXiv une analyse des données publiques du satellite Fermi-LAT, qui est à l'origine de cette ébullition. Il s'est penché exclusivement dans la région du ciel la plus propice (le centre galactique) et dans un domaine d'énergie lui aussi le plus intéressant (entre 20 GeV et 300 GeV).

Depuis, d'autres équipes se sont précipitées sur les mêmes données en travaillant avec d'autres méthodes d'analyses et toutes ou presque parviennent à la conclusion qu'il existe bien une raie gamma aux environs de 130 GeV.

C'est sûr que ça serait absolument révolutionnaire si ça se confirmait. Mais attention, bien que statistiquement significatif, cet "excès" ne se base que sur 50 photons. C'est encore très peu.

D'autre part, les analyses que l'on trouve de plus en plus dans la littérature, le plus souvent en preprints, sont fondées sur des données brutes rendues publiques par Fermi-LAT, ce qui ne permet pas de rendre compte de tous les effets instrumentaux qui peuvent exister. La collaboration Fermi-LAT n'a pas encore rendu sa propre analyse et ne confirme rien. Le fait de ne travailler que sur 50 photons signifie qu'à ce rythme, il faut encore attendre quelques années d'observations pour avoir un signal très robuste (dixit C. Weniger).


La signifiance statistique de la raie à 130 GeV donnée par Weniger est de 4.6 sigmas en brut mais seulement de 3.3 sigmas quand on prend en compte le fait qu'il n'a regardé que là où il y avait le plus de chance de trouver quelque chose (le centre galactique et entre 20 GeV et 300 GeV), ce qui fait environ une chance sur 1000 que le signal ne soit en fait que du bruit.

Téléscope Gamma LAT (NASA)

Ce faible nombre d'événements implique également des difficultés à étudier en détails leurs caractéristiques spectrales (l'énergie exacte) ainsi que les caractéristiques spatiales (est-ce précisément le centre galactique ou un peu à côté ?). Ces points sont fondamentaux parce qu'on n'est pas à l'abri de l'observation d'un phénomène astrophysique exotique comme il en existe pléthore un peu partout...

Et puis, je vous entend déjà dire "et si la particule de 125 GeV découverte au CERN avait un rapport avec celle-là qui est aux environs de 130 GeV ?". C'est vrai que les énergies sont proches, mais de là à imaginer soit un halo de bosons de Higgs dans notre galaxie ou bien que le LHC a produit en fait des neutralinos et non des H, il y a un pas que je ne me permettrai pas de franchir!

Il nous faut juste être patient, quelques mois ou années et nous en saurons plus, à la fois sur la vraie nature du boson découvert au CERN et sur l'origine de ce signal encore mystérieux qui disparaîtra peut-être comme il est apparu...

Dr Eric SIMON   http://drericsimon.blogspot.com

source :

A Tentative Gamma-Ray Line from Dark Matter Annihilation at the Fermi Large Area Telescope

Christoph Weniger

http://arxiv.org/pdf/1204.2797.pdf

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