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Billet de blog 28 janvier 2018

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ARTICLES L. 1235-2 ET L.1235-3 DU CODE DU TRAVAIL: ÇA VA FAIRE MAL!

Philosophiquement, le Droit pose les principes de la Société, notre Société. C'est le Droit qui permet de matérialiser la volonté de "vivre ensemble" des individus, c'est le Droit qui crée la civilisation... Est-ce vraiment la Société que nous voulons, la Société qui se dessine au travers de ces nouvelles normes est-elle vraiment celle que nous souhaitons pour les générations à venir?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  Pour certains, la lutte des Ordonnances du 22 Septembre 2017 (dites « Macron ») est achevée et il convient de passer à autre chose. Mais il nous semble utile de constater, dans la pratique, ce que certaines des ces réformes vont avoir comme conséquences.  Deux articles résument à eux seuls le recul abyssal des droits des salariés. 

     Avant toutes choses, souvenons nous qu'il existe en doit français un principe que l'on appelle: "La réparation intégrale du préjudice". Ainsi, lorsqu'un individu doit souffrir d'un dommage, alors il peut se faire indemniser à la hauteur de ce dommage... Le responsable devra indemniser tout le préjudice et rien que le préjudice... 

     L'Article L.1235-3 du Code du Travail est une exception à ce principe. En "barèmisant" l'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le législateur détermine le montant des indemnisations, ce faisant il fixe de manière prédéterminée la valeur du préjudice qu'un salarié aura à subir.

     Prenons un exemple, deux ouvriers ne travaillant pas dans le même ville, ne travaillant pas dans la même entreprise mais disposant tout deux d'une ancienneté de 10 ans se font licencier abusivement (c'est à dire sans cause réelle et sérieuse comme cela arrive souvent). L'un est âgé de 34 ans, l'autre de 55 ans. Comme la loi le prévoit, ils auront chacun le droit à une indemnité maximale de 10 mois de salaire... Pensez vous que le préjudice soit le même? Le licenciement abusif est effectivement le même dans le sens ou il ne respecte pas les conditions propres à la rupture unilatérale du contrat de travail (le licenciement), c'est une violation des règles de droit. Néanmoins pour le salarié de 34 ans, même si le licenciement est mal vécu, il sera surement plus facile de retrouver un emploi, que le salarié de 55 ans, car on sait que les séniors, dans notre pays, ont beaucoup de mal à retrouver un emploi à partir d'un certain âge. Le préjudice réel du salarié de 55 ans est donc plus grand que celui de 34 ans... Mais pourtant, même indemnisation maximale... Ensuite on peut décliner cette exemple à l'infini avec la différence de préjudice d'un salarié de 34 ans qui est diplômé et d'un autre qui ne l'est pas, d'un salarié socialement favorisé, d'un qui ne l'est pas, d'un salarié qui habite Paris/Région Parisienne de celui qui habite dans un désert rural, etc... C'est pourquoi c'est une aberration de penser que l'on peut prédéterminer une indemnisation de préjudices! La réparation intégrale du préjudice implique qu'elle soit adapter au cas par cas... Mais pourtant, de manière exorbitante, pour que les "patrons" puissent tranquillement provisionner leurs "dégressages" ce n'est plus le cas, pour que les entreprises augmentent leurs profits, donc leurs dividendes ce n'est plus le cas... C'est philosophiquement, une aberration! 

     L'Article L. 1235-2 du Code du Travail rend, pour sa part, le salarié responsable des carences de son employeur. Examinons les Alinéas 1 à 3. Un employeur décide de licencier un salarié, c'est son droit, néanmoins il doit respecter une procédure qui implique la notification (Envoie d'une lettre de licenciement) et la motivation (explication des motifs de manière précise) du licenciement. Avant les Ordonnances du 22 Septembre 2017 dite "Macron", si l'employeur ne précisait pas suffisamment les motifs du licenciement, alors l'Arrêt ROGIÉ prévoyait une qualification sans cause réelle et sérieuse du licenciement. Cette solution était logique et s'expliquait par le fait que l'employeur, qui est à l'initiative du licenciement, doit établir l'existence de causes réelles et sérieuses de licenciement pour justifier de sa volonté de rompre unilatéralement le contrat de travail qui le liait à son salarié. La lettre de licenciement fixant les contours du litige, c'est à dire que le juge statuera sur le litige et examinera les motivations (réelles et sérieuses) de l'employeur en fonction de ce qu'il avait exposé sur la lettre de licenciement. On estimait alors, que l'employeur qui ne faisait pas état de ses motifs de licenciement dans la lettre alors qu'il était à l'initiative de la procédure, n'en avaient pas (sinon il les auraient mis), et donc le licenciement était nécessairement et logiquement sans cause réelle et sérieuse.

     Plus maintenant, c'est fini! Dorénavant, les Alinéas 1 à 3 de l'Article L. 1235-2 du Code du Travail disposent que le salarié doit envoyer à son employeur, s'il estime que les motivations du licenciement sont imprécises, une lettre de demande de précisons pour lui permettre de préciser une décision qui a, in fine, fait perdre son emploi au salarié et dont l'employeur avait l'initiative. Si, et seulement si, l'employeur ne répond pas ou si sa réponse est encore imprécise (On parle donc d'un employeur, qui souhaite licencier un salarié et qui finalement n'aurait pas de motifs suffisamment précis pour rédiger une lettre de licenciement malgré la demande de précision de son salarié) alors le salarié pour saisir un juge pour qu’il statue sur la réalité et le sérieux de la faute... On se résume, la victime d'une infraction, doit demander à l'auteur de l'infraction s'il est bien conscient qu'il commet une infraction et s'il souhaite poursuivre dans ce sens... Etrange conception du droit... Pire, si la victime ne le fait pas, elle supportera alors, dans les faits, une partie de l'infraction car à ce moment là, l'indemnisation du défaut de motivation, faute de demande de précision du salarié, correspond à une irrégularité de forme (la lettre a été mal écrite) et non plus à une irrégularité de fond (le licenciement n'est pas motivé et donc sans cause réelle et sérieuse).

     Il s'agit ici de deux modifications majeures dans le droit régissant les salariés. Certains justifient cela par la nécessité de changer le Code du Travail car il ne remplirait plus ça fonction de création d'emploi... Est-ce son rôle? Le Code du Travail a été instauré afin de permettre de rétablir l'inégalité qui existait entre les salariés et les "patrons", pas pour créer de l'emploi... Cela reviendrait à dire qu'il faut supprimer le Code de la Route car on vend moins de voiture en France... En sommes nous vraiment arrivés là?

     Dans son approche la plus large, le Droit pose les principes de la société que nous voulons bâtir, ce sont les règles du vivre ensemble que détermine le droit... Est-ce vraiment la société que nous voulons pour nos enfants? Est-ce vraiment cette société à laquelle nous aspirons et qui se dessine au travers de ces nouvelles normes?

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