A Malika Madi[1],
Lorsque Sarkozy a emprunté l'idée d'un débat de civilisation des pays méditerranéens [2] , je pressentais que du carcan d'égoïsme dans lequel nous vivons allait naître notre incompréhension et notre cécité face à des cultures qu'autrefois nous avons feint d'étudier de manière académique c'est-à-dire de manière virtuelle. Aujourd'hui, la réalité c'est la présence multicurelle des peuples par l'immigration dont les causes sont essentiellement à rechercher dans le passé colonial des pays où ces immigrés demandent l'asile. Notre incompréhension s'est muée en intolérance et nos aprioris ont tout emporté dans la tourmente de nos regards obliques et de nos apartés. J’ai honte de nos débats éculés, de cette droite renaissante sous des aspects lugubres d’un fascisme que l’on croyait disparu, de nos déclarations de soutien aux seuls chrétiens assassinés tandis que tant de musulmans meurent sous les bombes et les attentats perpétrés par ces mêmes islamistes. Même cause mais pas les mêmes effets, selon que tu sois chrétien ou musulman, « les jugements des cons vous feront saint ou victime consentante. »
J’admire le courage des femmes qui marchent vers leur émancipation et celui de ces jeunes maghrébins qui ne demandent qu’à vivre libre. Un jour viendra, où nous aurons besoin de vous qui, dans la souffrance et la lutte, réinventez la société et sa dimension humaine car vous avez compris que c’est l’homme qui choisit la société et non la société qui façonne l’homme. C’est ce que nous avons oublié depuis le siècle des lumières. C’est en mettant en cause la capacité de l’individu à maîtriser le monde dans lequel il vit [3] que l’on empêche l’avènement de la raison. Perclus dans le libéralisme et la cupidité de nos dirigeants, nous regardons l’Afrique dont entre autres le Maghreb, au travers d’un prisme culturel rigide de contraintes sociales et religieuses. Nous ne remarquons pas que ce qui se passe là-bas est une forme de prise de conscience, un éveil collectif qui, un jour, nous libérera de notre vision dépassée et décadente de notre monde. Ce monde où pour les sociétés de consommation tout est devenu marchandise depuis que celle-ci est génératrice de richesses en vue de diviser et séparer les hommes libres en castes productives et classe dominante. C’est votre lutte qui aura raison de ce féodalisme où croupissent des gens incultes mais riches qui ont été incapables de vous accueillir après avoir détruit votre économie et votre histoire. Reprenez possession de vos biens, de vos minerais, de vos ports, de votre avenir et donnez une leçon d’ouverture à ceux qui ont souris par moquerie et ignorance lorsque vous leur demandiez de vous tendre la main. Vous êtes riches d’espoir et d’enthousiasme, là où nous sommes pauvres de nos inutiles biens de consommation et de notre inculture.
Tout pouvoir mourant de son abus, la crise plonge nos sociétés repues de biens non partagés dans une fuite en avant financée par des spéculations et dans cette tornade mercantile et stupide, elles entraînent leurs populations dans un esclavagisme de remboursement des excès et des fraudes commises par les plus hautes institutions financières sous la protection de gouvernements corrompus et autoproclamés démocratiques. Le but est de changer le consommateur en serf dont le travail ne garantit plus son affranchissement par rapport au système mais dont le fruit de celui-ci est destiné avant toute chose à garantir la richesse toujours croissante d’une classe dirigeante.
Je ne sais Malika si ton livre et ce film évoquent également ce que je viens d’écrire mais cet extrait et la réalité quotidienne m’ont inspiré ce texte que je voulais te dédier en remerciement de l’émotion que j’ai ressentie en voyant cette bande annonce dans laquelle tu m’as aimablement identifié sur facebook.
Albert
1 http://malika-madi.blogspot.com/
2 http://www.babelmed.net/Pais/France/sarkozy_la.php?c=2911&m=41&l=fr
3 ZeeV Sternhell – « Les anti-Lumières (Une tradition du XVIIIème siècle à la guerre froide) » Librairie Arthème Fayard 2006 –revue et corrigé 2010.