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Billet de blog 18 décembre 2025

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Chères oubliées: Cecilia Payne, chercheuse d'étoiles

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Illustration 1

Cecilia Payne, 1900-1979, britannique, Chercheuse d’étoiles

Chère Cecilia,

J’ai découvert ton nom tardivement, en cherchant des figures féminines oubliées de l’histoire. Pourtant, personne ne devrait ignorer ton histoire.

Tu es née en 1900, dans un village anglais, à une époque où être une fille curieuse et savante pouvait sembler malvenu. Mais toi, tu as choisi la voie de la science, malgré les attentes d’un monde qui voulait limiter ton accès à la connaissance. Tu as d’abord commencé par la botanique et les sciences naturelles. Mais en 1919, tu assistes à une conférence d’Einstein sur les éclipses et la relativité qui va changer ta vie et te faire basculer dans l’astronomie.

À Cambridge, tu as étudié auprès des plus grands, mais l’université, dans son absurdité, refusait encore de délivrer des diplômes aux femmes. Alors tu es partie et en 1923, tu traverses l’Atlantique pour rejoindre Harvard, attirée par les travaux de Harlow Shapley et l’ouverture qu’offre cette terre d’exil intellectuel.

C’est là, dans le silence des nuits étoilées et les données des spectres lumineux, que tu écris une thèse qui va bouleverser l’astronomie. Avant toi, on pensait que les étoiles ressemblaient chimiquement à la Terre, avec une simple différence de température. Mais toi, grâce à l’analyse spectrale, tu découvres que l’hydrogène et l’hélium, ces éléments légers que l’on croyait insignifiants, constituent l’essentiel des étoiles.

Tu as raison avant tout le monde, mais on ne te croit pas. Henry Norris Russell, une autorité de l’époque, minimise tes conclusions avant de finir par les adopter… en son propre nom. Combien de femmes scientifiques ont vu leur génie ainsi effacé ? Les archives disent peu de choses sur ce que tu ressentais face à ces injustices. As-tu été blessée ? Épuisée ? Tout ce que je sais, c’est que tu as continué sans relâche à explorer les mystères des étoiles, à enseigner, à transmettre. Tu étudies également les magnitudes des étoiles variables, celles de la Voie lactée et les Nuages de Magellan, afin de les répartir dans les catégories existantes et de déterminer leur évolution.  Par la suite, tu t’intéresses aux novae, pour lesquelles tu proposes en 1957 une classification fondée sur la vitesse d'évolution de leurs courbes de lumière. 

Pourtant, tu n’obtiens ton poste permanent à Harvard qu’en 1938, et en 1956 tu deviens la première femme à y diriger un département. C’est tardif, bien sûr, mais c’est un pas de géante pour les générations qui te suivront.

Je pense souvent à l’incroyable énergie qu’il t’a fallu pour persévérer dans un tel contexte. Une anecdote m’a particulièrement marquée : un jour, ton superviseur Harlow Shapley t’aurait conseillé de ne pas te marier, affirmant qu’une femme devait choisir entre la science et la famille. Mais toi, tu as prouvé qu’il avait tort : tu t’es mariée, tu as eu des enfants, et tu es restée une scientifique extraordinaire. Et ce en dépit des indignations suscitées par le fait que tu conserves ton poste de chercheuse tout en étant mariée.   

Chère Cecilia, tu as navigué dans un univers dominé par des hommes, non pas pour prouver quelque chose, mais parce que tu voulais comprendre le monde qui t’entoure.

Je connaissais Galilée, mais je ne te connaissais pas, Cecilia Payne. Maintenant si, et je ne t’oublierai pas.

Portrait rédigé par Cécilia Bertosio

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